Des moudjahidine et pas des moindres — Me Ammar Bentoumi, Abdelhafidh Amokrane et autres, ainsi qu'un historien, le docteur Mohamed Lacen Zghibi — ont revisité hier, à l'occasion du forum hebdomadaire du quotidien El Moudjahid, deux événements majeurs de la guerre de Libération nationale : l'attaque du Nord-Constantinois le 20 Août 1955 et le Congrès de la Soummam qui a eu lieu à la même date une année plus tard. Ce fut l'occasion de reparler de grands hommes qui ont mené l'Algérie à l'indépendance. Evoquer leur bravoure, leur lutte, leurs sacrifices et leur amour sans faille pour leur pays s'avère en fait, 50 ans après le recouvrement de la souveraineté nationale, un acte de militantisme face à la bêtise et à la ténacité de ceux qui ont tenu à folkloriser l'événement. C'est le Dr Zghibi qui redonne, à juste titre d'ailleurs, la place qui sied à la plateforme de la Soummam. Réalisé par une dizaines de personnes dans une maison de 30 m2, le document est d'une grande valeur, toujours valable pour la construction d'un pays et d'une société, explique le conférencier avant de démontrer comment Ben M'hidi, Abane et Krim avaient même anticipé l'unité du Maghreb. C'est «tout simplement grandiose», soutient l'historien en affirmant que le Congrès de la Soummam avait structuré militairement et politiquement la Révolution. Me Bentoumi, qui a fréquenté de près ces grandes figures de la guerre de Libération nationale, est revenu longuement sur le parcours de l'architecte du Congrès du 20 Août 1956. Le moudjahid et avocat s'interroge toujours sur l'incroyable coïncidence qui avait fait que la plupart des artisans de la libération du pays se rencontrent, en 1939, au collège colonial de Blida, dans la même classe : Abane Ramdane né à Azouza en Kabylie, Benyoucef Benkheda né à Berrouaghia, Saâd Dahleb né à Ksar Chellala, M'hammed Yazid, Ali Boumendjel et Lamine Debaghine qui était leur maître d'internat. C'est «un événement unique», dit Me Bentoumi qui raconte l'enfant de Azouza avec beaucoup de fierté. Abane Ramdane a été chargé, selon lui, de lancer l'Organisation spéciale dans la wilaya de Sétif. Il a été arrêté en 1950 après des informations fournies par un de ses militants, arrêté par les autorités coloniales. L'architecte de la Soummam a été, selon l'orateur, torturé pendant 40 jours avant d'être condamné à une peine de 6 ans. Il a été transféré dans cinq prisons différentes, avant d'être emmené en Alsace, où il bénéficiera d'une grâce d'une année. C'est là-bas, indique Me Bentoumi, que Abane Ramdane, chargé de gérer la bibliothèque de la prison, tombe sur un document laissé par un ancien prisonnier irlandais sur la révolution irlandaise. A sa sortie de prison, l'architecte de la Soummam repart dans son village natal, Azouza, à Larbaâ Nath Irathen. Après l'arrestation de Rabah Bitat à Alger, souligne l'invité du forum d'El Moudjahid, Krim Belkacem fait appel à lui pour prendre la direction de la zone autonome. Le premier tract qu'il diffusera à Alger fera l'objet d'une réunion spéciale du gouvernement général. C'est à Alger que Abane rencontre Ben M'hidi, qui présidera les assises de la Soummam. Ils sont «les deux faces de la même médaille, inséparables», soutient Me Bentoumi. Il y avait une grande entente entre les deux architectes de la Révolution, précise le conférencier. Selon lui, on ne parle pas assez du rôle du Congrès de la Soummam. On évoque l'aspect politique, mais moins son programme organique qui a mené à l'indépendance de l'Algérie. Le moudjahid, qui regrette le fait que la jeunesse ne connaisse pas ces héros, a raconté aussi le parcours de Zighoud Youcef, l'organisateur et l'artisan de l'attaque contre le colonialisme français dans le Nord-Constantinois, le 20 Août 1955. C'est cet événement, indique-t-il, qui a redonné du souffle à la guerre de Libération nationale, déclenchée en 1954. Zighoud Youcef a complètement changé la donne en sortant la lutte contre le colonialisme de la nuit au jour, en cela qu'il avait lancé l'offensive en plein jour, faisant participer la population. Il ne faut pas qu'on oublie ces héros, on doit en faire des repères et des exemples pour notre jeunesse, affirme Me Bentoumi, qui a saisi l'occasion pour revenir sur le livre de Ali Kafi qui avait traité Abane de «traître». «Je l'ai attaqué, lui, et la maison qui a édité son livre», souligne le conférencier avant de préciser que M. Kafi a fini pas revenir sur ses propos. Abdelhafidh Amokrane, lui aussi ancien moudjahid, qui a assisté aux travaux de la Soummam, rappellera les acteurs de ce congrès, ses architectes, ses organisateurs. Il a évoqué les héros de la guerre de Libération : le colonel Amirouche, Krim Belkacem, Larbi Ben M'hidi, Bentobal, Zighoud Youcef, et plaidé pour l'enseignement de la plateforme de la Soummam à l'école.