On veille tard à Souk Ahras, et les familles les plus casanières osent, par ces temps de grandes chaleurs, interrompre un feuilleton télévisé pour sortir prendre un bol d'air. Elles sont des dizaines à se regrouper non loin du pôle universitaire, au lieu-dit Fettouma Essouda, où un couloir naturel rend l'air rafraîchissant et moins humide. Les historiens en parlent et la tradition orale en fait l'éloge. Les premiers associent l'endroit avec l'essor de la tribu belliqueuse des H'nencha au milieu du XVIIIe siècle et la première partie du XIXe. Leurs chefs y installaient leurs tentes aux mois de juillet et août au milieu des deux grandes montagnes et emmenaient femmes et enfants pour mieux apprécier les sports équins et fuir la canicule des plaines. La littérature populaire en parle avec un brin d'affabulation et beaucoup de sensationnel. Il en est même ceux qui en font une histoire de djinn souffleur. Pour ceux qui s'y réfugient en ce mois de Ramadhan, l'heure est plutôt aux longues discussions autour d'un thé ou d'une boisson gazeuse, sinon c'est carrément le s'hour qui agrémente la soirée. Un groupe de jeunes rencontrés à proximité du lieu précité n'ont pas caché leur attachement à l'endroit. «C'est l'endroit idéal pour palabrer à propos d'un match de football ou pour se réunir autour d'un double-six, sinon ce sont les cafés bondés à craquer et les grandes sueurs», nous dit l'un d'eux. Pour l'aîné du groupe, le site qui n'est pas aménagé, doit faire l'objet d'un investissement pour ériger l'endroit en structure de loisirs. «J'ai eu vent du projet d'un parc d'attractions et d'une aire de jeux que l'on devait accorder à un promoteur national que l'on dit torpillé avant terme par les faiseurs de décision locaux», a-t-il rappelé. Les familles sortent aussi à Souk Ahras pour suivre de près les soirées musicales que la direction de la culture a prévues depuis la première semaine du mois de jeûne. Malouf, chaâbi, raï, hip-hop, chaoui et autres genres musicaux drainent des centaines de mélomanes à travers la majorité des communes de la wilaya, notamment le chef-lieu et Sedrata. Des artistes de l'envergure de Abderrahmane El Kobbi, Ayachi Dib, Kamel Asma, Cheb Yazid ou Cheba Yamina sont là pour plaider en faveur du déplacement de ces familles. Amor Manaâ, le directeur de la culture de la wilaya de Souk Ahras, nous livré ses objectifs : «Notre but principal à travers l'intensification des activités artistiques et culturelles est d'insuffler un sang nouveau au secteur par le biais d'une participation massive des troupes musicales locales et celles invitées dans le cadre de ce programme mensuel qui prendra fin la veille du 27e jour, lequel sera réservé exclusivement au genre aïssaoua.» Les soirées ramadhanesques à Souk Ahras sont aussi caractérisées par la frénésie des achats de l'Aïd ; une marée humaine déferle chaque soir des quatre coins de la wilaya pour faire la joie des commerçants, et c'est là une sortie familiale on ne peut plus onéreuse.