Au fur et à mesure que les combats s'étendent en Syrie, les inquiétudes s'accroissent au sein de la communauté internationale sur la sécurité des armes chimiques que le régime de Bachar Al Assad aurait amassées en grande quantité. Ces préoccupations se sont renforcées avec l'avertissement lancé lundi par le premier ambassadeur syrien ayant fait défection, Nawaf Farès. Il s'est dit «persuadé» que le président Al Assad était prêt à utiliser son arsenal chimique si ses jours étaient comptés. Quelques jours plus tôt, le Wall Street Journal, citant des rapports du renseignement, avait évoqué la possibilité que des armes chimiques seraient en train d'être déplacées. Dans quel but ? Pour les utiliser contre les rebelles et les civils ou, au contraire, les protéger afin qu'elles ne tombent pas entre les mains de groupes armés ou de pays étrangers ? Sur ces questions, les experts appellent à la plus grande prudence. «Les informations disponibles sont extrêmement ténues et certaines contradictoires», souligne un diplomate occidental. «Nous ne savons rien des intentions du régime», insiste Daniel Byman, expert à la Brookings Institution à Washington. De plus, il n'existe quasiment aucune donnée publique sur l'arsenal syrien, car Damas n'est pas membre de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques. En première ligne, les Israéliens se montrent les plus préoccupés. «La Syrie a accumulé le plus important arsenal d'armes chimiques du monde», a récemment affirmé son chef d'état-major adjoint, le général Yaïr Naveh. Elle «dispose de missiles et de roquettes capables d'atteindre n'importe quel point du territoire israélien», selon lui. Le programme syrien «est assez développé», évalue Daniel Byman. Les stocks accumulés comprennent, selon lui, des produits traditionnels comme le gaz moutarde, largement utilisé durant la Première Guerre mondiale, mais aussi du gaz sarin et du VX, un gaz innervant mortel. Damas aurait commencé à développer ce programme dans les années 1970-80 avec l'aide de l'Union soviétique afin de renforcer ses capacités de dissuasion contre Israël. Il n'a cependant jamais utilisé ses armes chimiques lors des conflits contre son voisin, notamment la guerre au Liban de 1982. Le régime syrien aurait ensuite bénéficié de l'aide de l'Iran, l'un de ses principaux alliés, pour «construire des centres de production» et être approvisionné en matériel, indique un rapport du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) datant de 2008. Selon une autre étude, établie par le Centre d'études sur la non-prolifération (CNS), la Syrie possèderait au moins quatre, peut-être cinq, usines d'armes chimiques, situées près de Damas et Alep, et à Hama, l'une des places fortes de la révolte populaire. Les experts ont par ailleurs noté que des manœuvres avaient été organisées début juillet qui comprenaient des exercices de tirs de missiles Scud et SS-21 capables de transporter des armes chimiques. «Les utiliser serait très, très risqué» pour le régime, estime M. Byman. «C'est pour cela que de l'avis général, il ne le ferait qu'en dernière extrémité.» Une telle escalade pourrait entraîner une internationalisation du conflit, surtout si le territoire israélien était menacé, selon les spécialistes. Les inquiétudes concernent aussi les risques de dissémination des armes syriennes, qu'elles soient chimiques ou classiques, en cas de chute d'Al Assad. Certains craignent qu'elles ne finissent entre les mains de groupes terroristes, notamment d'Al Qaîda. Les Etats-Unis ont prévenu la semaine dernière la Syrie qu'elle serait «tenue pour responsable» si elle ne garantissait pas la sécurité de ses armes chimiques. En février, des responsables américains avaient estimé dans la presse qu'il faudrait plus de 75 000 hommes pour sécuriser les sites d'armes chimiques.