Un chercheur tunisien a mis l'accent sur les techniques utilisées et les résultats obtenus dans le cadre d'une expérience unique au monde, consistant à réalimenter les nappes phréatiques avec des eaux domestiques traitées. Mettant à profit la célébration de la Journée mondiale de l'Environnement, l'université de Mostaganem vient de faire une avancée appuyée vers une prise en charge réelle des potentialités locales en vue d'un développement durable et équitable. Entamée par une série de conférences, la manifestation s'est poursuivie par des visites guidées des grandes structures de gestion de l'eau à travers la wilaya. Accompagnés par leurs collègues de l'université de Mostaganem, Benoit Laignel et Nordine Gaaloul, chercheurs à l'université de Rouen et à l'INGREF de Tunis, ont pu se rendre compte des capacités hydriques de la région à travers la visite des sites de la station de dessalement, du barrage du Kramis, de la station de traitement de Sidi Ladjel ainsi que du barrage de prise sur le Chélif et du réservoir du Kerrada. Cette visite a permis à la délégation d'estimer, de manière concrète, les énormes capacités hydriques que recèle la région de Mostaganem à travers la nouvelle station de dessalement d'une capacité nominale de 200 000 m3 et des autres structures dont la capacité totale s'élève à près de 200 millions de m3. Les discussions avec des collègues de l'université de Mostaganem, notamment Abdelwahab Mokhbi, spécialiste en agro-météorologie et en physiologie végétale, et Mohamed Abbou, spécialisé en génie rural, hydraulique, agricole et gestion de l'eau, auront permis aux chercheurs invités de se faire une idée objective des besoins de l'université de Mostaganem en matière de gestion de l'eau. De son côté, le professeur Gaalou, de l'université de Tunis, a pu se rendre compte des impératifs qui s'offrent à la région en matière de recharge des nappes phréatiques. Le chercheur tunisien est connu pour ses nombreux travaux consacrés à la recharge en eaux domestiques traitées des nappes du littoral tunisien, menacées par les incursions de l'eau de mer, la rareté de l'eau douce et la surexploitation causée par l'agriculture en irrigué. Une embellie historique et passagère Dans sa conférence sur «l'expérience tunisienne en recharge artificielle des eaux souterraines par les eaux usées traitées», le chercheur a mis l'accent sur les techniques utilisées et les résultats obtenus dans le cadre de cette expérience unique au monde, consistant à réalimenter les nappes phréatiques avec des eaux domestiques traitées. Ses travaux ont fortement intéressé les universitaires de Mostaganem dans la mesure où la région est dans l'obligation de s'aligner sur le dispositif tunisien afin de procéder à la recharge des nappes du plateau de Mostaganem. Avec une différence de taille, veiller à injecter une eau de qualité irréprochable afin de préserver la nappe de toutes intrusions d'eau contaminée. C'est ce qu'ont souligné, à maintes reprises, devant leurs interlocuteurs, les chercheurs Mostaganémois, mettant en exergue les capacités faramineuses d'eau potable disponibles et qui dépassent inconsidérément les besoins de la population locale qui s'élèvent à 780 000 habitants. Surtout depuis l'apport du MAO et du dessalement. En visitant la vallée d'Oued El Kheir, la délégation a pu se rendre compte des possibilités d'application du dispositif de recharge, d'autant que l'eau qui sera utilisée proviendra de la station de Sidi Ladjel, située en amont. Etalé sur 5 km de long et à peine 1 km de large, parfaitement incrusté dans un étroit bassin versant, le site se présente comme un endroit idéal pour une mise en application raisonnée du système de recharge. Lors de discussions informelles, des chercheurs des deux rives ont souligné, à l'intention des responsables, les énormes avantages de transformer ce site en terrain expérimental. Le même dispositif devrait également être reconduit au niveau de la vallée des Jardins dont les forages d'eau potable ont été scellés par les services concernés, en raison de la disponibilité de l'eau du MAO et du dessalement. Des discussions entre experts algériens, tunisiens et français, apparaît la nécessité de mettre en place une collaboration trilatérale afin de permettre au futur centre national des ressources hydriques de l'université de Mostaganem d'asseoir sa propre dynamique en s'inspirant des expériences des autres tout en s'appuyant sur leurs savoir-faire et compétences. Avec les ébauches de conventions avec l'Institut tunisois et l'Université de Rouen, les responsables et chercheurs de l'université de Mostaganem viennent de faire un pas décisif vers un savoir-faire avéré. Notamment, dans le domaine de la préservation des ressources hydriques et de leur utilisation dans une perspective de durabilité. Ce n'est point sans raison que Benoit Laignel, à partir du majestueux site du Kramis, parlera de son grand intérêt à participer à la modélisation de l'envasement des barrages, ajoutant que ce bassin versant présentait une prédisposition à l'érosion unique au monde. Face à ses interlocuteurs, il a souligné la nécessité de mettre en place un dispositif qui aiderait à déterminer la durée de vie de l'ouvrage, d'autant que 90% de ses eaux sont destinés à l'irrigation des terres agricoles de la région. De son côté, Mohamed Abbou a rappelé que les ressources destinées à l'irrigation se résument à 342 forages, 8 743 puits et 27 sources, ajoutant que le volume d'eau potable mobilisable s'élève à 460 000 m3/j répartis entre le dessalement, le MAO, le Gargar, le Kramis et les forages. Ces derniers étant appelés, dans un très proche avenir, à être fermés ou affectés à l'irrigation. Il est à souligner qu'avec un volume régulé de 155 millions de m3, le MAO, grâce, à la station de traitement de Sidi Laadjel, peut livrer pas moins de 560.000 m3/jour d'eau potable. De l'avis unanime, la région de Mostaganem est désormais confrontée à une embellie jamais égalée à travers l'histoire. Alors que ses besoins en AEP ne devraient pas excéder 80.000 m3/jour, elle dispose de 5 fois ses besoins. C'est pourquoi, dans leurs discussions préliminaires, les experts soulignent l'impérieuse nécessité de trouver de nouveaux débouchés à cette pléthore d'eau. La décision qui fait l'unanimité, eu égard à la durée de vie limitée des barrages et de l'unité de dessalement, consiste à recharger la nappe qui aura baissé parfois au-delà de 40 mètres en 20 ans. Selon Benoit Laignel, cette opération de grande envergure mérite toute l'attention des chercheurs. Avec ses collègues algériens et tunisiens, il compte mettre en marche une coopération multilatérale afin de donner au futur centre national de gestion de l'eau de Mostaganem les outils méthodologiques et technologiques qui lui permettront de remplir au mieux sa mission au service du développement durable.