Une rencontre où, en plus des retrouvailles souvent fraternelles et émouvantes, l'on a su redonner vie à un genre musical bien que profondément ancré a perdu ses repères à l'aune d'une richesse musicale sans frontières. La salle des conférences Mustapha Mekki n'a donc pas désempli, deux jours durant où poètes et chanteurs du bédoui se sont succédé, souvent en faisant la queue pour épater l'assistance toute ouie et ravie de l'aubaine. Presque une première après de longues années de dèche. Tiaret avait, par un passé récent, habitué certains adeptes aux rencontres en hommage à son poète attitré, l'alchimiste des mots feu Mohamed Bouteiba, mais la longue éclipse a fait comme raviver de vieux souvenirs enfouis à entendre des qacidate prenantes, presque toutes dédiées à la gloire, à l'amour et à la paix. Que ce fut agréable d'entendre cheikh Rabah Ould Zaoui chanter Moulat El khana , Abdallah Tiareti reprendre cheikh Ahmed Tiareti, entrecoupés par des poèmes forts et élaborés à l'exemple de ceux déclamés par Ziar Omar parlant du « fen ». Une sorte d'élégie sur l'art qui a beaucoup plu et fait prendre dans leurs bras de vieux gardiens du temple, à l'exemple de l'octogénaire Beldjouher et Cheikh Khaled Mihoubi Ould Zine. Ce dernier, cheville ouvrière de cette rencontre, n'a pu tenir ses émotions à un moment où le poète Dahou Meziane de Mascara quittait la scène pour rallier sa ville en pleurs. Un Dahou Meziane qui a épaté l'assistance de vers, un mélange subtile de mots, dits en arabe et en français qui ont fait tilt. Venus des quatre coins du pays, depuis Tizi Ouzou, Blida, Chlef, Sidi Bel Abbès, Mostaganem, Tissemsilt, Relizane entre autres poètes et chouyoukh ont vécu donc dans une parfaite symbiose où le verbe cru et tranchant se dispute la belle mélopée sous l'entrain de la flûte et du tambourin. La flûte enchantée Le décor ainsi planté ne pouvait que rappeler leur jeunesse à une bonne frange de notre société. On a vu de très vieilles et respectables personnes clouées dans leur fauteuil pour suivre les péripéties d'une rencontre prometteuse qui semble renaître de ses cendres. Un festival haut en couleurs qu'ont eu l'honneur le wali et le P/APW d'inaugurer et qui a engendré dans son sillage ici et là un débat teinté de dépit, car chacun y allait de sa vision des choses sur un genre musical (le chant bédoui) et son corollaire la poésie populaire pour laquelle se sont succédé près d'une centaine de poètes vieux et jeunes pour déclamer des envolées lyriques souvent sous les vivats des vers où l'on décrivit les tourments d'une vie. Traduire la souffrance, perpétuer la légende. Certains se disaient émules. D'autres contrastent et ajoutent leur propre touche, savamment élaborée. Que de faits précieux pour exprimer les mœurs du temps, la délicatesse des manières, le raffinement des sentiments. Bref tout ce qu'il y a d'élégance dans la subtilité de l'expression. On s'avise parfois gardien de la tradition, un tantinet moralisateur mais jamais flétrir l'égoïsme et la cupidité comme savait le faire cheikh Mohamed Bouteiba, dont le portrait trônait à côté de ses contemporains à l'exemple de cheikh Ahmed Tiareti, qu'on a fredonné les airs, cheikh Adda, Belfatmi, Laâredj Rekaï, Belahrech, maître Laïmehe et la liste est longue. La rencontre de Tiaret qui a été des moments d'inoubliables unions au delà du cachet propre au chant bédoui a permis à certains poètes de faire connaissance et faire connaître leur travaux, à l'exemple de Boudali de Chlef, Zaïr de Tiaret, Arabi de Mostaganem, Nouar Mohamed, petit-fils de Bouteiba et à Bentamra Aïcha, celle qu'on surnomme la Tigresse de l'Ouarsenis de s'affirmer. Cercle des poètes retrouvés La rencontre a surtout consacré un bureau de wilaya des poètes, le deuxième du genre après celui de Laghouat, sous l'égide de la Ligue nationale de la poésie populaire dont le secrétaire général, Ouamane Tewfik semblait comme s'y prendre en retard, car venu expliciter la vision de cette jeune organisation face à une salle vide. Certains diront : « Voilà la récupération ! » mais lui parle de « la nécessité de s'organiser pour valoir plus de respect aux poètes », car surenchérit-il : « En peu de temps, on a su forcer le respect. » Tant mieux !