Salle comble jeudi soir à la cinémathèque de Béjaïa. Le public est venu nombreux voir Le repenti de Merzak Allouache, projeté pour le compte de la sixième soirée des dixièmes Rencontres cinématographiques de Béjaïa. Pendant 87 minutes, le public a replongé dans l'atmosphère grave de la décennie noire, où le tragique se dispute à la bêtise humaine. C'est l'histoire de Rachid, rôle campé remarquablement par Nabil Asli, qui descend des maquis pour tenter une réintégration sociale à la faveur de la loi réconciliatrice qui absout ses crimes. Embauché comme cafetier à l'ouest du pays, loin de son village, Rachid fait au commissaire de police une promesse dont le public restera dans l'ignorance de la teneur même à la fin du film. Un jeune spectateur relève cette zone d'ombre. Il restera sur sa faim comme beaucoup dans la salle. Le réalisateur ne fera pas l'effort d'éclairer leur lanterne. Son cinéma, «libre et expérimental», n'est pas sujet à éclairage. Le repenti continue de tenter de reprendre sa place dans la société. Il prend contact avec Lakhdar, le pharmacien du village, et lui propose, contre une somme d'argent, de le conduire jusqu'au lieu où a été enterrée sa fille, Selma, tuée cinq ans plus tôt par le groupe armé dont il a fait partie. Talentueuse, Adila Bendimered campe le rôle de Djamila, une mère éplorée qui n'a pas fait le deuil de l'assassinat de sa fille. Sur la tombe retrouvée de Selma, Djamila se jette, laissant exploser une douleur profonde qui a enflé cinq ans durant. La scène se passe dans un maquis faussement sécurisé. Le terrorisme «résiduel» devait encore frapper… Applaudi, le film a attisé bien des émotions. «J'ai perdu 8 kilos pour ce rôle», témoigne Nabil Asli, 32 ans, qui n'a pas été moins investi dans son rôle d'artiste dans l'autre fiction de Merzak Allouache, Normal, projeté la veille dans le cadre des mêmes rencontres cinématographiques. Un long métrage où la mise en abîme a dérouté quelque peu une partie du public face à un documentaire qui a décliné un air de téléréalité. Face aux critiques, Merzak Allouache trouve de la peine à rester fair-play. Ses détracteurs, comme celui qui s'est exprimé à la fin de la projection du film Le repenti, Allouache les traite, tout simplement et sévèrement, de «minables, des types qui n'ont rien vu dans leur vie». Des «oh !» se sont élevés dans la salle. Normal !