Devant un conclave d'hommes de religion venus des quatre coins de l'Algérie participer à la 7e semaine Coranique nationale qui se tient à Dar El Imam, à Mohammadia, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s'est offert hier une tribune idoine pour plaider sa cause de réconciliation nationale. Dans une posture de grand mufti de la République, Bouteflika a exhorté les exégètes et spécialistes du Coran « à explorer ses secrets les plus profonds pour en extraire le substrat et en découvrir les merveilles ». Et pour cause, le Président pense que « notre nation a tant besoin d'une compréhension correcte des versets du Coran et d'esprits bien éclairés qui le consultent judicieusement pour la construction d'une société et l'édification d'une civilisation bien adaptées à la nature humaine qui, lorsqu'elle est modérée, est encline à opter pour le juste milieu, une valeur tant prônée par la religion ». Le clin d'œil à la réconciliation nationale qui lui est chère est évident. Le regard oblique à ceux qui ont instrumentalisé la religion l'est tout autant : « Les savants musulmans ont un rôle d'avant-garde dans l'illustration des vérités de cette religion et l'explication de ses préceptes, tels que définis par le Prophète (QSSSL). C'est à eux que revient la mission d'éclairer les fidèles pour lever toute ambiguïté sur son explication et de la protéger contre la dénaturation des fanatiques et la mauvaise interprétation des ignorants. » Sans les citer nommément, le Président décoche des fléchettes en direction des « ignorants », comprendre les intégristes qui ont dénaturé le sens du message véhiculé par le Livre Saint. Il s'est fait fort de sérier un chapelet de versets Coraniques et de « Hadith » (les dits du Prophète) qui prônent « l'entraide, la fraternité et la réconciliation entre les hommes... ». Et de noter que « nous n'avons ménagé aucun effort en vue de mettre fin à la fitna qui s'est abattue sur les Algériens et qui a failli ébranler leur entité, n'étaient la providence et la miséricorde du Tout-Puissant qui a nourri l'affection entre les enfants du peuple ». Bouteflika assène, séance tenante, que « les Algériens ont tous adhéré à la paix, hormis ceux aveuglés par l'ignorance, la haine et la rancœur. Ceux-là mêmes qui point de clémence ne connaîtront ». Cela ne l'empêche pas, cependant, de puiser du saint Coran un substrat religieux à l'amnistie qu'il a décrétée pour les terroristes. « Pardonnez, car le pardon vous grandira davantage et passez outre les méfaits des pécheurs, Dieu vous prémunira de tout malheur. » A coups de sourates et Hadith, le président de la République a subtilement inséré sa charte pour la paix et la réconciliation nationale dans une dimension divine. Il suggère avec force de versets que sa mission est quasi sacerdotale. « Notre démarche de réconciliation nationale n'a pas été imposée par la force, mais proposée de la meilleure manière, déjà choisie par Dieu pour ses hommes », enchaîne-t-il. Bien qu'il ait reconnu que cela lui a coûté un « temps précieux » et un « effort laborieux » et que traduire la charte dans les faits n'a pas été chose aisée, Abdelaziz Bouteflika s'accorde un satisfecit en déclarant : « Grâce à Dieu nous avons triomphé. » Durant une heure, les représentants de toutes les wilayas qui étaient visiblement assommés de fatigue et dont certains sont tombés dans les bras de Morphée, toute l'équipe du gouvernement et les ambassadeurs des pays musulmans ont écouté religieusement le prêche présidentiel dans un silence de cathédrale. Même le général-major Mohamed Touati y a prêté une oreille attentive.