A 63 ans, le réalisateur Sid Ali Mazif est toujours collé à son sujet préféré : la femme. Son oppression, ses œuvres et ses combats sont traités sous différents points de vue, mais avec un support unique : l'écran. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, il revient sur sa carrière, ses projets et s'exprime sur la censure, notamment la suspension de Star Academy de l'ENTV. Que devient Sid Ali Mazif ? Durant l'année 2005, j'ai préparé avec Hamid Aït Amara, sociologue et mon collaborateur depuis 20 ans, un film sur une grande dame qui s'appelle Taous Benabdeslam du village d'Aït Hichem, qui nous a interpellé. Dans ce portrait, on met en exergue ces dames qui ont participé à la guerre de Libération nationale et qui sont intervenues dans la vie du village. Elle était monitrice du centre de formation professionnelle. Elle avait initié plusieurs générations de femmes à l'art du tapis. On vous associe souvent à votre film Leila et les autres. Qu'en pensez-vous ? Ce n'est pas le seul film que j'ai fait. Bien avant ça, j'ai fait Sueurs Noires, sur le mouvement ouvrier entre 1945 et 1954, Les nomades qui traite des problèmes des jeunes pasteurs dans les Hauts-Plateaux et leur exploitation éhontée par les gros propriétaires terriens. Il y a eu aussi Leila et les autres, Houria et Pour que vive l'Algérie. J'ai également réalisé un beau film qui est resté inédit, que j'ai intitulé J'existe, sur la condition féminine dans le monde arabe à travers 14 pays. Je l'ai fait en 1981 et qui n'est pas encore sorti et j'espère le faire en 2007. A mon avis, ce sera un témoignage historique pour montrer quelle était la situation de la femme dans les années1980 et voir si elle a évolué ou, au contraire, elle a régressé. Justement, quel est votre avis sur ce sujet ? Cela dépend de quel point de vue on se met. Il y a des avancées sur le taux de scolarisation, de travail mais limité à certains secteurs. Le domaine politique lui est pratiquement fermé. Vous avez une grande préférence pour le thème de la condition de la femme. Pourquoi ? J'estime qu'on a le devoir de montrer et de dénoncer par l'image ce décalage entre l'évolution de notre société et les lois qui sont votées à l'APN. La société a besoin de fonctionner sur ses deux pieds car elle fonctionne actuellement avec un seul pied. Il faut rétablir le droit pour que nous allions vers la modernité et le progrès. Quel est votre avis sur le cinéma algérien ? La situation est assez catastrophique. Depuis 1995 avec la dissolution de l'ANAAF, du CAIC et de l'ENPA, il y a une régression totale. Ces trois sociétés produisaient avant, contre vents et marées, une dizaine de films par an et on participait à différents festivals et on revenait avec des consécrations. Aujourd'hui, non seulement il n'y a plus de films, mais aussi point de salles de cinéma. Même s'il y avait des films, il n'y a plus d'espace de diffusion. Le cinéma va totalement disparaître bientôt et sera remplacé par la vidéo et la télévision. Certaines productions sont censurées par l'ENTV, comme Star Academy. Quels sont vos sentiments ? Le courant conservateur a un tel poids dans la société qu'il peut influer et agir sur une institution républicaine pour interdire une émission de variété. C'est absolument scandaleux dans la mesure où cette émission ne porte pas atteinte à nos valeurs. Au contraire, il faut développer la production télévisuelle pour contenter notre public. Ce dernier, à cause de la censure, ne peut choisir qu'entre les produits moyen-orientaux ou occidentaux, qui de toute façon pervertissent nos valeurs et notre culture. Des projets ? Avec mon collègue Hamid, nous sommes sur six documentaires sur la condition féminine. Il y a aussi un film sur le mouvement féministe en Algérie depuis 1995 à aujourd'hui.