Fuyant la guerre qui fait rage dans leur pays, des milliers de familles syriennes sont venues en Algérie. Après des semaines dans des hôtels et l'épuisement de leurs économies, certaines se sont regroupées au square Port-Saïd, à Alger, où elles vivent à la belle étoile avec la solidarité des passants mais également de leurs compatriotes qui sont en Algérie. Au-delà de la complexité de la situation et de la difficulté à connaître leur nombre, ces Syriens sont considérés, par les autorités algériennes, comme des «touristes» étant donné qu'ils sont entrés en Algérie en tant que tels. Murées dans le silence, elles restent frileuses face aux appels incessants pour l'ouverture d'un camp pour réfugiés. Du côté du HCR, «la situation n'est pas aussi alarmante». Selon une source proche de cette institution internationale, «à peine une centaine de Syriens, surtout des familles, se sont inscrits pour demander le statut de réfugiés depuis le début de l'année, dont une forte proportion ces dernières semaines». Pour expliquer cette situation, notre interlocuteur affirme : «Le nombre des inscrits n'est pas important pour plusieurs raisons. Peut-être parce qu'ils ont peur de la réaction de leur gouvernement ou parce que beaucoup d'entre eux utilisent l'Algérie comme pays de transit. Ils espèrent aller ailleurs, en Europe, alors qu'avec le statut de réfugiés ils ne peuvent être libres de leurs mouvements. D'autres préfèrent attendre quelques semaines ou quelques mois, le temps que la situation dans leur pays s'améliore. Enfin, il y a également le fait que le plus grand nombre de Syriens ne vit pas à Alger, mais à l'intérieur du pays. Faute d'information, ces derniers ne se sont pas déplacés à Alger pour s'inscrire au HCR. Néanmoins, un afflux massif n'est pas à écarter et l'Algérie va se trouver dans l'obligation d'installer un camp pour les réfugiés.» Notre source rappelle que le statut de réfugié nécessite l'accord du pays d'accueil. Dans le cas contraire, c'est le HCR qui aura pour tâche de chercher un autre pays qui accepte d'accueillir le réfugié. «Après inscription et vérification d'usage, le dossier du demandeur est transmis au gouvernement algérien. Ce qui a été fait pour quelques dizaines de Syriens, mais toujours pas de réponse à nos demandes.» Sur le terrain, quelques donateurs qui apportent leur aide aux familles massées au square Port-Saïd ont été surpris de leurs réactions : «J'ai mis à la disposition de l'un d'eux, dont l'épouse avait accouché, un appartement, mais il a refusé, préférant être avec ses compatriotes dans la rue.» Mieux, un homme d'affaires syrien, installé en Algérie, a proposé de prendre en charge (hébergement et restauration) 150 personnes durant tout le mois de Ramadhan, mais en vain. «Je ne sais pas pourquoi ils ne veulent plus de l'aide des autres et préfèrent rester dans la rue. De qui ou de quoi ont-ils peur ? Ont-ils reçu des directives ou des mots d'ordre pour ne pas accepter la solidarité des leurs ?», note l'homme d'affaires sous le couvert de l'anonymat. Contacté, un Syrien réfugié refuse catégoriquement de s'exprimer publiquement. Il nous demande de ne pas citer son nom. Selon lui, toute aide proposée par les hommes d'affaires syriens «n'est qu'un leurre». Raison pour laquelle «nous avons décidé de rejoindre le square Port-Saïd, pour être aux côtés de nos compatriotes. Nous ne pouvons plus payer de loyer ni manger à notre faim. Nous voulons qu'une solution soit trouvée pour que nos familles ne restent pas dans la rue durant ce Ramadhan». Est-ce une manière de pousser à l'installation d'un camp ? Nous n'en savons rien pour l'instant. Certaines sources parlent de mots d'ordre lancés par des Syriens aisés vivant en Algérie pour que les réfugiés se regroupent à Alger afin de faire plus de bruit. En tout état de cause, les Syriens ayant fui la guerre doivent trouver toute l'aide et l'assistance humanitaires nécessaires en Algérie. Un pays qui fait de la solidarité un principe immuable, traduit sur le terrain par la prise en charge de la population sahraouie à Tindouf, des ressortissants subsahariens dans les villes du Sud et, plus récemment, des familles maliennes ayant fui la guerre civile.