A l'écart des grandes destinations balnéaires ibériques, la ville de valence charme, au premier contact, le visiteur non averti. Valence (Espagne) De notre envoyé spécial D'entrée, les explorateurs débarqués d'Alger que nous étions ont eu la curiosité aiguisée par une succession de ruelles et de parements d'une époque reculée aboutissant à de jolies places publiques et de délicieux jardins, dans un agencement savant dessiné par des architectes d'un autre âge. Tout au long du parcours en taxi qui nous menait de l'aéroport à notre lieu de résidence, nos regards ne cessaient de chercher du regard quelques vestiges musulmans laissés par un peu plus de cinq siècles d'occupation. En vain. Le temps et les événements avaient eu raison des empreintes d'une civilisation de Lumières qui donnait à l'ancienne valentia romaine ses moments dorés. Le style gothique était non seulement préeminent, mais totalement dominateur En l'an 709, Abdallah, fils de abderrahmane el aouel, émir de Cordoue, conquit pacifiquement la ville. La coexistence avec les hispaniques fut remarquable, ces derniers pressentant que la civilisation islamique charriait derrière elle un mode de vie équilibré, juste et prospère, une culture originale et des connaissances linguistiques et scientifiques remarquables pour l'époque. L'acceptation et l'intégration par les autochtones de la langue, de la religion et des coutumes arabo-islamiques a été rapide et allait générer pendant des siècles, c'est-à-dire jusqu'à 1238 (année de la reprise de «balansiya» par les chrétiens), une période où la ville et ses faubourgs allaient rayonner sur toute la méditerranée. Dans le bus touristique qui sillonne les principaux sites de la ville, le guide commente avec éloquence la succession de belles images urbaines qui défilent les rattachant à des repères historiques pêchés dans la période médiévale ayant suivi la reconquista (plaza de la reina, plaza del Ayuntamiento, plaza del virgen et sa cathédrale, le micalet, le célèbre clocher, etc). Et c'est au détour d'une énième visite d'un lieu de culte chrétien érigé sur les ruines d'une des nombreuses mosquées qui existaient alors dans la ville que notre guide fit alors allusion à la période de domination musulmane. C'était aux abords de la cathédrale de Valence et le bus touristique marqua un arrêt, le temps pour le guide de nous expliquer que depuis le Xe siècle, tous les jeudis à midi (un jour avant le vendredi, jour de prière collective pour les musulmans) se reunissait devant la porte des apôtres (par habitude, les affaires ne pouvaient être traitées à l'intérieur de la mosquée), le tribunal des eaux de la plaine de valence, dont l'existence s'étale jusqu'à nos jours. Cette institution, nous explique-t-il, a été créée et ses règles édictées par le calife Abderrahmane III, dont le règne a été remarquable par sa droiture, son honnêteté et son sens de la justice. «Abderrahmane faisait face à de grandes tensions et souvent à des affrontements intercommunautaires dans la plaine de valence traversée par la Turia pour le partage des eaux d'irrigation. Il divisa ainsi la vallée en huit communautés d'irrigants et fit creuser des canaux d'une conception hydraulique géniale pour l'époque, afin que chaque paysan puisse recevoir la quantité d'eau qui lui est assignée.» explique-t-il. C'est à midi, chaque jeudi, que s'ouvrent les séances du tribunal. L'accusé se présente sur plainte du surveillant du canal irrigant auquel il est rattaché, et se défend lui-même des accusations portées contre lui. S'il est reconnu coupable, il est condamné à dédommager la communauté d'irrigants dans les proportions dont ont été léses les séquiers (Essaguia en arabe) des communautés d'irrigants. Mis à part cette parenthèse historique, une forme de modèle simple de démocratie directe instituée par les musulmans d'espagne, nous n'aurons plus la latitude, dans nos pérégrinations valencianes, ni de voir ni d'entendre parler du legs patrimonial et historique musulman dans cette agglomération, la troisième en population d'Espagne. En fait, le tribunal perd de nos jours de plus en plus l'importance qu'il avait jusqu'aux années années 50 du siècle dernier. Une ravageuse inondation de la Turia, en 1957, incita la ville à se départir de son aspect baroque et tenter une incursion vers un urbanisme moderne et futuriste. La Turia sera détournée de son lit naturel dans les années 60 pour préserver la ville des inondations. Après la récupération de centaines d'hectares du lit asséché du fleuve et de ses rives, valence mettra un pied dans le troisième millénaire grâce à la réalisation d'un ensemble d'infrastructures et d'équipements d'une grande beauté architecturale, tels que le palais de la musique, le palais des congrès, la cité des arts et des sciences, le pont de l'exposition, le palais des arts, l'océanographique, l'hémisphérique (salles de spectacles et de cinéma), sans compter un ensemble de jardins et de parcs qui donnent un aspect intensément fleuri et boisé à cette extension de valence dans et autour de l'ancien tracé du fleuve Turia. Fenêtre sur la méditerranée Le paseo maritimo (passage maritime) relie agréablement la valence fleurie et naturelle à la mer. Car Valence est une ville qui a toujours été ouverte à la méditerranée et le nouveau concept dont ses promoteurs immobiliers la parent depuis les années 1990 consiste à lui faire regagner le terrain concédé à sa grande rivale sud-espagnole : Barcelone. La capitale catalane étant aujourd'hui une destination internationale connue et reconnue, valence pourra-t-elle un jour se mettre au niveau de sa concurrente qui lui fait tant d'ombre ? A une cinquantaine de minutes de vol de l'une des deux villes, les algériens ont une préférence marquée pour différents aspects avantageux pour la catalogne. Nous vous le recommandons sans calcul : se mêler aux rues et ruelles héritées de périodes historiques antérieures, voir et sentir la mutation exceptionnelle de Valence, se promener dans ses parcs et jardins, visiter des sites multiples et instructifs, goûter à ses plaisirs gastronomiques (la plus élaborée et appréciée des paellas est la valenciana), et se frotter à la gentillesse et à l'hospitalité de ses résidants vaut le détour.