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La lancinante incantation relative à la nécessité de ne plus dépendre des hydrocarbures
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Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis les années 1970 ont inscrit dans leur programme la nécessité de mettre fin à la dépendance du pays par rapport aux hydrocarbures.
Mais cet objectif, qui est sans cesse repris dans les déclarations officielles, n'a jamais pu être réalisé. L'équipe actuelle à la tête de l'Etat considère paradoxalement que du moment qu'il s'agit d'un problème ancien, auquel les gouvernements antérieurs n'ont pas trouvé de solution, il est normal, pour ainsi dire, qu'elle n'arrive pas, de son côté à le résoudre. Certains des précédents gouvernements invoquent l'absence ou l'insuffisance de temps et de moyens pour justifier leur échec. Il est difficile à l'équipe actuelle de se prévaloir des mêmes arguments pour justifier l'absence d'actions et de résultats de sa part. A cause de cette incapacité, la question de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures, au lieu d'être résolue, ou au moins atténuée, ne fait que s'aggraver actuellement. En effet, 97% de nos avoirs en devises proviennent de ces ressources, et les 2/3 des recettes budgétaires sont générés par la fiscalité pétrolière. Signe de la faiblesse, sinon de l'insignifiance, de la production nationale dans tous les secteurs - conséquence de cette incapacité - nos importations n'ont pas cessé d'augmenter et on a atteint 46 milliards de dollars en 2011.
Cela n'empêche pas qu'on continue à faire état de projets destinés à diversifier l'économie et à nous libérer de la dépendance des hydrocarbures et de celle de l'extérieur, mais qui ne voient jamais le jour. Certains des projets annoncés datent de la fin des années 1970, tel le projet d'usine d'aluminium dont l'alimentation en bauxite avait même fait l'objet de dispositions à la suite d'un accord avec la Jamaïque et d'une prise de participation dans le capital d'une mine en Guinée. De cette période datent également les projets des industries pétrochimiques, des industries plastiques, les raffineries, etc. A force d'insister sur la nécessité de mettre fin à cette dépendance, sans prendre les mesures pertinentes pour y parvenir, les responsables du pays donnent parfois l'impression d'entonner une lancinante incantation avec peut être le secret espoir qu'un jour le miracle finira par se produire. Cette situation a, bien entendu, nui à la crédibilité des pouvoirs publics et la diversification de notre économie, tant annoncée, se fait toujours attendre… Pourtant, l'objectif fondamental de la nationalisation des hydrocarbures en février 1971 était de procurer au pays suffisamment d'avoirs financiers pour assurer son développement économique et social dans tous les domaines, de façon précisément à ne plus dépendre de ressources naturelles appelées à s'épuiser. En conformité avec cet objectif, des actions conséquentes avaient été effectivement engagées sous l'ère du président Boumediène.
C'est uniquement durant la période où le pays était dirigé par le président Boumediène qu'une vision claire et une stratégie pour développer tous les secteurs économiques et sociaux sans exception avaient été définies et adoptées. En plus de la vision et de la stratégie, il y avait eu, ce qui était très important, une volonté politique et une détermination sans faille pour réaliser les projets retenus. A cet effet, non seulement on avait créé les conditions nécessaires et les outils indispensables, mais on avait également appliqué une politique rigoureuse de suivi et de contrôle. Le sérieux, le dévouement avec lesquels étaient menées les actions engagées avaient entraîné une adhésion totale de tous les acteurs concernés et même d'une grande partie de la population. De la sorte, des réalisations importantes avaient vu le jour, dans les secteurs de l'éducation, de la santé et également dans les domaines du transport, des travaux publics de l'industrie, etc. A ce propos, il est faux de dire que l'industrialisation entreprise était de type stalinien et se limitait à l'industrie lourde. Bien au contraire, toutes les branches industrielles avaient été soutenues et avaient connu un développement réel : celles des matériaux de construction, de l'ameublement, du cuir, du froid, les industries textiles, mécaniques, électriques, agroalimentaires… Il faut souligner que les cadres de l'époque avaient, pour la plupart d'entre eux, participé d'une façon ou d'une autre à la libération du pays et aspiraient à être associés à sa reconstruction et à son développement pour qu'il soit parmi les pays modernes et évolués.
Ils s'étaient donc engagés avec conviction et enthousiasme, dès que les conditions étaient réunies avec la mise en œuvre de la politique tracée par l'équipe Boumediène. Certes, des insuffisances étaient apparues et des erreurs avaient été commises, mais dans l'ensemble, le bilan était très positif. Les critiques et les dénigrements, qui avaient été répandus par la suite, résultaient le plus souvent d'une méconnaissance totale des réalisations et des conditions difficiles et spéciales dans lesquelles elles avaient été effectuées ou étaient dictées, parfois, par des considérations mesquines nées des rivalités ou d'autres motivations. Par la suite, l'abandon de programmes importants dans le secteur des hydrocarbures, l'arrêt des investissements, la politique incohérente menée par les gouvernants et qui se traduisait par le blocage des prix de vente à la production, l'octroi d'augmentations de salaire sans aucun rapport avec la productivité, l'acceptation de distribution de bénéfices dans des entreprises déficitaires, tous ces facteurs avaient précipité le déclin du secteur public. Le comportement de responsables d'entreprise, qui n'étaient pas toujours nommés en fonction de leurs compétences, l'attitude de certains travailleurs, qui ne cherchaient, le plus souvent, qu'à obtenir des avantages immédiats sans contrepartie et n'avaient rien fait pour préserver leur outil de travail, avaient contribué à aggraver le déclin.
Le seul moyen auquel on avait le plus recours pour maintenir en activité, mais d'une manière artificielle, le secteur public, était de le renflouer avec des fonds provenant, non pas du budget de l'Etat, qui n'était pas en mesure de les fournir, mais du Trésor, c'est-à-dire, à partir de la création monétaire. En 1982, alors que j'étais à la tête de la direction générale du Trésor, du crédit et des assurances, j'avais reçu une demande, sans un dossier à l'appui, pour verser un milliard de dinars - montant considérable à l'époque - à Naftal pour couvrir son déficit. J'avais provoqué la surprise et des protestations lorsque j'avais réclamé un dossier comportant une analyse de la situation de l'entreprise et les mesures à mettre en œuvre pour accompagner l'apport financier, en vue de mettre fin aux déficits. Ni les responsables des entreprises et des autres organismes publics ni leur tutelle n'avaient envisagé d'engager des actions sérieuses pour les redresser en s'attaquant aux sureffectifs, à l'absentéisme, au manque de productivité, aux gaspillages et à la mauvaise gestion d'une manière générale. Peu nombreux étaient les responsables qui avaient tout fait pour préserver leur entreprise en s'efforçant d'étendre et d'améliorer leur activité. Les restructurations répétitives, qui avaient déjà commencé à la fin des années 1970, consistaient en fait à injecter des fonds fournis par le Trésor, à partir de la création monétaire, comme cela a été dit plus haut, pour réduire les découverts bancaires résultant des déficits d'exploitation.
C'est ainsi que des sommes colossales avaient été englouties en pure perte. Des mesures avaient été exceptionnellement prises du temps du gouvernement de M. Sifi pour assainir et remettre sur pied les entreprises de l'habitat, lesquelles réalisaient à l'époque des chiffres d'affaires qui ne suffisaient même pas à couvrir les dépenses salariales. Ces mesures devaient être étendues progressivement aux entreprises nationales des autres secteurs et même aux entreprises locales après un tri destiné à repérer celles qui étaient susceptibles de devenir fiables, pour les sauvegarder. Cette action avait été abandonnée avec le changement de gouvernement et une autre politique avait été mise en œuvre, elle consistait à dissoudre les entreprises publiques en imputant leurs déficits au Trésor et à mettre à la rue des milliers de travailleurs. C'est ainsi que d'une manière lente mais sûre, un patrimoine matériel considérable et une riche expérience en matière technique et de gestion, acquis au prix de sacrifices énormes, d'efforts considérables et de dévouement avaient été dilapidés. Leur sauvegarde, si on avait pris des mesures pour combler les insuffisances, corriger les erreurs et si on avait poursuivi les investissements, amélioré les méthodes de travail et de gestion, créé les conditions pour associer les secteurs privé et étranger aux efforts du développement, aurait certainement permis à l'Algérie de diversifier et d'accroître sa production, de se dégager de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et devenir maintenant un pays émergent. Les responsables dignes de ce nom sont ceux qui sont capables de préserver ce qui existe, de l'enrichir, de l'adapter aux changements internes et externes, de le faire évoluer, et d'assurer ainsi sa pérennité. C'est cela qui caractérise la compétence, la bonne gestion, la bonne politique.
Ce qui est arrivé chez nous, c'est qu'on a fait disparaître ce qui existe sans qu'on fût capable de lui substituer, en mieux, autre chose, et on se retrouve de ce fait réduits à formuler des vœux pieux pour que la production se diversifie et pour que cesse la vulnérabilité de notre pays du fait de sa dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et de l'extérieur. Ces dernières années, notre pays a pu disposer de ressources financières importantes grâce essentiellement au prix soutenu du pétrole. Ces ressources ont permis d'améliorer la situation financière, de rembourser par anticipation la dette extérieure, de lancer un grand nombre de projets dans les domaines des infrastructures économiques et sociales. Les résultats obtenus en matière de construction de barrages, de routes, d'autoroutes, de réseaux ferroviaires, d'écoles, de lycées, d'universités, de centres médicaux, de logements, etc. sont appréciables. Il en est de même en ce qui concerne la distribution d'eau potable, d'électrification, d'alimentation en gaz de ville, etc. Des mesures ont été également prises pour encourager les investissements productifs dans les différentes régions du pays et pour favoriser l'emploi des jeunes.
La nécessité de diversifier la production et de se libérer de la dépendance par rapport aux hydrocarbures est affirmée sans cesse. Toutefois, des obstacles multiples et des lacunes nombreuses empêchent d'avancer sérieusement vers la réalisation des objectifs fixés. D'où la nécessité de prendre les mesures adéquates pour éliminer les entraves, créer les conditions favorables pour promouvoir les investissements productifs et faire preuve de détermination et de persévérance pour mettre fin à la vulnérabilité et à la dépendance de notre pays. Ce serait dommage de ne pas tout faire pour assurer une meilleure utilisation d'une partie des fonds publics et des fonds privés, alors qu'il sont considérables à l'heure actuelle, en les orientant vers la réalisation de ces objectifs, réalisation tant attendue.
Parmi les mesures à préconiser, on peut citer, entre autres :
-1- Meilleure diffusion des textes relatifs aux avantages : Il convient de faire mieux connaître les textes comportant les avantages et les encouragements retenus en faveur des investissements productifs en procédant régulièrement à leur diffusion et explication à travers les différents médias.
-2- Rôle plus actif des institutions et des autorités locales : Les organismes et les institutions chargés d'approuver ou de financer les investissements et de soutenir l'emploi des jeunes, ainsi que les autorités locales, devraient jouer un rôle plus actif en commandant des études destinées à identifier les créneaux à développer tels que par exemple les industries du recyclage et de l'environnement, qui ont pris de l'essor ailleurs et qui sont complètement négligées chez nous. Ces études pourraient être mises à la disposition des promoteurs du secteur privé, qui sont souvent mal informés, agissent par mimétisme et ont besoin d'être conseillés. Par ailleurs, les autorités locales ont à leur disposition, dans la plupart des régions des zones industrielles délaissées qu'elles pourraient prendre en charge et les utiliser pour attirer les investisseurs.
-3- Encadrement et association du secteur privé: Les opérateurs du secteur privé créent, lorsqu'ils investissent, des petites et moyennes entreprises de caractère individuel ou familial. Leur existence sous forme d'un large tissu étendu à travers le territoire national, ne peut être que bénéfique. Par contre, aucune approche n'apparaît pour la constitution de sociétés par actions, qui sont pourtant indispensables pour entreprendre de grands projets. Par ailleurs, le secteur privé continue toujours à être attiré surtout par l'immobilier, le commerce, l'import et le transfert des capitaux à l'étranger. L'Etat a un rôle important à jouer en veillant à encadrer, orienter les opérateurs du secteur privé et à coopérer avec eux. Son action ne devrait pas se limiter à les inciter à se regrouper, à s'organiser, à constituer des sociétés par actions, mais devrait conduire à la signature avec les professionnels de protocoles d'accord accompagnés d'avantages, comme cela se fait ailleurs, pour développer des activités utiles. Par ailleurs, les pays soucieux de leur développement n'acceptent de passer commande auprès de leurs fournisseurs d'armement, d'équipements de différente nature, de demi-produits, etc., qu'en contrepartie de transfert de technologie et d'implantation d'usines chez eux. Pourquoi, au lieu de suivre ces exemples, laisser notre pays, par laxisme, devenir un vaste débouché où se déversent toutes sortes de produits, souvent des produits bas de gamme ou de contrefaçon. On importe 400 000 voitures par an, et on n'arrive même pas à produire les pièces de rechange les plus simples. En outre, les pouvoirs publics devraient être plus attentifs aux recommandations très judicieuses faites par les organisations patronales et les organismes de la société civile et engager des concertations avec les uns et les autres, suivies d'effets.
-4- D'autres tâches importantes sont attendues de la part des pouvoirs publics : Telles que l'intervention pour mettre de l'ordre dans les administrations et les institutions en charge de la promotion des investissements et de leur financement en les soumettant à des contrôles périodiques et en les obligeant à revoir leurs règlements intérieurs en vue d'introduire plus de transparence et de discipline dans leur fonctionnement. En outre, l'assainissement de la justice, l'adoption par les corps des auxiliaires (dont certains membres ont des comportements douteux) de codes de déontologie, la lutte contre la corruption qui ne doit pas se limiter à des mesures répressives, la revue et la stabilisation de la réglementation pour la rendre plus souple et plus attractive , ce sont autant de mesures indispensables également.
-5- Création de fonds d'investissement : La plupart des pays pétroliers, des institutions financières internationales, certains des pays qui ont des réserves de change importantes et d'autres encore ont tous leurs fonds d'investissement, lesquels ont fait leurs preuves. On ne comprend pas la réticence de nos autorités à créer des fonds d'investissement alors qu'il s'agit d'instruments d'autant plus nécessaires et utiles qu'ils sont destinés à promouvoir et à financer des investissements productifs internes. L'installation d'industries sidérurgiques, mécaniques, électriques, pétrochimiques et de certains matériaux de construction, etc. implique la mobilisation de fonds publics et privés nationaux et étrangers, l'étranger étant recherché pour son apport en savoir-faire technologique, managériale et en ouverture de débouchés extérieurs. Les fonds d'investissement, en intervenant en tant que catalyseurs, sont en mesure de réaliser cette mobilisation de ressources variées. En les dotant, par ailleurs, de statuts et de règlements intérieurs qui prévoient l'établissement de conseils d'administration, des comités d'investissement et d'audit, et qui préconisent la rigueur, la transparence, les règles de bonne gouvernance, ils joueront leur rôle d'une manière beaucoup plus souple et plus efficace que les ministères, les autres administrations ou même certaines entreprises. Il s'agit de créer un grand Fonds d'investissement sous forme de holding avec des filiales spécialisées. Pour leur fonctionnement et la réalisation de leurs programmes d'investissement, ces Fonds auront recours aux compétences nationales et étrangères, et contribuent ainsi à donner une impulsion à toute l'économie et à communiquer de l'animation au marché financier et à la Bourse.
Les importantes infrastructures économiques et sociales édifiées ces dernières années ont été des réalisations très coûteuses. Leur entretien et leur fonctionnement nécessiteront d'autres sommes considérables, qui vont grever davantage le budget de l'Etat et aggraver la vulnérabilité de notre économie. Seule une stratégie et une politique visant d'une manière réfléchie, sérieuse, déterminée, le lancement d'importants programmes d'investissements productifs et la mise en place des instruments requis pour les accomplir tels que les Fonds d'investissements permettront de mettre fin à notre dépendance vis-à-vis des hydrocarbures et de l'extérieur ou du moins de la réduire. Il convient toutefois de souligner que les mesures prises ainsi que les potentialités existantes, les encouragements, les avantages retenus en vue de promouvoir les investissements productifs s'avèrent inopérants en l'absence d'un environnement favorable à même de susciter la confiance des opérateurs.


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