Avec 212 écoles primaires pour 2388 salles à 30 bancs pédagogiques, 65 collèges d'enseignement moyen englobant 187 classes x 35 élèves et 29 lycées pour 33 élèves par classe, le tout implanté dans le périmètre de la wilaya, Annaba peut être qualifiée classée parmi les régions les plus favorisées du pays en matière d'infrastructures scolaires. Ce qui ne semble pas être l'avis des associations de parents d'élèves. A la veille de cette rentrée scolaire 2004-2005, plusieurs de ces associations ruent dans les brancards. Leurs membres parlent d'oligarchie dans la gestion locale du secteur de l'éducation. Ils affirment à qui veut les entendre que tous les avantages matériels et financiers induits par des budgets conséquents sont alloués à un nombre très limité de communes dont celle du chef-lieu de wilaya. « Nous interpellons le ministre de l'Education à l'effet de mettre un terme à cette situation qui n'a que trop duré. Il est inadmissible que des établissements scolaires soient dotés de tous le nécessaire, y compris l'équipement informatique, fassent annuellement l'objet de réfection, ravalement et opérations d'extension alors que d'autres n'arrivent même pas à disposer du chauffage et de tables de classe en bon état. Jusqu'à preuve du contraire, nos enfants sont aussi algériens que leurs camarades scolarisés dans des établissements huppés de la commune chef-lieu de wilaya », s'est révolté Abdelmadjid T,. parent d'élève à la cité Boukhadra. Les pouvoirs publics interpellés Une position reprise dans d'autres contrées à El Gantra, Oued El Aneb, Kharazza... Elle est cependant démentie par M. Khalladi, secrétaire général à la direction de l'éducation de la wilaya, qui, conclusions du bureau d'étude à l'appui, balaie d'un revers de la main ces accusations qu'il estime être exagérées : « Il s'agit d'affabulations d'autant que cette année, notre département planification et suivi a fait appel à un bureau d'études pour situer avec exactitude les besoins de chaque établissement. Nous avons tenu à ce que l'opération soit entamée au niveau des écoles des communes enclavées, déshéritées ou depuis longtemps dans le besoin d'une sérieuse prise en charge de leurs problèmes. Contrairement à ce qui s'est dit, Annaba, le chef-lieu de wilaya, n'est pas, pour le moment, concernée par cette opération. Une vingtaine de ces établissements a été recensée comme nécessitant de grands travaux de réfection. C'est le cas de l'école primaire de Boukhadra qui a été totalement réfectionnée. » Cette déclaration arrivera-t-elle à sensibiliser les membres des associations qui comptent interpeller les pouvoirs publics ? Cette interpellation est un appel à la prise de mesures d'urgence à destination des communes déshéritées où, ont précisé plusieurs de nos interlocuteurs, « s'accumulent les records des échecs scolaires, des exclusions et de l'extension du phénomène de la consommation de la drogue et de la violence à l'école ». A Annaba, plusieurs communes vivent des situations du genre. Surtout celle du chef-lieu de wilaya où la consommation du tabac, de la drogue et des psychotropes est presque banalisée. D'autres écoles présentent un autre paysage. Celui de la politique où s'affrontent différentes idéologies avec, d'un côté, des islamistes très organisés et prétendument détenteurs du code de la morale et de l'autre, des démocrates attentifs aux changements qui s'opèrent dans la société. Ville-campagne : le fossé Dans l'entourage du milieu des enseignants, on craint qu'une nouvelle révolte opposant les exclus aux inclus ne gagne d'autres établissements. Un doigt accusateur est pointé en direction de la procédure de distribution des budgets induits par l'application du programme présidentiel de relance économique. Pour bon nombre de citoyens, ce programme n'est rien d'autre qu'une « utilisation » politique de la misère des populations. « Je le dis et le répète en mon âme et conscience, notre direction a fait un travail empreint de justice et d'équité dans le cadre de l'application du programme de relance économique. Particulièrement pour cette rentrée où laquelle nous avons tenu à privilégier les localités enclavées et déshéritées. Il n'y pas plus d'inclus que d'exclus et nous agissons sans disparité aucune ou arrière-pensée », précise M. Khelladi. Calculette à la main, des représentants d'associations de parents d'élèves démontrent les prérogatives indues dont bénéficie, en termes de scolarité, la population de la commune de Annaba notamment en apport financier et matériel. Ce qui n'est pas l'avis du secrétaire général qui a souligné : « Nous n'avons pour prérogative de ne doter que les écoles primaires d'outil informatique. Nous avons cependant permis au directeur de solliciter l'aide de leur association de parents d'élèves pour une éventuelle dotation. Dans la wilaya de Annaba seuls 5 ou 6 établissements ont été équipés de micro-ordinateurs pour la formation des enseignants. Je peux affirmer que de nombreuses écoles ont été dotées de tables et chaises neuves. Pour ce qui est de l'alimentation en électricité, certaines écoles sont effectivement confrontées à ce problème dont la solution est du seul ressort des services de Sonelgaz. » C'est à partir de toutes ces données que plusieurs membres d'associations de parents d'élèves se sont posé la question de savoir combien coûte à l'Etat un élève de chaque palier en zone urbaine comparativement à ses camarades scolarisés en zone rurale. L'on s'interroge également sur la qualité des enseignants affectés aux zones rurales, enclavées ou déshéritées et s'il existe des enseignants de qualité qui souhaiteraient s'enterrer au fin fond d'une de ces communes. « Il est indispensable que l'Etat prenne ses responsabilités en imposant une meilleure distribution des moyens et une justice dans l'affectation des enseignants. Rien n'empêche le ministère de bloquer les nominations sur le chef-lieu de commune et d'encourager, grâce à des incitations salariales, les jeunes enseignants à s'installer dans les zones rurales », indique Abdelaziz B. Cet accroc malencontreux dans la philosophie maison montre à quel point les parents d'élèves appréhendent l'aspect pédagogique de l'éducation de leur progéniture. Comme également, ils assimilent la distribution basée sur l'iniquité, certes involontaire, du système des fonds budgétaires qui, selon eux, pose le problème de la dépendance de la direction de l'éducation à l'égard de nombreux établissements fréquentés par des élèves de milieu aisé. A Annaba, chaque palier a son établissement chouchouté parce que renfermant des élèves dont les parents sont de hauts cadres, fonctionnaires bien placés dans les rouages de l'Etat ou de situation sociale aisée.