Depuis que les flammes ont emporté la totalité de la marchandise entreposée dans deux dépôts du service contentieux des Douanes d'Alger-Port, dans la nuit de samedi à dimanche, quatre enquêtes ont été ouvertes. Une par l'Inspection générale des finances (IGF), une deuxième par l'Inspection générale des Douanes (IGD), une autre par la Cour des comptes et une quatrième par les services de police. Le point commun de toutes ces investigations, c'est qu'elles ont pour mission non pas de déterminer les auteurs de cet incendie criminel ou d'élucider le vol qui a ciblé, il y a deux semaines, le service des archives du contentieux, mais plutôt de trouver rapidement un «bouc émissaire» pour lui faire porter le chapeau. En effet, depuis hier, c'est le receveur d'Alger-Port (une femme), qui fait d'incessants va-et-vient entre ses bureaux et ceux de la police judiciaire, pour être entendue sur ce que les enquêteurs qualifient de «dilapidation» et non pas sur les circonstances qui ont aidé les pyromanes à accéder aux dépôts de marchandises et des archives du contentieux. Selon des sources proches de l'institution, les voleurs ont eu tout le temps nécessaire pour passer au peigne fin le mobilier du service des archives, certainement à la recherche de quelque chose qu'ils ont eu du mal à trouver, avant d'emporter sept boîtes d'archives et trois unités centrales de micro-ordinateurs. Cette «curieuse visite nocturne» n'a pourtant pas suscité l'intérêt des enquêteurs. Il aura fallu qu'un incendie, dans des circonstances suspectes, ravage toute la marchandise se trouvant dans deux des trois dépôts de l'enceinte portuaire pour que l'administration douanière et tous les services de contrôle se réveillent. Le plus surprenant dans cette affaire, c'est que ces derniers se braquent tous sur le receveur des Douanes, auquel il est reproché d'avoir laissé la marchandise dans les entrepôts. Pourtant le receveur, récemment nommé à ce poste (un peu plus d'une année) n'en est aucunement responsable, étant donné que les décisions de notification pour sa marchandise levée relèvent strictement du chef de l'inspection divisionnaire (CID) et du directeur régional d'Alger-Port. Mieux, les enquêteurs ne se sont pas intéressés à la grave et dangereuse décision prise, au début de l'incendie, par les responsables des Douanes du port : ouvrir les dépôts avant l'arrivée des agents de la Protection civile, sachant que certains d'entre eux contenaient des produits pyrotechniques. Ce qui remet sur le tapis le lourd problème lié à la nécessité de doter le port d'Alger d'un parc à feu pour les produits dits dangereux. De nombreux douaniers se demandent d'ailleurs si ces enquêtes ne sont pas ouvertes uniquement pour détourner l'attention sur les auteurs de cet incendie et du vol des archives. Pour eux, la sécurité des dépôts du port d'Alger relève de brigades qui, elles, dépendent du premier responsable du port, en l'occurrence le directeur régional. En tout état de cause, la police, après avoir entendu à plusieurs reprises le receveur, a convoqué le directeur régional. Selon des sources douanières, la première estimation du préjudice financier causé par cet incendie fait état de 750 millions de dinars (75 milliards de centimes). Il s'agit surtout de marchandises importées en attente de dédouanement ou faisant l'objet de contentieux judiciaire. Leur destruction, alors qu'elles étaient sous la responsabilité des services des Douanes, implique obligatoirement une indemnisation que le Trésor public aura à supporter. Pour nos interlocuteurs, cette affaire démontre la puissance dangereuse de la maffia de l'import-import et du blanchiment, notamment à travers ses relais au sein des institutions de l'Etat, à commencer par l'administration douanière. Aujourd'hui, seule une enquête sérieuse peut situer les responsabilités dans ce qui s'est passé au port d'Alger et surtout lever le voile sur ces réseaux maffieux qui prennent le risque de mettre le feu à des entrepôts bourrés de produits dangereux, au risque d'embraser l'enceinte portuaire….