Les pays membres de l'ONU vont tenter, à partir d'aujourd'hui à New York, de mettre au point le premier traité international réglementant le commerce des armes conventionnelles, que le conflit en Syrie rend d'autant plus nécessaire, selon des ONG. Historiquement, souligne Brian Wood, expert du contrôle des armements à Amnesty International, «les principaux progrès dans le contrôle des armements conventionnels ont été suscités par des scandales ou des controverses». Il dénonce «la décision irresponsable du gouvernement russe de fournir des armes (au régime syrien) sachant qu'elles vont être utilisées pour commettre des atrocités». L'idée de ce futur traité international sur le commerce des armes classiques (TCA) est précisément de fixer des critères pour empêcher les transferts d'armes qui pourraient être utilisées contre les populations civiles ou alimenter un conflit. Le contrôle incomberait aux Etats eux-mêmes, qui devraient tenir un registre des transactions. Selon Anna MacDonald, directrice de la campagne pour contrôler les armes chez Oxfam, «la question est de savoir si le traité va être contraignant, couvrir tous les types d'armes, les munitions, pièces détachées et composants (…) et s'il va comporter des critères stricts». La plupart des pays admettent la nécessité de réglementer cet énorme marché estimé à 70 milliards de dollars par an, dont 40% pour les seuls Etats-Unis. Mais certains, comme la Russie (qui a vendu pour 13,2 milliards de dollars d'équipements militaires en 2011), préfèrent insister sur la lutte contre le trafic d'armes par opposition au commerce légal. «Beaucoup de choses restent en suspens, dont le principe même d'un traité contraignant, son objectif et sa portée», résume un diplomate. Les ONG face aux lobbies des armes Ainsi les Etats-Unis, qui produisent 6 milliards de balles par an, veulent exclure du traité les munitions et la Chine les armes légères, dont elle inonde les pays en développement. Selon un document de travail de l'ONU, l'Inde – plus gros importateur mondial d'armes – le Pakistan, le Japon ou l'Arabie Saoudite font valoir «le droit de légitime défense», c'est-à-dire la liberté pour un pays d'équiper ses forces de sécurité. Russie, Chine et pays arabes contestent les critères, jugés subjectifs ou politiques, alors que la Corée du Sud ne veut pas restreindre les transferts de technologie. Les Européens, dont la France, quatrième exportateur mondial, ont depuis 2008 une position commune qui va dans le sens d'un traité large et juridiquement contraignant. «L'intérêt de nos industriels est que les autres pays soient soumis aux mêmes contraintes fortes que nous», explique un diplomate européen. «Ce sera un travail énorme de boucler ce dossier avant la fin du mois», reconnaît Brian Wood, qui craint un affaiblissement du texte dans le marchandage final, règle du consensus oblige. Si tout va bien, estime-t-il, le traité pourrait entrer en vigueur fin 2013, après ratification par une soixantaine de pays.