Le procès de l'islamiste algérien Rachid Ramda s'est ouvert hier devant le tribunal correctionnel de Paris, malgré les demandes de renvoi et d'annulation de la procédure formulées par la défense. Alors que le président de la séance avait fixé à quatre semaines la durée maximale des travaux, l'accusé a fait savoir, pour sa part, qu'il ne souhaitait pas assister au procès. Il a demandé à ses avocats de cesser de le défendre. « C'est un scandale. Votre justice est inéquitable. Elle est dirigée contre les Arabes, les Algériens et l'Islam. Je suis innocent. Je n'ai aidé personne à préparer les attentats du RER de 1995. Je soutiens moralement les victimes de cet attentat. » C'est avec ces propos que Rachid Ramda, 35 ans, étudiant en littérature anglaise, extradé par Londres en décembre 2005 après dix ans de prison, a mis fin à sa collaboration avec la cour. Barbe noire bien fournie, portant un « pull » avec des rayures rouges, il a fait part au tribunal de son souhait de rester dans sa cellule et de ne plus participer aux débats. Désireux, pour sa part, de permettre des échanges contradictoires entre la défense et la partie civile, le juge a invité, plus d'une fois, l'accusé à revoir sa position et à se désolidariser de la stratégie du silence décidée par ses avocats. Mais ses efforts furent vains. « Il est regrettable de prendre la fuite et de ne pas participer à la manifestation de la vérité, lui a expliqué le juge. De toutes les manières, le procès aura lieu. L'idéal est que vous soyez présent pour éclaircir certaines zones d'ombre, mais il est aussi de votre droit de refuser de collaborer. » Ainsi donc a pris fin la première séance du procès qui devrait en principe apporter plus de renseignements sur l'organisation et le financement de l'attentat de la station RER Saint-Michel qui a fait 8 morts et 200 blessés en 1995. Pourtant, les avocats de Rachid Ramda ont souhaité, en leur for intérieur, une autre issue à l'affaire. Ils ont usé de tous les artifices juridiques et procéduriers pour amener la cour à renvoyer le procès à une date ultérieure ou carrément annuler la procédure de poursuite. Plusieurs raisons ont été avancées à ce propos. Maître Benoît Distch, membre de la défense, a évoqué le comportement violent de certains policiers à l'égard de son client et les conditions « très musclées » dans lesquelles se sont déroulées les gardes à vue. Il a cité, entre autres, les menaces, les privations de sommeil, les coups, les injures et même l'usage de l'électricité. Pour étayer ses dires, il exhibe des certificats médicaux établis par plusieurs médecins, attestant des violences subies par Rachid Ramda ainsi que des notes d'avocats qui lui ont rendu visite. « Avez-vous la possibilité de juger Rachid Ramda sans connaître les conclusions de l'enquête diligentée par l'IGPN (l'inspection générale de la police nationale, ndlr) », a-t-il dit au juge. Son collègue maître Jean-Louis Malter demandera, dans la seconde étape, la relaxe pure et simple de l'accusé. Il s'appuiera sur le fait que son client a déjà purgé la peine maximale prévue par la loi, à savoir dix ans de prison ferme. « Le problème que vous devriez résoudre aujourd'hui, c'est de savoir si vous pouvez encore maintenir en détention une personne qui a déjà passé dix ans et quatre mois dans une prison londonienne. Et si c'es le cas, eh bien sachez que la cour se met hors la loi et viole toutes les conventions européennes relatives aux droits de l'homme », s'est adressé l'avocat au juge. Enfin, la nullité du dossier plaidée par un troisième avocat, membre du collectif de la défense, n'aura aucun effet sur le tribunal. Imperturbable, le juge n'a pas donné suite à aucune des trois demandes, ouvrant ainsi la voie à un procès long et laborieux.