Le coup de lancement de la 6e édition de la Fête du bijou a été donné, jeudi dernier, à Ath Yenni (à 40 km au sud-est de Tizi Ouzou) en présence des ministres de l'Artisanat et de l'Habitat ainsi que des autorités locales. Cette reprise vient après une éclipse forcée, de 2001 à 2003, qui a accentué le marasme économique de la région. Venus de 14 wilayas, ce sont près de 70 exposants dont 40 bijoutiers qui occuperont les stands jusqu'au 6 août prochain. Cette manifestation, que l'on présente comme un carrefour de l'artisanat, réussira-t-elle à faire redorer le blason d'une localité autrefois connue et reconnue pour son savoir-faire en orfèvrerie, son accueil et son prestige touristique ? Les organisateurs l'espèrent. L'orfèvrerie Après le cérémonial d'ouverture, les deux ministres se sont entretenus avec nombre de joailliers qui leur ont exprimé leurs mécontentement et leur angoisse face au déclin de la profession. Un bijoutier explique que « (leur) corporation exsangue est folklorisée et souffre de la rareté et de la cherté de la matière première (un gramme d'argent coûte près de 23 dinars) ». « Le manque de corail nous pousse à nous approvisionner au marché noir, au prix de 120 000 DA le kilogramme », ajoute-t-il. Un autre artisan observe que « même l'outillage manque sur le marché et une simple pince coûte plus de 2000 DA ». A propos du manque d'exposants, nos vis-à-vis répondent que « l'information concernant ce type de manifestation est mal relayée au sein des bijoutiers ». Lors de son allocution, le maire de Beni Yenni a insisté sur l'urgence « de consacrer plus d'aide en matière d'encadrement, de financement de projets professionnels », demandant un plan spécial pour l'artisanat de la bijouterie locale. Quant au ministre de l'Artisanat, il s'est dit attentif à ces doléances, annonçant la mise en place d'un plan national pour la relance de l'artisanat, doté d'une enveloppe de 4,2 milliards de dinars ; tout comme sont au programme une trentaine de maisons de l'artisanat (dont une douzaine en cours d'achèvement), 5 musées de l'art traditionnel et des métiers artisanaux ainsi que plusieurs centres de documentation. L'artisanat, un authentique art Cette intervention a fait réagir un artisan qui nous déclare « avoir l'habitude de tels discours sans lendemain, nous ne croyons plus aux promesses des pouvoirs publics car ils restent inactifs le long de l'année et viennent tout sourire, lors des cérémonies nous annoncer des chiffres virtuels ». Ahmed, un jeune ciseleur d'argent, nous montre tafzimt, le bijou mascotte de cette fête. L'énorme joyau de près de 1,4 kg est affiché à 80 000 DA et a nécessité 25 jours de travail minutieux. Issu d'une famille de bijoutiers de père en fils à Beni Yenni, l'artisan précise que « récemment, nous sommes restés un mois sans matière première », ajoutant que l'émail (poudre luisante pour sertir les bijoux) est aussi rare. « Celle que nous utilisons vient de Limoges en France et coûte 23 DA le gramme. » Il jette la pierre à l'Agence nationale de transformation et de distribution de l'or et des métaux précieux (Agenor) qui distribue mal l'argent. L'agence s'en défend et récuse les accusations des bijoutiers. Le responsables des foires au sein de cet organisme affirme que « Nous sommes une société par actions qui vit parfois des manques de trésorerie, ce qui nous empêche de passer commande à nos fournisseurs étrangers, (France et Suisse) et nous cause du retard dans l'approvisionnement de nos clients ». Les artisans disent ployer sous les charges et les taxes qui ne correspondent pas à leur activité. Ironique, l'un d'eux lance : « Signe des temps, la fantaisie et le toc se vendent mieux que nos bijoux artisanaux. Comment alors investir dans la qualité, l'innovation et le savoir-faire ? » Il conclut sur l'urgence d'une politique de réhabilitation et de promotion de l'artisanat, regrettant « les années 1980 où deux bus de touristes visitaient Ath Yenni et effectuaient des gros achats. En ce temps, la profession comptait 400 artisans, à présent, nous ne sommes que 80 rescapés ».