Sandee Pawan est dîplômée de l'Ecole L'Image de Gobelin en 1996. Ayant débuté sa carrière dans le graphisme, elle arrive à la tête d'une compagnie de Web design à l'âge de 23 ans. Elle a travaillé pour l'agence de presse SIPA, à Las Vegas pour «Star Elite Studios» et ses photos ont été publiées dans de nombreuses revues internationales. Aujourd'hui, elle vit et travaille à New York. Rencontrée à Alger, lors du vernissage de son exposition de photographies «Temps fort mode : fashionista», qui se poursuivra jusqu'au 31 mai au CCF, l'artiste s'est prêtée en toute modestie à ce jeu de questions-réponses. -Quel a été votre parcours artistique ? L'univers de la photographie, je l'ai découvert très jeune. Mon père était photographe par loisir. Il avait une grande passion pour la photographie qu'il a su me communiquer. J'ai commencé à faire de la photo argentique à l'âge de dix ans. J'ai appris à travailler en chambre noire. Je n'ai pas essayé de devenir photographe. Je suis devenue graphiste. Je pense que c'est peut-être cela qui fait aujourd'hui la différence entre mes photos et les photos d'autres photographes. Mon travail est axé sur le graphisme. Je pense que j'ai une vision un peu différente et un peu plus moderne avec des lignes de force très prononcées et avec beaucoup de dynamisme. -Comment avez-vous basculé dans l'univers de la mode ? En toute modestie, je n'ai pas choisi la mode, mais c'est la mode qui m'a choisie. En fait, quand j'ai décidé de devenir photographe, en 2003, je me suis mise à mon compte en tant que graphiste. En 2004, j'ai décidé de tout arrêter. J'étais à l'époque directrice artistique. J'ai tout abandonné parce que je me suis rendu compte que je n'étais pas vraiment heureuse dans ce que je faisais. De là est venue cette envie de tenter l'aventure. J'ai acheté un billet aller simple pour l'Asie. Ce pays m'a toujours passionnée. J'ai ainsi acheté mon premier appareil réflexe numérique. Je suis partie vraiment à l'aventure avec un sac à dos et un ordinateur portable. J'étais assez peu sûre de mes talents en tant que photographe. J'ai démarché une agence de photos en lui proposant mes services de graphistes, les responsables ont refusé car je ne les intéressais pas. En tant que Française, je demandais, peut-être, un salaire beaucoup plus élevé que ce qu'ils pouvaient octroyer à leurs ressortissants. Ils ont quand même accepté mon portfolio pour voir ce que j'étais capable de faire. Et puis, grande chance pour moi, ils ont adoré les photos que je prenais. Ils m'ont dit que je ne serai pas graphiste, mais photographe. En l'espace de deux ou trois mois, après avoir quitté la France, je suis devenue professionnelle. Je pense que j'ai eu beaucoup de chance. J'ai commencé par faire du photo journalisme. Je couvrais des histoires, je rencontrais des gens en suivant un peu leur quotidien. Au cours de l'un des mes voyages en France, je me suis amusée à dire, par pari à mes amis, que les photos de mode étaient toujours les mêmes et presque ennuyeuses. J'étais persuadée qu'en jouant avec un grand angle, en utilisant, en fait, mes références de photo journaliste et de graphiste, je serai peut-être capable de sortir quelque chose de nouveau, c'est là que je me suis spécialisée en 2006. J'ai commencé à faire quelques éditos pour plaisanter. Je me suis fait remarquer immédiatement par plusieurs magazines notoires. Parallèlement, j'ai continué à faire des photos de journalisme et à écrire des articles pour le Guardian et le Times. Je travaille actuellement en Freelance dont, entre autres, pour Onassia, basée à Bangok et Cipa Press. -En photo de mode, utilisez-vous les appareils numériques ou argentiques ? Je travaille uniquement avec du numérique. Aujourd'hui, personne n'accepte de films. Il y a peut-être quelques agences très haut school sur Paris qui acceptent toujours les films. Magnum, qui est une prestigieuse agence de photos au monde, n'accepte plus du tout le film. D'un point de vue technique, si vous voulez savoir avec quel appareil je travaille, c'est un Canon EOS 5 D marque 3. Je suis obligée de m'adapter aux nouvelles technologies. Vous avez en face de vous quelqu'un qui est à fond dans le graphisme. J'ai commencé à travailler à l'âge de 17 ans en touche numérique, alors que le photo shop faisait son apparition. J'apprenais le photo shop avec un professeur qui découvrait en même temps que nous. Je me prétends vraiment photographe new school. J'aime mixer les techniques. Je n'utilise pas uniquement que la photographie dans mes œuvres, j'utilise aussi la 3 D, de la peinture numérique et un autre panel de techniques. C'est pour cela que mes photos sont artistiques. Tout ce qui est photo journalistique, je ne le retouche pas. Il faut que les photos restent à l'état brut. Concernant les photos artistiques de mode, elles sont souvent retouchées. J'utilise plusieurs programmes pour cela. -Quelles sont les particularités de la photo de mode ? J'ai une vision assez particulière de la photo de mode. Il y a toujours quelque chose qu'il faut absolument respecter. En fait, c'est déjà la qualité des collaborateurs qui est importante. Il faut également une certaine qualité de mannequins, de maquilleurs et de coiffeurs. J'essaye de travailler avec les meilleurs internationaux pour avoir les meilleurs résultats. C'est aussi la silhouette. On ne peut pas travailler avec n'importe quel type de mannequin. En général, je travaille avec des modèles de chez Ford et Elite. J'ai toujours une qualité qui est respectée. En général, j'arrive à travailler avec des professionnels qui arrivent à comprendre ce que j'attends d'eux. Je pense que n'importe quel photographe a des modèles fétiches. Je ne suis pas du genre à travailler avec un maximum de modèles. J'essaye plutôt de travailler avec des modèles avec qui je m'entends bien. A titre d'exemple, j'ai travaillé avec quelques sommités. -Justement, quels sont vos modèles fétiches ? Je pense qu'il faut vraiment être dans la mode déjà pour connaître des top-modèles. Nous ne sommes plus dans les années 1980 et 1990. Aujourd'hui, il n'y a plus de Cindy Crawford ou de Naomy Campbell. Cela n'arrivera probablement jamais. Maintenant, il y a tellement de mannequins sur le marché. On a ouvert les frontières aux filles des pays de l'Est. On a des vagues énormes de modèles qui arrivent de tous les pays. Il n'y a plus de stars comme avant. C'est plutôt le phénomène contraire qui se produit. On cherche à avoir de nouvelles têtes tout le temps. -Est-il facile d'exercer le métier de photographe de mode ? Je pense que c'est très difficile d'être un photographe de mode dans l'état actuel des choses. Je pense qu'il est d'autant plus difficile d'être aujourd'hui un jeune photographe n'ayant aucune expérience. C'est difficile de devenir professionnel pour plusieurs raisons évidentes. Il y a beaucoup de concurrence. A partir du moment où les appareils sont accessibles au niveau des prix, n'importe qui peut se jeter dessus et tenter sa chance. Résultat : les photos d'éditeurs n'ont pas le temps de consacrer trop d'énergie à regarder tous les portfolios qu'ils reçoivent tous les jours. Je pense qu'aujourd'hui, si on veut devenir un professionnel, il ne faut pas passer par la voie traditionnelle. Il faut être quelqu'un de très créatif, capable d'apporter de nouveaux concepts, d'être très talentueux ou au moins avoir une très forte personnalité. Il ne faut pas avoir peur d'enfoncer des portes et de rencontrer les professionnels. -Avez-vous un petit aperçu sur ce qui se fait en matière de mode en Algérie ? J'ai honte de le dire, mais je ne connais rien de la mode algérienne. Lors de mon premier voyage à Tlemcen en 2010 où j'ai participé à une exposition de photographies sur le thème des enfants et de la médecine, j'avais rencontré des couturiers faisant dans le traditionnel. J'aimerais rentrer en contact avec ces personnes ou d'autres couturiers de talents comme eux, et peut-être monter une ligne pour faire des photos en mélangeant, pourquoi pas, le traditionnel et le moderne.