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Something's got to give (Georges Cukor, 1962)
A la recherche des films perdus
Publié dans El Watan le 17 - 08 - 2012

Le cinéma regorge de ces films censurés, traficotés et parfois perdus dans des caves souterraines où la lumière de la pellicule est restée de marbre. Cet été, retrouvez chaque semaine notre feuilleton sur ces films qui continuent de susciter des mystères et dont les histoires tristes et rocambolesques démontrent qu'il est toujours possible, en 2012, de croire en l'innocence du 7e art.
Belle. Elle l'a toujours été. Blonde platine, taille longiligne et visage marqué par le temps qui passe. Dans ce plan, elle discute avec Dean Martin, crooner et acteur immense. Quelques soupirs, beaucoup de silence et très peu de mots dans cet échange. Puis trois lettres identiques qui se suivent, trois points de suspension qui donnent à cette conversation un apaisement caractérisé. «Mmm…» sera le dernier mot cinématographique de l'actrice Marylin Monroe. Un film qui, paradoxalement, ne bénéficiera d'aucune distribution. La raison ? Décès de l'actrice principale, survenu après des mois de tracasseries, de sentiments enfouis et de douleurs muettes.
Elle n'avait que 36 ans, et cela fait un demi-siècle que Something's got to give traîne dans sa filmographie comme l'ultime oeuvre d'une carrière assez remplie. Un semblant de film qui existe pourtant à travers le net. Trente-sept minutes où le fantôme de la baby doll du cinéma US revient prendre la place qu'elle continue d'occuper dans les raisons du cœur : la première ! Au début, il ne voulait pas. La trouvant antipathique, il ne voulait plus travailler avec cette fantasque mais instable Monroe. Lui, c'est George Cukor, réalisateur hollywoodien, amateur de comédies et savoureux peintre du visage féminin. Puis la Fox intervient. Cukor finit par se taire. Monroe peut donc faire irruption sur ce tournage où s'entremêleront une voix d'outre-tombe (Dean Martin), de jolies jambes (Cyd Charisse) et un fantasme en la personne de Marilyn Monroe.
Du rêve
Le rideau est levé, Cukor clame un vigoureux «Action» et la caméra de William H. Daniels fera le reste. Something's got to give (Quelque chose doit craquer en VF) est un remake de Mon épouse favorite de Garson Kanin. Cukor a vu le film dans les années 40. C'est son dada, la comédie du remariage, lui qui a toujours su exceller dans les désagrégations de couples pour finalement les faire rabibocher. C'est du rêve, et l'année 1962 en a bien besoin. Triste année où une troisième guerre mondiale sera évitée (crise de Cuba) et où le Vietnam deviendra le fardeau des USA. Mais c'est une autre histoire.
Celle de Something's got to give est plus légère, scénarisée entre autres par Nunnally Johnson, un habitué des situations douces-amères (L'histoire du film voit une femme, supposée décédée, revenir dans son domicile familial pour y découvrir que son mari a refait sa vie). Donc on va rire tout en versant discrètement quelques larmes. La vie de Marilyn en somme. Ce que Cukor redoutait en travaillant de nouveau avec Monroe (après Le Milliardaire, après la liaison avec Yves Montand), se reproduit rapidement. Trente jours de tournage et absences répétées de l'actrice.
Incontrôlable
Toujours en retard, incapable de se souvenir de son texte et la tête bourrée de médoc et autres substances. Très vite, on prévient la Fox que Monroe est devenue incontrôlable. La sentence tombe : elle est renvoyée. Kim Novak et Shirley MacLaine seront approchées pour remplacer la star, elles refuseront. La jeune Lee Remick, toujours aux aguets, accepte de relever le défi. Attitude qui déplaît à Dean Martin. Il décide de claquer la porte du studio. Solidarité masculine. Geste noble. Pendant ce temps, Marylin Monroe fait suivre, par voie de presse, qu'elle n'est en rien responsable de ce licenciement qu'elle qualifie d'abusif et s'en prend violemment à la Fox. Avalanche de procès, des sommes d'argent seront réclamées. Dean Martin aura cette réponse passée à la postérité : «No Marilyn, no picture !» Puis, les esprits s'apaisent. On rappelle Monroe, on la calme puis on lui confie un stylo. Elle doit signer un nouveau contrat… entièrement renégocié.
Le tournage peut donc reprendre. Cukor sera remplacé par Jean Negulesco avec qui Marilyn avait déjà travaillé (Comment épouser un millionnaire ?, 1953). Reemick est invitée à repartir et la caméra impatiente de Daniels peut reprendre du service. Dean Martin appelle Monroe, la cajole et lui lance : «Nous avons gagné. On se voit après les vacances… sur le tournage. Je suis content.» Il ne la reverra plus. Marilyn Monroe décédera dans la nuit du 4 au 5 août 1962. Que reste-t-il du film ? 500 minutes de rushs. Récemment, en fouillant dans les archives de la Fox, on trouve des bobines. L'idée est lancée : le film doit être monté même s'il sera inachevé. Résultat : Something's got to give est disponible sur le net. 37 minutes. C'est peu. Oui ! Mais à moitié perdu ! Peut-être qu'un jour, une autre personne aura l'idée de remonter une autre version.


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