La 19e session des ministres des Affaires étrangères se tient aujourd'hui au Sheraton. Elle a été précédée hier par une réunion des experts. Ses activités étant gelées depuis plusieurs années, l'Union du Maghreb arabe, qui regroupe les cinq pays de l'Afrique du Nord (Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye) est-elle enfin décidée à se donner les moyens de sa politique? On est en droit d'en douter, et c'est ce qu'a fait le comité de suivi, qui s'est réuni au mois de novembre dernier, en tirant la sonnette d'alarme. Il a notamment insisté sur la nécessité de respecter le calendrier des réunions des instances maghrébines. C'est le Smig de ce qu'on peut demander à une organisation, fût-elle d'envergure régionale. Or, non seulement, il n'y a pas eu de sommet de l'UMA depuis bien longtemps, mais même les réunions ministérielles, voire des structures techniques, arrivent difficilement à se tenir. Il faut donc considérer comme un événement la tenue de la 19e session des ministres des Affaires étrangères, précédée, dès hier, par une réunion à Alger au niveau des experts. Pour justifier le gel de l'UMA, certains ont avancé le prétexte du Sahara occidental qui empoisonne les rapports entre l'Algérie et le Maroc, mais d'autres vont jusqu'à affirmer qu'il n'existe pas de complémentarité économique entre les pays maghrébins, et que l'Union restera toujours un voeu pieux. Il est vrai que si on se base sur le schéma actuel, hérité de la période coloniale, on remarquera que l'essentiel des relations économiques des différents pays du Maghreb se fait avec l'Union européenne et que les échanges proprement intermaghrébins sont négligeables, sinon quasi nuls. Et pourtant, il y a tellement de choses à faire ensemble, à commencer par la mise en valeur des zones frontalières. Mais surtout, la réalisation d'un chantier de cette envergure, requiert beaucoup de volonté et une sacrée dose de courage politique. On rappellera qu'en 1988, au moment du rétablissement des relations diplomatiques algéro-marocaines et à la veille de la création de l'UMA, une délégation de journalistes algériens avait visité des unités de productions au Maroc. A cette occasion, certains chefs d'entreprises chérifiens n'avaient pas caché leur envie de disposer du gaz algérien. «Si on avait votre énergie, on ferait des miracles», avaient-ils déclaré. Entre-temps, un gazoduc Maghreb-Europe relie l'Algérie à l'Espagne, en transitant par le royaume chérifien ; et il est dans l'ordre des choses que les Marocains en tirent des dividendes, au même titre que les Tunisiens avec le gazoduc transméditerranéen. Une table ronde, organisée par l'UMA et la Banque islamique, qui s'est tenue récemment à Rabat, a réuni des hommes d'affaires et patrons maghrébins, et mis en exergue la nécessité de réfléchir à un moyen de développer les investissements directs étrangers. En d'autres termes, rien n'indique que les pays maghrébins pris séparément puissent intéresser les capitaux étrangers, mais il est évident qu'un marché de 70 millions d'habitants, est suffisamment important et attractif. C'est, entre autres, la lecture qu'il faut faire de l'initiative américaine Eizenstat et de la déclaration de Romano Prodi, lors de sa visite à Alger en novembre 2000. Le président de la Commission européenne avait laissé clairement entendre qu'il était pour un ensemble maghrébin fort et libéré des entraves du passé. Sur la plan pratique, le comité de suivi a également prôné la création d'une banque maghrébine, en vue de dynamiser la coopération régionale en matière d'investissement. Autrement dit, l'édification du Maghreb passe aussi par la mise en place des instruments financiers, monétaires, douaniers, juridiques et économiques à même de réaliser l'intégration escomptée. Selon une source diplomatique sûre, les quatre ministres des Affaires étrangères des pays de l'UMA seront bien présents à Alger aujourd'hui, y compris M.Mohamed Benaïssa, ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération. C'est ce qu'indiquait également un communiqué du ministère des Affaires étrangères marocain. Outre le bilan de l'activité maghrébine depuis la 18e session des ministres des A.E, la 19e session aura également à examiner l'état des institutions de l'UMA, à savoir le Conseil consultatif (Parlement maghrébin, abrité par Alger), l'instance judiciaire, qui a son siège à Nouakchott, la banque qui se trouve à Tunis, le secrétariat permanent abrité par Rabat, ainsi que l'université et l'académie maghrébines qui se trouvent à Nouakchott. Par un accord tacite, les différentes institutions sont équitablement réparties entre les capitales maghrébines. L'UMA va fêter cette année son douzième anniversaire et il est tout à fait normal de se pencher sur les textes qui la régissent et les institutions qui la composent. Certaines structures et certains protocoles sont, bien entendu, dépassés et il faut maintenant les adapter. Du reste, une structure de réflexion a été mise en place. Elle aura à faire des propositions dans ce sens. On affirme à Alger que la construction de l'UMA est une nécessité à laquelle on ne peut échapper. Tout nous y oblige: la géographie, l'histoire, les contraintes économiques, la concurrence avec les grands ensembles économiques régionaux comme l'Union européenne, mais il s'agit de trouver les meilleurs voies et moyens, et c'est la politique des petits pas qui est privilégiée. En l'étape actuelle, il y a trop de contraintes : des frontières fermées avec le Maroc, l'exigence du visa avec d'autres pays, la circulation des personnes et des biens ne se fait pas toujours dans de bonnes conditions. Pour ce qui est de la réouverture des frontières avec le Maroc, on n'oubliera pas de remonter à la genèse de cette affaire: les attentats de Marrakech et ce qui s'en est suivi lorsque le Maroc avait accusé à tort l'Algérie d'être derrière ces attentats, d'où la nécessite absolue d'étudier d'abord ce problème en commission, d'en examiner les tenants et les aboutissants avant de songer à la réouverture des frontières. Cette position a été exprimée à maintes reprises par l'Algérie. La rencontre d'aujourd'hui aura aussi à pourvoir au remplacement du secrétaire général de l'UMA et à préparer le sommet des chefs d'Etat maghrébins. A rappeler que l'Algérie assure toujours la présidence de l'UMA.