Le jour où on devait recaser les habitants des bidonvilles, Hatem, âgé de 40 ans, père de deux filles, n'était pas au courant de l'opération, lui qui était recensé par les services communaux à l'instar de ses voisins qui occupaient illégalement un espace non loin de la ferme Akli. Tout le monde bénéficiera d'un logement social, et son nom sera remplacé par un autre comme s'il s'agissait d'un voeu que la providence a bien voulu exaucer pour les responsables de l'opération. Un logement qui saute de la liste et c'est toute l'histoire des conditions d'attribution des 957 logement qui redonne matière à jaser. En voici la conséquence: quatre personnes vivent sous des câbles électriques de haute tension avec comme moyens de protection par ces temps de canicule, de la tôle ondulée, des cartons et des objets hétéroclites que l'on trouve du mal à identifier. L'homme dénonce: «Des fonctionnaires dont le salaire dépasse les 60 000 DA ont été recasés lors de la même opération, et moi qui suis cafetier me vois privé d'un droit certain parce qu'un responsable a décidé de dégommer mon nom de la liste pour pouvoir ensuite remettre les clés à une autre personne.» Version plausible puisque l'opération de relogement des habitants des baraques n'a pas connu de rigueur lors de l'étude des dossiers, et seule la liste établie par les services communaux en collaboration avec ceux de la daïra était prise en compte. Hatem n'est pas la seule victime et les doléances adressées à la commission de recours, la première semaine qui avait suivi l'attribution, dénonçaient dans leur majorité les conditions dans lesquelles a été menée cette opération dite de recasement. Après la délocalisation de tous ses voisins, l'épouse du quadragénaire, qui s'est retrouvé seul et vulnérable face à des zombies d'une autre espèce, a fait l'objet d'une tentative de viol accompagnée d'une agression physique contre son conjoint. Son intervention, in extremis, lui vaudra un coup de gourdin et une mise sous contrôle médical durant deux jours. L'un des agresseurs a été arrêté et le deuxième est toujours en cavale. Depuis cette fâcheuse expérience, le quadragénaire travaille le jour et veille la nuit. Sa femme et ses deux filles ne mangent pas à leur faim, préférant économiser chaque pécule que perçoit le chef de la famille pour pouvoir payer l'apport exigé pour la remise des clés. Pauvreté, misère, précarité au quotidien, hogra institutionnalisée, loi de la jungle, atteinte à l'intégrité morale et physique....Que dire de plus pour que les mots «équité» et «droit» ne soient pas blasphématoires ?