«Les chefs d'Etat ont compris que l'Union du Maghreb arabe était un échec politique. C'est la raison pour laquelle ils ont décidé de tout miser sur le partenariat économique.» A en croire ce diplomate algérien, présent lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq pays de l'UMA, à Rabat en février dernier, une nouvelle dynamique est enclenchée pour sortir l'Union d'une léthargie qui dure depuis plus de vingt ans. Le secrétariat général de l'Union a d'ailleurs appelé hier à «l'intensification de la coordination fiscale dans les pays de l'Union du Maghreb arabe pour stimuler les investissements dans l'espace maghrébin», indique le secrétariat général de l'UMA dans un communiqué. Des sessions de formation au recouvrement d'impôts, dépôt de déclarations et contrôle fiscal sont prévus en Tunisie et en Algérie. «Le Printemps arabe est passé par là…, relève Saïd Mokadem, secrétaire général du Conseil consultatif de l'UMA à Alger. Aujourd'hui, il y a une véritable volonté politique. Le président Bouteflika a dit son attachement à l'UMA. C'est un discours politique, mais au-delà, il y a des faits.» Les faits, ce sont tous les dossiers relancés à la réunion de Rabat. Celui de la zone maghrébine de libre-échange, par exemple. «Moribonde depuis 1992, elle vient d'être réactivée, assure Saïd Mokadem. Un accord devrait même être signé lors du prochain sommet de l'UMA qui pourrait se tenir à Tunis avant la fin de l'année.» Ou encore celui du projet de «communauté économique» comprenant des facilités pour les jeunes qui voudraient créer leur entreprise, des aides pour les PME-PMI. «Un soutien financier qui sera apporté par la Banque maghrébine pour l'investissement et le commerce extérieur dont le règlement intérieur vient d'être adopté, poursuit le secrétaire général. Elle existe - son siège est à Tunis - mais n'est pas vraiment opérationnelle, car son démarrage réel nécessite des fonds. Et l'Algérie a été la première à y contribuer, avec un versement de 7,5 millions de dollars.» Autres dossiers qui devraient être approuvés à la prochaine réunion interministérielle : le projet de création d'un conseil chargé de l'Environnement, composé de ministres, dont la mission sera d'élaborer une stratégie pour assurer la sécurité alimentaire dans la région. «Ou celui de création d'un mécanisme permanent de coopération dans le domaine du transport aérien, des communications, de la formation des ressources humaines…», énumère, enthousiaste, Saïd Mokadem. Un optimisme qui n'est pas partagé par l'ancien ministre et diplomate algérien, Abdelaziz Rahabi. «Je ne pense pas que tout cela soit possible dans l'immédiat. D'abord, parce que les pouvoirs en place, en Tunisie et en Libye, ne sont pas encore assez stables, analyse-t-il. Ou du moins ne sont pas en mesure d'engager des institutions sur des décisions stratégiques. Ensuite parce que les conditions techniques ne sont pas réunies. Les relations intermaghrébines sectorielles ne sont pas assez développées et très peu de choses ont été faites.» Une autre manière de dire que l'Union n'en a pas fini avec ses blocages. S'il fallait voir un obstacle aux bonnes intentions des chefs d'Etat, Saïd Mokadem préfère pointer du doigt la nécessaire réforme des institutions. «Le Conseil présidentiel ne s'est pas réuni depuis 1994, les autres institutions n'ont qu'un rôle consultatif et nous n'avons même pas de droit communautaire, souligne le secrétaire général du Conseil consultatif de l'UMA à Alger, en rappelant que sur les 38 accords et décisions maghrébines, seuls 6 ont été ratifiés par les Parlements nationaux. Pour rattraper le retard, il a été proposé à Rabat que le conseil consultatif de l'UMA devienne un véritable Parlement avec des membres élus au suffrage universel direct.»