Le banjo a été largement répandu par le grand maître disparu El Hadj M'hamed El Anka, qui aura été parmi les premiers à l'inclure dans son orchestre. El Anka dans sa recherche de l'harmonie instrumentale absolue s'est aperçu que les sons du banjo et de la mandole étaient faits pour s'entendre. Un duo magique. S'il a été une réussite totale, ce mariage n'a pu se réaliser qu'avec des musiciens d'accompagnement qui avaient le don de maîtriser à la fois la rigueur musicale et les subtilités de l'improvisation. Car un joueur de banjo, par essence, n'est jamais académique quand il interprète le chaâbi. Instinctif, il est entraîné malgré lui à surfer sur le quart de note pour aller fouiller au plus profond des variations. C'est la raison pour laquelle deux joueurs de banjo n'exécuteront, par exemple, jamais de la même manière un istikhbar dans le raml el maya, sika ou zidane, tout en respectant parfaitement les convenances du mode en question. Dans ce registre, des virtuoses se sont révélés au public. Les Kadour Cherchalli, Mohamed Tailleur, Cheikh Namous et autre Naguib (qui a arrêté prématurément la musique, alors qu'il était au sommet de son art) ont ouvert la voie. Ces talentueux musiciens, qui ont accompagné les grands noms de la chanson chaâbi, ont donné au banjo ses titres de noblesse. Leur réputation a surtout fait beaucoup d'émules. Dans pratiquement tous les quartiers d'Alger, de Mostaganem, de Blida, de Béjaïa ou de Annaba, là où le chaâbi est bien implanté, des banjonistes ont éclos. Il faut dire que l'instrument exerce une certaine fascination sur les jeunes. Formés pour la plupart à « l'école de la rue », ces musiciens sont devenus de véritables professionnels en se frottant aux interprètes du chaâbi les plus illustres. Mais les générations se suivent et ne se ressemblent pas. Les joueurs du banjo actuels sont encore plus inspirés que leurs aînés. Ils apprennent vite, certains en autodidactes, d'autres en faisant des passages dans les conservatoires ou les associations. L'expérience des fêtes familiales ou le contact avec le public constitue le plus redoutable des examens, complète la formation. Parmi la multitude de musiciens qui se sont fait une réputation dans le milieu du chaâbi et qui représentent la nouvelle vague, on peut citer le nom de Khaled Akboudj, l'enfant de Bir Mourad Raïs qui a 26 ans de pratique derrière lui. « Le banjo est pour moi le meilleur instrument du monde, il produit une musicalité propre au chaâbi qu'on ne trouve nulle part ailleurs. C'est aussi une passion qui m'a pris dès mon jeune âge et qui ne me lâche plus », dit-il. Khaled qui a eu, lui, la chance de fourbir ses armes dans l'association Djamaiat Ennadjah a aussi appris l'andalou que lui a enseigné le maître Babaya. Ses idoles restent naturellement les anciens comme Kadour Cherchalli ou Mohamed Tailleur. Avec son banjo-guitare, il a accompagné de nombreux cheikhs, parmi lesquels Bourdib, Tamache, Chaou, Hacen Saïd, Chaïb, notamment H'sissen qui l'a intégré dans sa troupe depuis une dizaine d'années.