PV vierges, antidatés, extraits de fichier électoral, rapports de la Commission de surveillance… Depuis vendredi, le fax de la rédaction n'arrête pas. Tous les documents que nous avons reçus attestent de nombreuses irrégularités – pour ne pas dire de fraude – qui remettent en cause la transparence du scrutin. Le mode de scrutin ? La loi du plus fort Abdelaziz Belkhadem en a rêvé, l'Etat l'a fait. En 2010, le secrétaire général du FLN propose la proportionnelle comme mode de scrutin pour les élections communales. Deux ans après, le pouvoir décide d'introduire une dose de proportionnelle aux législatives. En clair, cette loi élimine de facto les listes qui n'ont pas atteint 5% des suffrages inscrits, et les voix de ces listes sont automatiquement reportées sur les autres listes. Une loi taillée sur mesure pour favoriser les grandes formations politiques et qui constitue un écueil difficilement franchissable pour les petits partis. «C'était un piège dont nous savions, lorsqu'il a été adopté par la précédente APN, qu'il nous coûterait cher en termes d'élus, souligne Noureddine Bahbouh, secrétaire général de l'Union des forces démocratiques et sociales (UFDS). Ce mode de scrutin est injuste et terriblement pénalisant pour la grande majorité des partis et extraordinairement bénéfique pour quelques-uns.» Lors des élections du 10 mai, le FLN a grandement profité de ce mode de scrutin. Avec seulement 1,32 million de voix sur les 7,63 millions exprimées, le parti de Abdelaziz Belkhadem s'est vu attribuer 221 sièges. Soit une moyenne de presque 6000 voix pour chaque député ! Quant au FFS, avec seulement 188 275 voix, il s'est vu attribuer 21 sièges alors qu'il a obtenu moins de voix et plus de députés que le Front national algérien (FNA) de Moussa Touati, Al Adala de Abdallah Djaballah et le Parti des travailleurs (PT) de Louisa Hanoune. Ce qui fait dire à Mohamed Rachedi, secrétaire général du Parti socialiste des travailleurs (PST), que «la nouvelle majorité issue de ces élections est en réalité une minorité et que ce scrutin est antidémocratique et favorise les grands partis». Un rôle de figuration pour la Commission de surveillance des élections Les partis politiques avaient exigé la mise en place d'une Commission nationale de surveillance des élections (CNSEL)… Ils l'ont obtenue… mais ont très vite déchanté. En acceptant la revendication des partis politiques, l'Etat a pris le soin de délimiter les prérogatives de la commission, en ne lui accordant qu'«une mission de suivi et de contrôle des opérations électorales et de la neutralité des agents en charge de ces opérations», comme le stipulait la loi du 12 janvier 2012. En clair, la CNSEL n'avait aucun pouvoir durant les élections et s'en est tenue à un rôle limité, en l'occurrence l'élaboration de constats et de rapports sur le déroulement du scrutin. «On s'est fait trimbaler par le pouvoir, souligne Samir Larabi, militant du Parti socialiste des travailleurs et membre de la commission. Mais devant l'ampleur des problèmes auxquels les partis avaient à faire face, on n'avait pas le choix. La commission a permis d'en régler quelques-uns. Mais en définitive, on s'est bien fait avoir. Pour le pouvoir, la CNSEL ne devait servir qu'à justifier les résultats des législatives.» Même constat chez le représentant de l'Alliance verte, Redouane Benatallah, qui reconnaît aussi le rôle de «figurante» dévolu à la CNSEL, mais insiste sur la concession arrachée par les partis politiques : celle de nommer les membres de la commission. «C'est la première fois que cela se passe ainsi, explique Redouane Benatallah. D'habitude, les membres étaient désignés par le pouvoir comme lors des législatives de 2007, avec la Commission politique nationale de surveillance des élections législatives (CPNSEL), que présidait Saïd Bouchaïr.» En muselant la CNSEL, l'Etat avait pris le soin de mettre en place une instance parallèle, la Commission nationale de supervision des élections, constituée de 317 magistrats choisis et désignés par le président de la République, à qui il a accordé les pleins pouvoirs. «Ce sont les magistrats qui étaient les véritables maîtres du jeu, déclare Mahdjouba Chalabia, présidente du Mouvement pour la jeunesse et la démocratie. Ils ont été gâtés par le pouvoir qui leur a accordé tous les moyens matériels pour mener leur mission. En contrepartie, ils ont fait en sorte d'ignorer tous les constats et rapports que la CNSEL leur avait fait parvenir.» En voulant éviter l'extraordinaire trafic électoral commis lors du scrutin local de 1997, qui avait vu la victoire contestée du RND d'Ahmed Ouyahia, les partis politiques avaient cru faire du 10 mai une leçon de démocratie. Le pouvoir n'avait pas le même objectif. Observateurs internationaux : un «échange» entre dirigeants Analysant le travail de l'économiste britannique Paul Collier, auteur de Wars, guns and votes : democracy in dangerous places, la parlementaire colombienne et observatrice d'élections pour le compte de l'Union européenne et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Tana De Zulueta, est catégorique : l'évaluation par les observateurs étrangers d'une élection est «un jeu auquel les dirigeants se prêtent en échange de la légitimité internationale». Dans son article repris par la revue française Books*, Tana De Zulueta pointe d'abord l'élément qui fait défaut dans ce genre de mission d'observation : l'évaluation de leur tâche. L'autre fait pointé : le manque d'intérêt des puissances occidentales quant aux conclusions des missions d'observation. «On fait voter les citoyens d'un pays avant d'abandonner leurs fragiles espoirs aux tyrans de service, chefs de bande, dictateurs ou seigneur de guerre déguisés en démocrates le temps d'un scrutin organisé à la hâte», constate, amèrement, l'ancienne observatrice. «L'élection ne peut à elle seule garantir le caractère démocratique d'un Etat, souligne la parlementaire colombienne. Bien au contraire.» Et de citer Paul Collier : «Si la démocratie se résume à une élection, celle-ci nuira au processus de réforme.» Chaque engagement d'observateurs internationaux, écrit Tana De Zulueta, ne peut faire l'économie d'une «réflexion sur les objectifs politiques et le contexte dans lequel se déroule ce genre de mission». *Le mirage des urnes africaines, n°11, janvier-février 2010.
-à Oran : dans ce bureau de vote à Oran, le taux de participation à Oran n'a visiblement pas atteint les 44,38% . Un seul inscrit figure sur ce PV. -à la Casbah, les encadreurs étaient des militants du FLN. Sur ce document nous avons masqué les noms. -à Tindouf : du procès-verbal du dépouillement du bureau n°3 du centre de vote El Bachir El Ibrahimi, il ressort que le nombre d'enveloppes est égal à celui des inscrits. Ainsi le nombre d'inscrits dans ce bureau de vote est de 685, le nombre d'enveloppes trouvées à l'intérieur est de 685. Alors que le nombre de votants, empreinte digitale faisant foi, est de… 669. Sur le PV, les surveillants mentionnent que le nombre d'enveloppes dépasse celui des votants. Toujours dans la wilaya de Tindouf, selon des témoignages, les rédacteurs des PV octroient un résultat au FLN, comme démontré dans ces deux PV, puis inscrivent d'autres résultats en face des autres partis jusqu'à atteindre 685. Le résultat obtenu par le FLN est le même dans deux bureaux différents, soit 317. Dans le bureau n°11, ils sont 100% à avoir voté… Un bureau dédié aux militaires inscrits dans cette wilaya. Par ailleurs, l'opération de vote s'est poursuivie jusqu'à 21h30. -à Tamanrasset : selon le candidat tête de liste de l'Alliance de l'Algérie verte, M. Dahimi, les autorités «ont commis une grave erreur en injectant les militaires dans le fichier électoral de notre wilaya». «Pourquoi avoir impliqué nos chers soldats dans cette opération ? Comment voulez-vous que des gens qui ne sont pas de la région connaissent les candidats ?», appuie le candidat de l'Alliance islamiste. «Ici, l'Etat a pris ce qu'il voulait», enchaîne un autre candidat qui évalue la proportion des militaires inscrits dans le corps électoral de la wilaya à un tiers. «Et cela avec un objectif : donner le maximum de voix au FLN et au RND !», ajoute le candidat. «Le grand nombre de militaires qui ont voté a fortement influé sur le résultat final, nous le regrettons», conclut Dahimi de l'Algérie verte. -à Tizi-Ouzou : lettre de recours et de réclamation signée par les représentants de 5 partis : le MNL, le FNJS, El Fadjr Djadid, le RPR et le RA, qui viennent de lancer une initiative pour entamer une démarche juridique afin de dénoncer la fraude et les conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections. N. Douici