Une fastidieuse cérémonie a été organisée, hier, à la Cour suprême, pour installer la Commission nationale de supervision des élections (CNSE). Son président, Slimane Boudi, qui peine à convaincre de la crédibilité de sa mission, parle de véritable examen pour la fiabilité de la justice et insiste sur la neutralité et l'indépendance des magistrats, mais aussi sur la responsabilité qui leur incombe. Il a beau être sincère et dévoué, Slimane Boudi aura du mal à convaincre d'une réelle volonté pour la tenue d'un scrutin transparent. Les quelques représentants de partis politiques ayant été invités, hier, à la cérémonie de l'installation de la CNSE chargée de la supervision du scrutin prévu le 29 novembre prochain, n'ont pas caché leur pessimisme. Légitime, si l'on prend en considération l'expérience de la CNSE lors du scrutin législatif du mois de mai dernier. L'on se rappelle que celle-ci avait élaboré un rapport détaillé sur toutes les étapes de l'opération électorale, depuis la révision des listes jusqu'à la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel en passant par le vote, le dépouillement des bulletins et la validation des résultats. De nombreuses violations à la loi électorale ont été observées par les sous-commissions des 48 wilayas et devaient être notifiées dans un rapport final. Le contenu, personne ne le connaît, à part le président de la CNSE et le président de la République auquel il est destiné. Sa publication aurait pu renforcer le principe de transparence qui régit toute opération électorale, mais aussi légitimer et surtout crédibiliser le travail des 311 magistrats désignés par le président de la République pour veiller au strict respect de la loi électorale. Hier, une cérémonie des plus fastidieuses était organisée au siège de la Cour suprême pour officialiser l'installation de la CNSE. Les invités étaient très nombreux. Des chefs de partis politiques, dont quelques-uns seulement étaient présents (beaucoup d'autres ont dépêché des représentants), jusqu'aux membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), des cadres supérieurs de l'Etat de différents ministères et trois ministres : Mohamed Charfi (Justice), Daho Ould Kablia (Intérieur) et Mohand Oussaïd Belaïd (Communication). Devant ce parterre, M. Boudi a lu une longue allocution axée principalement sur le rôle de la commission qu'il dirige, présentée comme «vaillante gardienne des voix des citoyens et citoyennes». Il sait que sa mission «est un véritable examen pour la crédibilité de la justice et une occasion pour le renforcement de son rôle vital dans l'ancrage (…) des droits politiques», mais il insiste sur «la neutralité et l'indépendance» des magistrats et sur «l'importance de la responsabilité» qui leur incombe. Il précise toutefois que les juges «ne ménageront aucun effort pour réaliser l'objectif escompté conformément au devoir de réserve, d'intégrité et de loyauté aux principes de la justice». M. Boudi termine en invitant la nombreuse assistance à une collation «afin de permettre aux trois ministres de quitter la salle». Visiblement, il veut à tout prix donner une autre image de la supervision du scrutin que celle, un peu ternie, laissée par la commission ayant observé les législatives. Pendant un moment, M. Boudi évite les journalistes mais finit par répondre à leurs questions. Au sujet de sa mission de supervision des élections de mai 2012, il déclare qu'il avait «mené sa mission conformément à la loi et avait tranché nombre de recours introduits». Il précise que le nombre des magistrats au sein de la nouvelle commission n'est pas aussi important que celui de l'ancienne composante (316 magistrats) «puisque pour les locales il n'y aura pas de commissions dans les circonscriptions à l'étranger». Et de souligner que «la majorité des magistrats membres de la commission ont une expérience avérée car ayant participé à la supervision des législatives (…) dans le cas où la nécessité l'impose, nous ferons appel à d'autres magistrats ou au personnel du greffe pour nous aider». Pour M. Boudi, la mobilisation de ce nombre important de magistrats «n'aura pas d'impact» sur le traitement des affaires en justice, parce qu'«ils veilleront à concilier les deux missions». Il rejette catégoriquement les accusations, «infondées», dit-il, de manque d'indépendance des magistrats et lance : «La commission est indépendante et prend les décisions en toute souveraineté et sur consensus.» Sur quelle base peut-il tenir une telle affirmation sachant que les comptes rendus et les recommandations sur le déroulement des législatives de mai dernier restent toujours frappés du sceau de la confidentialité, suscitant les critiques les plus acerbes de la classe politique et de la société civile ?