Ils ne sont pas nombreux, mais ils sont si solidaires et tellement autoritaires que chacun d'eux a l'impression qu'ils sont des millions. Les tabj'nanou ont l'œil inquiet, les rides travaillées, les cheveux blancs quand il n'est pas dégarni, mais la fausse dent bien acérée et le carnet d'adresses bien rempli. Ce qui explique que le tabj'nanou est en général riche et à l'abri du besoin, du progrès et de la technologie. On ne sait pas d'où ils viennent mais les tabj'nanou sont apparus au siècle dernier, à peu près au lendemain de la Première Guerre mondiale, sortis indemnes des ruines de l'affrontement. Le tabj'nanou n'a paradoxalement pourtant pas d'âge, même s'il a plus de 70 ans, parfois même proche du centenaire, car pour lui, le temps ne compte pas. Les tabj'nanou calculent tout le reste, mangent en groupe, se déplacent seuls et font en général beaucoup d'enfants, à qui ils assurent des marchés copieux. Mais un tabj'nanou n'aime pas les jeunes, à part les siens, et les considèrent comme des enfants mal élevés qui n'ont rien compris aux problèmes de ce monde, qui ne rêvent que de placer les tabj'nanou dans des hospices ou des réserves. Les tabj'nanou aiment l'argent, l'impunité et le pouvoir, ce qui explique, qu'à leur âge avancé, ils ne veulent rien lâcher, ni avantages ni fonctions. Les tabj'nanou gardent une main ferme sur tout ce qui bouge en Algérie, avec une prédilection pour ce qui ne bouge pas. Car un tabj'nanou n'aime pas le mouvement, sauf si c'est le sien. Quand un tabj'nanou veut travailler, on lui donne une entreprise publique à gérer. Quand il est malade, on l'envoie à l'étranger et quand il a un problème de justice, on lui achète la justice. Les tabj'nanou n'ont pas réellement d'avenir, ils ont un passé flou mais un présent bien solide. Un tabj'nanou est ainsi défini parce que mauvais jardinier, ne mange jamais le fruit de son jardin mais toujours celui des autres.