La littérature étant ce qu'elle est, que doit-être la critique ? Makhlouf Ameur(1) croit que « cette question habite les démarches les plus innocentes, celles qui croient ne pas la poser. Or il se peut que le parole que féconde et limite l'opération de la lecture soit, de toutes les paroles, celle qui témoigne le plus fidèlement de la nature des œuvres ». En fait, d'immenses problèmes sont aujourd'hui posés au critique littéraire. Ils demandent une analyse scientifique et multilatérale. Les uns exigent d'être replacés dans le contexte pus vaste des grands problèmes idéologiques de la culture contemporaine ; d'autres se rapportent à des cas déterminés de recherche ou d'expérimentation, et réclament des appréciations plus détaillées, des études collectives et pluridisciplinaires. Pour Makhlouf Ameur : « Il n'est pas permis de tuer l'esprit d'expérimentation artistique au nom de raisons idéologiques. Toutefois, il ne faudrait pas, non plus, au nom des mêmes raisons consentir à accepter les critères qui orientent vers une littérature d'impuissance intellectuelle. » En effet, la critique qui augmente les dimensions et la résonance intérieure des questions véritables sur la vie des hommes ne met pas en question le livre véritable, c'est-à-dire le livre qui a exigé de l'artiste un effort de tout son être pour donner une image exacte de la vie et de la société. Cela ne signifie nullement, d'après Makhlouf, que l'on doive exiger des romanciers ou des poètes de s'inspirer de schémas préconçus, de se borner à illustrer de façon plus ou moins artistique des thèses politiques déterminées. « Le poète ou le romancier n'est pas tenu de donner toute faite au lecteur la solution historique future des conflits sociaux qu'il décrit », écrit notre chercheur dans son ouvrage Des nouvelles et des grandes causes(2). Le roman, la poésie ou la pièce de théâtre sont une confrontation - de forme et de contenu - de la pensée et de l'imagination de l'écrivain avec tout ce que la vie lui fournit, comme matériau pour son œuvre. Ainsi, Makhlouf Ameur pense que le travail du critique est une confrontation double : avec le produit de la pensée et de l'imagination de l'écrivain qu'il étudie, avec ses intentions et leur exécution, d'une part, avec l'évolution des idées et des formes de la littérature qui se fait, d'autre part, dans des conditions économiques et sociales déterminées. Dans son livre Essais de critique littéraire(3), Makhlouf Ameur écrit : « Le chercheur en critique littéraire doit s'interroger sur la validité de ses démonstrations et de ses preuves, sur l'étendue de sa compétence, sur le caractère ‘'suffisant'' ou simplement ‘'nécessaire'' des conditions et du déterminisme mis en évidence, sur l'importance (au sein du tout) des corrélations établies ». Dans ce contexte, il reste indispensable d'apprécier la pertinence des résultats atteints, leur adéquation au texte étudié. La dépendance du critique s'aggrave du fait qu'il agit en quelque sorte sur le « canevas » de l'œuvre des autres. Dans ce cas précis, Makhlouf Ameur dit : « Nous devons partir de ce qui dans l'œuvre s'impose à nous. » Et que pense notre critique de la pérennité d'une œuvre ? « Une œuvre n'existe qu'autant que l'histoire l'institut comme un fait authentiquement artistique. Et sa vraie durée, ce n'est pas son origine qui la juge, mais la nature de son pouvoir dans la succession des temps. » Enfin, entre l'histoire et l'œuvre, il y a de nombreux relais, à commencer précisément par l'écriture. 1)- Critique littéraire et professeur de littérature arabe à l'université de Saïda 2)- Editions ENAL - Alger - 1983 3)- Editions UE arabes - Damas - 2003.