Huit mois après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'information prévoyant l'ouverture du champ audiovisuel, le ministère de la Communication n'a toujours pas élaboré d'avant-projet de loi sur l'audiovisuel. «Nous sommes en phase de réflexion. Un comité a été installé au niveau du ministère de la Communication depuis trois mois. Il est composé de professionnels et d'experts extérieurs. Seuls deux membres du comité représentent le ministère», a annoncé Saïd Chabani, conseiller au ministère de la Communication, mardi soir à la librairie Emir Abdelkader, espace du quotidien El Djazaïr News, à Alger, lors d'un débat sur l'audiovisuel en Algérie. Il a évoqué l'organisation par le département de Nacer Mehal d'un séminaire, en septembre prochain, sur le secteur audiovisuel. Une rencontre ouverte aux professionnels, aux producteurs et aux universitaires. «Nous voulons réfléchir à tous les problèmes liés au secteur audiovisuel, chercher des solutions et enrichir le prochain avant-projet de loi sur l'audiovisuel. C'est un couronnement du travail du comité», a-t-il précisé. Existe-t-il un délai pour la nouvelle loi sur l'audiovisuel ? «Je n'ai pas d'idée précise, mais ça ne sera pas en trois ans», a-t-il répondu. Pour Saïd Chabani, il n'y a pas de retard dans la prise en charge de ce dossier. «Commencer à appliquer une loi organique deux ou trois mois après, c'est une bonne moyenne. Le but du séminaire n'est pas de faire un tour de passe-passe ou de gagner du temps. Il n'est pas facile de faire une loi sans large débat. On ne va pas élaborer une loi, comme d'habitude, enfermé dans un bureau. Il n'y a pas d'arrière-pensée. Tout se fera dans la transparence. Jusqu'à maintenant, personne n'a dit qui a le droit ou qui n'a pas le droit de créer une télévision. Le pilier de l'ouverture audiovisuelle est l'existence d'une autorité de régulation. Cette autorité va veiller au respect de la réglementation», a-t-il expliqué. Il a indiqué que les chaînes qui diffusent actuellement via satellite – Echourouk TV, El Djazaïria et Ennahar TV – sont des chaînes de droit étranger «même si le contenu est algérien». Lahcen Djaballah, expert en communication, a, de son côté, estimé que la libération des ondes a tardé à venir : «Il faut aller aussi vite que possible dans l'ouverture en respectant certaines conditions et en élaborant des cahiers des charges. Il y a des bouleversements dans notre environnement immédiat. Actuellement, le public regarde des chaînes algériennes qui relèvent du droit étranger. L'ouverture s'est imposée de fait. C'est le retard enregistré dans cette ouverture qui peut provoquer des problèmes. Quid de ces chaînes, qui existent déjà et qui voudraient activer en Algérie, après la promulgation de la nouvelle loi sur l'audiovisuel ?» «L'audience n'est pas liée à une autorisation» «Pour s'imposer en Algérie, MBC 4 n'avait pas besoin d'autorisation. L'audience n'est pas liée à une autorisation. Plus vite les lois suivront, plus tôt on fera mieux, on formera plus, on donnera leur chance aux jeunes et les annonceurs croiront en nous», a déclaré Riadh Redjdal, l'un des fondateurs d'El Djazaïria. Il a estimé que «l'ouverture» actuelle a besoin d'encouragements et de monde derrière elle. «Ces nouvelles chaînes sont algériennes, regardées par des Algériens et parlent algérien. Elles traitent de sujets de proximité. Elles ont créé, sans exagérer, 1000 postes d'emploi en cinq mois. De la vraie richesse pour le pays. Nous arrivons sur un marché où il y a absence de matériel et manque de compétences. Il faut tout créer. Nous faisons confiance aux jeunes. Grâce aux critiques des téléspectateurs, nous essayons de nous améliorer. Mais, pour l'heure, nous sommes étrangers chez nous !», a-t-il souligné. Riadh Redjdal a rappelé qu'à leurs débuts, les écoles privées algériennes avaient existé sans loi. «Aujourd'hui, nous sommes entrain d'exister de la même manière. Nous croisons les doigts pour que les textes soient réajustés et que l'ouverture se fasse de manière moderne et élégante», a-t-il dit. «Nous avons souffert de la fermeture de l'audiovisuel pendant cinquante ans. Aujourd'hui, avec ou sans loi, des chaînes privées existent. Des Algériens y travaillent», a relevé, pour sa part, Rabah Khoudri, directeur de la production d'Echourouk TV. Il a précisé que juridiquement, Echourouk TV est installée en Jordanie. Ses journalistes algériens sont accrédités en tant que correspondants d'un média étranger. L'envoi de la matière se fait par FTP, via internet, pour diffusion satellite. Echourouk TV s'appuie, selon lui, sur un journal à grand tirage, ce qui lui permet de disposer de moyens matériels et humains et d'accéder aux annonceurs. Selon Rabah Khoudri, Echourouk TV accapare 48% de l'audience depuis le début du Ramadhan, d'après un sondage réalisé par le site Média News. Selon Karim Kardache, autre fondateur d'El Djazaïria, les Algériens ne regardaient ces dernières années que les chaînes du Maghreb et du Moyen-Orient. Il a cité MBC 4, n°1 en cinq ans en raison de la diffusion de feuilletons turcs doublés en arabe. «Je peux vous dire que ces trois à quatre derniers mois, les Algériens regardent les nouvelles chaînes algériennes. Nous sommes fiers d'avoir contribué à renverser la vapeur. Public et privé, nous avons amené les Algériens à regarder les programmes nationaux», a-t-il souhaité. Pour Lahcen Djaballah, la loi organique sur l'information doit être revue pour amender la disposition limitant l'ouverture du champ audiovisuel aux chaînes thématiques. «El Djazaïria, Echourouk TV et Ennahar TV sont des chaînes généralistes. Elles risquent de ne pas répondre aux cahiers des charges découlant de cette loi», a-t-il prévenu. Karim Kardache a relevé qu'il sera difficile de commercialiser l'espace publicitaire sur des chaînes thématiques, tel que voulu à travers la loi. «C'est perdu d'avance !», a-t-il dit, rappelant que les chaînes thématiques à l'étranger vivent de cartes d'abonnement et de subventions. «Ne me demandez pas de répondre aujourd'hui à la question sur les chaînes thématiques ! La loi a été votée par l'APN et le Sénat», a lancé le représentant du ministère de la Communication. «Ce n'est pas le Coran», a répliqué un universitaire présent dans la salle. Lahcen Djaballah a rappelé qu'au début des années 1990, après l'installation du Conseil supérieur à l'information (CSI), un travail a été engagé pour créer de nouvelles radios. «C'est à ce moment là que le CSI a été supprimé !», a-t-il dit. Il a plaidé pour des médias publics qui assurent réellement le service public. «Tous les services publics à l'étranger ont été boostés par l'arrivée du privé. Nous sommes en train d'apprendre», a noté Riadh Redjdal. Hmida Layachi, directeur d'El Djazaïr News, a regretté l'absence des représentants d'Ennahar TV et de l'ENTV du débat, malgré l'envoi d'invitations à y participer.