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Comment la communauté «Lis» doit renaître de ses cendres ?
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Publié dans El Watan le 23 - 07 - 2012

«Lis au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l'homme d'une adhérence.» Coran, sourate El Alleq.
Voilà avec des mots simples et clairs que Dieu recommande, par le biais de son Prophète, à tout être humain de lire, rien de plus. C'est un message simple dans sa conception, mais riche et plein de valeurs dans sa compréhension.
Beaucoup de gens pensent et avancent même que le premier message coranique était destiné à vénérer l'unicité du Dieu. Cette vérité, par contre, n'est que le résultat de la lecture et de recherche, objet du message du premier verset.
Il y a lieu de préciser que le choix de la région, du peuple et du prophète concernés par le dernier message divin n'étaient pas fortuits, c'est une région aride mais autonome politiquement, elle se situe entre deux puissances impériales, Byzance et Perse, son peuple est inculte, mais il vénère le courage, l'hospitalité et la dignité. C'est ce contraste et l'hétérogénéité de ces éléments réunis qui ont été définis comme ultime critère pour réceptionner le dernier message. Ces éléments réunis étaient la clef de réussite de l'Islam. Dieu pouvait adresser son dernier message aux peuples éclairés, instruits et cultivés, qui ont fondé de grandes civilisations avant l'Islam, à l'exemple des Grecs, des Romains et des Perses, mais le degré de développement de la pensée qu'ont atteint ces peuples était un handicap majeur pour la réception du message divin, des disputes et des débats houleux auraient éclaté entre les savants et les philosophes de ces civilisations et le prophète sur l'esprit, l'âme et les vérités divines, rendant impossible toute compréhension du message divin qui serait vidé de son sens.
Il ne faut pas oublier aussi l'échec des expériences vécues avec les religions judéo-chrétiennes, le dernier message doit être adressé à un peuple analphabète, non contaminé par des pensées religieuses diffamatoires des autres religions monothéistes.
C'est cette virginité culturelle et cette modestie sociale de l'arabe, conjuguées à sa personnalité humble, juste et correcte, que le sens du message coranique devrait être reçu et compris à 100% dans tous ses volets. Dieu a voulu accompagner et faire apprendre à ce peuple primitif l'enseignement de la vérité divine étape par étape, les signes de Dieu sont partout, il ne suffit qu'à semer dans cet individu inculte le plaisir de lire et de chercher la vérité divine étalée sur l'ensemble de la planète. Le message coranique a été très bien reçu par les premiers musulmans, ces derniers n'ont pas hésité à tout moment à demander au prophète la conduite à tenir envers telle ou telle situation, même la plus intime, ils vivaient leur nouvelle religion en contact permanent avec Dieu via son prophète.
La tradition avait rapporté de multiples scènes où les premiers musulmans demandaient au prophète des explications liées directement à leur vie personnelle, sociale, économique, etc.
De ce fait, la révélation a été fragmentée dans le temps et dans l'espace en fonction des situations qui faisaient face à la première communauté, à chaque problème qui surgit, le prophète consulte Dieu sur la réponse ou la conduite à tenir. D'ailleurs, chaque révélation était conditionnée par une cause ou un motif, afin d'accompagner cette communauté pas à pas dans l'apprentissage de la nouvelle religion, un livre intéressant intitulé Les causes de révélation du Saint Coran, de son auteur Al Wahidi An-Naïsabûrî, retrace la révélation de certains versets en liaison directe avec certains événements.
Les premiers musulmans ont axé leurs recherches exclusivement sur les sciences islamiques afin d'apprendre leur nouvelle religion, source primaire des autres sciences. Cet apprentissage de la religion a été parachevé au vivant du prophète «Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion» Sourate 5, révélée au jour du dernier sermon du prophète à Arafat.
Une fois cet apprentissage parachevé, les premiers musulmans armés d'une solide source d'information et de connaissances, qui est le Coran, considéré comme une bibliothèque riche et complète et animé par le désir et la volonté d'exploration et de recherches semés par cette nouvelle religion se sont lancés à explorer d'autres sciences, connaissances et cieux, ils se sont exaltés dans tous les domaines de la sciences et ont pu construire une civilisation qui a changé le cours de l'humanité.
Les érudits en sciences religieuses, qui ont hérité ce savoir des premiers musulmans, n'ont pas accompagné cette mutation de la jeune société musulmane vers le progrès, ils étaient fermés dans un carcan traditionaliste par amour et fidélité au prophète et ses compagnons, donnant une explication littéraliste et traditionnelle des préceptes coraniques omettant ainsi toute explication scientifique du Coran. Craignant de perdre leur statut social face aux autres savants, ils commencèrent à manipuler la société contre toute interprétation moderniste accusant parfois des savants et intellectuels musulmans d'hérésie (le cas d'El Hallaj exécuté en 922).
Le choc entre deux courants (écoles) une traditionaliste vénérant la foi, telle qu'a été reçue par les premiers musulmans et une autre moderniste vénérant la raison propulsée par cette soif du savoir ne tardaient pas à être éclatés sous le règne du Calife abbasside El Maoun, fervent défenseur de la liberté de pensée. Le courant traditionaliste a été incarné par l'imam Ahmed Ibn Hanbal, fondateur de l'école Hanbalite, tandis que le courant moderniste a été représenté par l'école Mutazilite incarnée par le Calife lui-même. Cette période a été appelée par les sunnites la Mihna «l'épreuve», où l'imam Ibn Hanbal allait devenir célèbre pour son opposition aux deux Califes abbassides.
L'histoire nous rapporte que le point de discorde entre ces deux protagonistes était la question de la création du Coran ; si les mutazilites affirmaient que le Coran avait été créé, ça veut dire que toute créature à une naissance et une fin, que toute créature est incomplète et que la vérité divine ne se limite pas à la lecture littéraliste du Coran ; il faut chercher les compléments dans les signes cachés, par contre l'opinion général affirmait que le Coran est incréé et donc éternel et la vérité divine se trouve que dans les textes coraniques tels qu'ils ont été reçus la première fois, toute interprétation différente des traditions est fausse.
Cet extrémisme de pensée et d'opinions des deux parties était un malheur pour la civilisation musulmane, même si d'autres savants ont essayé de concilier entre la foi et la raison, mais c'était trop tard, le mal a été déjà fait, le courant traditionaliste est sorti vainqueur de cette épreuve, plus déterminé que jamais à fermer toutes les issues de la pensée. C'est à ce moment-là que la liberté de pensée qui a été la pierre angulaire du message islamique a été attaquée avec véhémence, jusqu'à être réduit à néant, l'ijtihad, un pilier fondamental dans la jurisprudence islamique a été limité aux 4 doctrines islamiques, et de ce fait, toute liberté de pensée en dehors de ces 4 écoles a été simplement interdite, ce qui a conduit la civilisation musulmane vers le déclin et la décadence dont jusqu'à maintenant on vit ses conséquences. Plusieurs facteurs ont été derrière la victoire du courant traditionaliste, parmi eux le contact direct de ses érudits et imams avec la population dans les mosquées qui étaient un véritable lieu de rencontres de toutes les couches sociales, ce qui a permis à ces oulémas de manipuler le peuple contre les gouverneurs, les accusant de s'éloigner de la vraie religion du prophète et de ses compagnons.
Le calife Al Mutawakkil, craignant les contestations populaires, est revenu à la tradition. Le pouvoir religieux des califes en sortit diminué au profit de celui des oulémas. S'il faut accuser quelqu'un de la période de l'épreuve, et bien c'est le courant des libres penseurs (Mautazilite) et leur chef, le calife Al Mamoun, ce sont eux qui ont provoqué par leur transgression de certaines lignes rouges le tollé du courtant traditionaliste, avant la situation de l'ère du prophète jusqu'à l'événement de l'épreuve était maîtrisable, les musulmans ont exalté dans tous les domaines de la science et de la culture, la civilisation islamique est arrivée à son apogée, dans la culture, le dessin de créatures humaines et animales était autorisé, les fresques de Quasr Amra construit à l'ère omeyyade est l'un des exemples les plus remarquables du premier art omeyyade et de l'architecture islamique.
Cet art remarquable et fascinant n'a été interdit que durant le XIIIe siècle par les fanatiques religieux suite à la décadence de la civilisation islamique. Depuis que le courant traditionaliste est sorti vainqueur, la décadence vers l'ignorance de la civilisation musulmane a commencé, tous les arts et les sciences ont été interdits, sous prétexte qu'ils ne sont pas conformes aux préceptes coraniques et ceux qui s'aventurent à défier le pouvoir religieux étaient accusés d'hérésie et vite exécutés.
On se fermant dans ce carcan traditionaliste, les musulmans vivaient dans l'ignorance la plus absolue et dans tous les domaines de la vie, leur degré d'intelligence a été réduit à néant, leur façon d'habiller a été changée avec l'imposition aux femmes de modes vestimentaires inconnus auparavant, les érudits religieux étaient les maîtres des lieux par leur interprétation littéraliste des préceptes coraniques, déconnectés de toute réalité de temps et de lieu. Il y a lieu de préciser que le monde islamique n'a pas engendré un seul savant digne de ce nom depuis presque 7 siècles, le dernier savant procréé par la civilisation musulmane est bien Ibn Khaldoun mort en 1406. Depuis, il n'y a que désolation et dégradation, achevées par la colonisation des pays musulmans.
Jusqu'à présent, à l'ère de la technologie de pointe, où la science a dépassé toutes les bornes de la logique, nos religieux continuent toujours sur la même ligne de leurs ancêtres traditionalistes. Le Coran a été révélé au Prophète fragmenté, au fur et à mesure des événements, la sagesse de cette répartition dans le temps réside dans le fait d'apaiser et d'affermir le cœur du prophète, d'un côté et de l'autre, d'accompagner progressivement la nouvelle communauté à l'éducation des préceptes de la nouvelle religion pas à pas, l'apprentissage ne se limitait pas à la mémorisation des versets mais également à l'application des principes et enseignements que sous-tendaient les versets appris.
«(Nous avons fait descendre) un Coran que Nous avons fragmenté, pour que tu le lises lentement aux gens. Et Nous l'avons fait descendre graduellement.» (Coran : 17/106). Cette lecture attentive et lente doit être marquée par la réflexion et la méditation sur chaque mot et chaque verset que nous récitons, il ne suffit pas de lire textuellement les versets, mais de faire un point de réflexion sur chaque mot et chaque passage, essayer de comprendre dans quel contexte a été révélé le verset et pour quel gens il est destiné.
Certes, il est aisé de dire que le Coran est valable pour chaque temps et à n'importe quel lieu, mais cette affirmation amputée des circonstances et des événements des révélations est extravagante voire utopique. Où allons-nous trouver actuellement un esclave pour l'affranchir si on veut se conformer au verset suivant :
«Et qu'est-ce qui te dira ce qu'est la voie ascendante ? C'est délier un joug [affranchir un esclave]», Sourate Al-Balad (La Cité) (3/3)
Comment appliquer le principe de distinction entre le fil blanc et le fil noir contenu dans le verset suivant, dans un pays comme le Groenland où en hiver, le soleil disparaît presque totalement pendant plus de trois mois.
1 Le Très Haut a dit : «On vous a permis, la nuit d'as-siyâm, d'avoir des rapports avec vos femmes ; elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles. Allah sait que vous aviez clandestinement des rapports avec vos femmes. Il vous a pardonné et vous a graciés. Cohabitez donc avec elles, maintenant, et cherchez ce qu'Allah a prescrit en votre faveur ; mangez et buvez jusqu'à ce que se distingue, pour vous, le fil blanc de l' aube du fil noir de la nuit. Puis accomplissez le jeûne jusqu'à la nuit. Mais ne cohabitez pas avec elles pendant que vous êtes en retraite rituelle dans les mosquées. Voilà les lois d'Allah : ne vous en approchez donc pas (pour les transgresser). C'est ainsi qu'Allah expose aux hommes Ses enseignements, afin qu'ils deviennent pieux !» (Coran, 2 : 187).
En outre est-ce que le témoignage de la femme, médecin légiste, experte financière, experte en assurance… n'est pas valable, conformément au verset suivant, ces femmes ont-elles besoin de faire approuver leurs témoignages par des hommes, sachant que ces femmes expertes dans leur métier établissent chaque jour des dizaines de témoignages. «Faites-en témoigner par deux témoins d'entre vos hommes ; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d'entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l'une d'elles s'égare, l'autre puisse lui rappeler.» (Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 282) Il est clairement mentionné dans ces exemples que la notion du temps (1 et 3 exemples) et la notion du lieu (2 exemples) sont déterminantes dans la compréhension et l'interprétation des préceptes coraniques.
Notre malheur est de vouloir interpréter le Coran textuellement tel qu'il a été révélé à la première communauté, sans prendre en considération les notions et facteurs du temps et du lieu ainsi que les circonstances de la révélation. Le musulman d'aujourd'hui vit dans une hypocrisie permanente essayant de réconcilier sa foi par une interprétation traditionnaliste incompatible avec l'évolution technologique, scientifique, économique et sociale du monde actuel, l'échec d'une telle réconciliation est palpable, il est répercuté sur tous les niveaux et domaines. Incapable de réconcilier entre sa foi traditionaliste et sa raison progressiste, le musulman d'aujourd'hui a choisi la première, sous prétexte d'être accusé d'hérésie, ce qui a mené à la stagnation actuelle, d'où certains par manque de visibilité et de clairvoyance ont complétement arrêté de penser raisonnablement et se sont convertis à l'extrémisme aveugle.
Si nous devons sortir de ce carcan traditionaliste, il faut avoir la même compréhension des premiers hommes de l'Islam, eux ont très bien compris et saisi le message coranique, ils ont pu par leur sagesse construire une civilisation qui a dominé le monde, ils n'ont jamais interdit l'art, la culture et les sciences, par contre la décadence du monde musulman a commencé au moment où les prêcheurs interdisaient ces domaines par peur de perdre leur statut social. La clé de la réussite réside dans cette compréhension raisonnable du message divin, et du discours religieux à adopter qui doit être moderniste et progressiste loin de la forme actuelle, il faut arrêter cette interprétation hypocrite de la foi dictée par des traditionalistes, dont les objectifs sont loin de faire progresser la nation musulmane.


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