Quels plats va nous servir l'Unique pendant le Ramadhan ? C'est l'éternelle question qui revient comme un boomerang à la veille du mois sacré et qui laisse sceptiques de nombreux téléspectateurs quant aux «nouveautés» qui risquent de créer l'événement. C'est que les Algériens ont pris l'habitude de s'attendre au pire lorsqu'on leur annonce une affiche dite exceptionnelle, présentée en tous cas toujours comme plus «alléchante» que les précédentes. Une sorte de pochette-surprise qui a rarement atteint son objectif avec un contenu qui arrive difficilement à surpasser les limites de la médiocrité. Les deux derniers ramadhans, notamment celui de 2011, sont restés dans l'esprit du public comme de lamentables ratages en matière de divertissement avec des programmes ficelés dans la précipitation juste pour être au rendez-vous. On se rappelle à ce propos la critique publique formulée par le ministre de la communication à l'endroit de ces programmes qu'il jugeait personnellement faibles et médiocres par rapport aux attentes au point de faire des excuses aux téléspectateurs pour le peu de respect que la télévision nationale leur avait accordé. Le responsable de la télé de l'époque avait mal accepté ces attaques qui lui étaient directement destinées, mais ce n'est pas pour autant qu'il fit amende honorable devant le public eu égard à ce qu'il lui avait offert comme spectacle durant la période de jeûne. C'était une façon peu cavalière de ne pas rendre des comptes sur des résultats qui étaient loin de justifier le gros financement des productions sur lequel le contribuable a son mot à dire. C'était aussi une manière très classique de fuir le débat en refusant de communiquer. L'ENTV s'est dotée depuis d'un nouveau boss et le moins que l'on puisse dire est que ce dernier, pour se démarquer de son prédécesseur, a jugé plutôt nécessaire de passer à l'offensive en convoquant la presse pour parler de la grille du ramadhan et des autres sujets télévisuels sensibles dans lesquels son entreprise est impliquée à l'instar des productions entrant dans le cadre du cinquantenaire de l'indépendance. En gros, si dans la démarche Khelladi veut se montrer très transparent quant à la réalisation des nombreux projets qui font généralement polémique, rien ne permet de dire, en revanche, si sa venue au poste de direction de l'une des sociétés algériennes parmi les plus emblématiques, sera synonyme de plus de compétence et de qualification pour permettre aux programmes d'atteindre un niveau artistique et culturel supérieur. S'il aura pour lui la pondération d'introduire davantage de rigueur dans la gestion des affaires qui touchent à la production assurée par sa boîte, avec tous ses dérivés, s'il aura la capacité d'être plus sévère en matière de sélection des productions qui émanent du privé, secteur où règne une certaine anarchie, l'un des handicaps majeurs qui continuera à sévir restera incontestablement le faible potentiel qui existe chez nous de réalisateurs et d'acteurs de haut niveau, seul capables de relever le défi de la performance et de la…concurrence. Chaque année à la même période, celle du ramadhan, qui voit toutes les familles algériennes accorder la préférence à leur télé nationale, on fait pratiquement le même constat. L'émergence de nouveaux talents se fait au compte-gouttes faute d'une formation appropriée qui doit s'étaler non pas sur le court terme mais sur une longue distance. Ce qui signifie qu'en Algérie on tourne avec une brochette de comédiens très réduite qui n'offre pas tellement de choix aux concepteurs du produit télévisuel. Et encore, pour des raisons de business mal cadrées, on se permet le luxe de se priver de quelques-unes de nos meilleures figures qui s'en vont faire le bonheur d'autres tv sous le ciel maghrébin. En fait, l'offre artistique de qualité étant très mince, place est laissée au tout venant pour parer souvent au plus pressé. Et si on ajoute l'esprit purement mercantile qui s'est installé dans les rouages du marché de la télévision, là où la manne publicitaire et le sponsoring ont atteint des seuils incontrôlables, on a une idée précise sur les difficultés que rencontrent les professionnels du petit écran pour sortir des œuvres qui vont dans le sens des puristes. C'est évidemment une réflexion qui dépasse la frontière d'une simple grille ramadhanesque. Car pour l'heure, si elle n'échappe pas à la préoccupation du premier responsable de l'ENTV, elle ne constitue pas son principal souci. L'urgence pour lui est, on le devine, comment meubler un mois de jeûne sans trop de dégâts, c'est-à-dire avec un programme qui ne soulèverait pas trop de critiques. En général, les algériens auront à peu près un panel d'émissions dont le style ne diffère pas des précédents, qui vont du sitcom au feuilleton de la soirée, en passant par la caméra cachée et les scketchs chorbas. Le sitcom de Djamal Gassem Kahouet Mimoun tiendra vraisemblablement la tête d'affiche dans le genre, alors que la grande nouveauté sera créée par le juste prix version algérienne et le Comédie club de Ameur Bahloul, inspiré de celui du Franco-Marocain Djamal Debbouze. Mais, le clou sera la diffusion du feuilleton religieux Omar Ben Khettab dont l'ENTV a acquis les droits en compagnie de quelques chaînes du moyen-Orient, feuilleton qui ne passe pas sur les télés du Maroc où pourtant il a été tourné. Mais pour Tewfik Khelladi, c'est le programme du cinquantenaire qui suscitera le plus d'intérêt. Ce sera surtout l'occasion de produire de grandes émissions à la gloire de notre révolution, parmi elles des documentaires historiques et des feuilletons, le tout moyennant un budget colossal. Pour le patron de la télé, réussir le pari de la glorification de la lutte d'indépendance demeure bien plus sacré que l'animation d'un mois de Ramadhan qui sera vite oubliée. L'un dans l'autre, cette animation risque d'être carrément éclipsée par un enjeu qui s'évalue au-dela de son caractère festif.