Durant la nuit du 24 au 25 juillet, le siège de l'inspection générale des services des Douanes, situé aux Pins maritimes, à Alger, a fait l'objet d'un vol des plus énigmatiques l Les responsables de l'institution minimisent le fait et parlent de disparition de deux micros portables et d'un écran seulement, alors que des sources internes affirment que d'importants dossiers d'enquête ont été dérobés. A peine une année après l'incendie suspect qui a ravagé deux dépôts du port d'Alger, l'un de marchandises en situation de contentieux judiciaire et l'autre de marchandises en instance de procédure de dédouanement, c'est au tour du siège de l'inspection générale de l'institution douanière, situé aux Pins maritimes, à Alger, de faire l'objet d'un «cambriolage ciblé», déclarent certains cadres douaniers. Selon ces derniers, «plusieurs micro-ordinateurs et des dossiers d'enquête ont été volés avec une facilité déconcertante» des chalets qui abritent les bureaux de l'inspection générale, durant la soirée du 24 juillet. Il s'agit de lourds dossiers liés aux enquêtes douanières, dont celle relative aux affaires d'évasion de devises et de détournement de recettes douanières. Parmi celles-ci figurent le dossier du détournement de près de 700 millions de dinars de la recette d'Oran, celui de l'incendie des dépôts des Douanes d'Alger-Port, du vol au dépôt de Sidi Moussa, mais aussi des affaires de fraude concernant les marchandises de contrefaçon du port sec de Rouiba et surtout celle ayant trait au dossier des faux titres de passage en douane délivrés au port d'Alger à de grosses cylindrées. Celles-ci, faut-il le rappeler, étaient admises temporairement en Algérie, en attendant leur réexportation qui ne se fera jamais. Elles seront revendues sur le marché national avec de faux papiers grâce à des réseaux de trafiquants, dont le dernier a été démantelé par les services de la Gendarmerie nationale à Chlef. Plusieurs personnes ont été interpellées et mises en détention provisoire. Parmi celles-ci, le fils d'un cadre dirigeant au niveau de la direction générale des Douanes. Tous ces dossiers, ajoutent nos interlocuteurs, devaient être remis incessamment à l'Office national de prévention et de la répression de la corruption (ONPRC). Faux, s'insurge l'inspecteur général, M. Mahreche, avec lequel nous nous sommes entretenus. «Il est vrai que les voleurs sont entrés par effraction dans les chalets qui abritent les 18 bureaux de l'inspection. Seuls deux micros portables et un écran ont été volés. Il ne s'agit donc pas d'un vol ciblé comme cela a été déclaré», révèle M. Mahreche. Et d'expliquer : «Quand le vol a eu lieu, nous avons demandé à tous les inspecteurs de vérifier ce qui leur manquait pour dresser une liste. Tous ont déclaré n'avoir rien perdu. Seuls deux ordinateurs portables, remis récemment aux enquêteurs pour servir à l'archivage des textes de loi, ont disparu ainsi qu'un écran. Ce qui prouve que les dossiers d'enquête n'intéressaient pas les auteurs du vol. Sachez que ces dossiers sont bien gardés dans des coffres-forts que chacun des enquêteurs détient. Cela étant, nous avons ouvert une enquête interne sur les circonstances exactes de cette intrusion et surtout sur la responsabilité des agents chargés de la sécurité des lieux. Le rapport va être remis au directeur général qui est seul habilité à porter l'affaire devant la justice.» Des propos rejetés catégoriquement par certains de ses collègues qui ont accepté de s'exprimer, mais sous le couvert de l'anonymat. Selon eux, «l'intrusion» dans les locaux de l'Inspection générale a été «menée par des professionnels de l'import-import, intéressés par le contenu des dossiers d'enquête. C'est exactement ce qui s'est passé au port d'Alger l'été dernier et que l'administration a voulu étouffer n'était l'intervention des services de sécurité», révèle un de nos interlocuteurs. En effet, et à titre de rappel, cette affaire d'incendie des dépôts des Douanes du port d'Alger, l'été dernier, suivi du vol de sept boîtes d'archives et de trois unités centrales de micro-ordinateurs du service contentieux de la même structure, avait fait couler beaucoup d'encre et suscité de lourdes interrogations, notamment la facilité avec laquelle les pyromanes et les voleurs ont accédé aux lieux censés être bien protégés. Quatre enquêtes ont été ouvertes, mais rien n'a filtré des conclusions, alors que du côté des services de sécurité, les auditions des cadres des Douanes ont duré des mois pour rester en suspens entre le tribunal et les enquêteurs. Peut-on croire que cette affaire de vol à l'inspection générale des Douanes n'a pas de lien avec celle qui a ciblé les services du contentieux au port d'Alger ? Difficile. Surtout lorsqu'on voit qu'aucune mesure de sécurité n'a été prise depuis l'été dernier pour éviter que des visiteurs malintentionnés ne franchissent le seuil des bureaux des Douanes.