Versant sud-ouest de l'Atlas tellien, promenade au gré des pistes ouvertes récemment et incursions dans les sentiers percés par les grosses bêtes et les bergers. Chêne-liège, figuier de Barbarie, olivier, pins nains et quelques singes magots sont la seule décoration d'un relief où le silence impose quasiment le respect. Longtemps l'apanage des groupes armés, les montagnes au-dessus de Bou Arfa se réveillent lentement à la présence de l'homme. Deux bulls travaillent à l'ouverture de pistes, de tranchées pare-feu, d'aménagement de pistes, de réfection de banquettes, et des familles reviennent dans leurs terres. « Ce n'est pas pour passer la nuit mais les hommes travaillent leurs terres et demandent l'élargissement des petits sentiers qui mènent à leurs propriétés », dira M. Rabah, notre guide. Sans lui, nous nous serions perdus ou passés à côté de curiosités locales. Maâdène (source), Braghta, Mahbousse, Azib, Bounedhaf, Tabarente : des noms de lieux-dits où le travail des services de la Conservation des forêts pour la wilaya de Blida demeure concret, permanent et suscitant l'admiration de tous. Aucune trace de citadin à travers les sacs en plastique, les mégots, les boîtes de tabac à chiquer ; rien qui rappelle le quotidien de l'homme : la nature dans sa plénitude. Ammi Rabah - surnommé « Dawla » pour sa connaissance de tout le monde - n'a cessé durant la randonnée de donner des conseils sur la manière de respirer, afin de tirer le maximum de profit de cet air si cher et si rare à la ville. Des vergers disséminés à travers le parcours, et qu'annonçait Ammi Rabah bien avant l'arrivée, s'apercevaient des silhouettes qui levaient le bras en signe de salut avant de recourber l'échine sur la besogne. « Nous ne tirons guère de gros profits de cette terre mais l'amour qu'on lui porte nous fait revenir », dira encore Ammi Rabah qui espère qu'avec davantage d'ouverture de pistes, les montagnards repeupleront cet immense espace. « Pas de danger de pollution », affirmera-t-il avant de poursuivre : « Au plus fort d'une éventuelle expansion du tourisme local, la nature fixera des limites physiques. » Il était loin de se douter des énormes possibilités qui s'offrent à l'homme à travers les engins. Une eau limpide sort d'un feuillage cachant à la vue d'énormes rochers : c'est l'eau de l'oued Asselgou avec un fort débit et qui replonge dans les méandres des sentiers jusqu'à la plaine et qui ruissellera jusqu'au centre de Hay Driouech. Le secrétaire général de la commune de Bou Arfa, rencontré au retour, parlera d'une future retenue collinaire et insistera sur l'investissement privé : « Notre commune manque cruellement de moyens et l'essor du tourisme dans cet endroit pourra faire rivaliser la région avec Chréa. » Optimiste en comptant sur l'initiative privée et les moyens des services des forêts. En attendant, aucune indication même avec des supports en papier pour les pistes ouvertes. Des croisements menant vers Sidi Fodhil, Baba Moussa, Sidi Salem ne portent pas d'indication et le promeneur s'y perdra facilement. Des bancs en bois épousant la nature, des parcours pédestres, des aménagements simples font cruellement défaut. Pouvoir admirer les vues panoramiques au détour d'un chemin, marquer une halte vivifiante exigent un minimum dont ne dispose pas la commune marquée par une léthargie quasiment légendaire. Imaginer des randonnées en VTT, instituer des aires de jeux pour les enfants, former des animateurs pour les week-end, implanter des chevaux pour les promenades des enfants, aménager des parcours pour le footing : des actions qui n'exigent pas de moyens et les procès-verbaux de délibérations n'auraient presque pas une raison d'exister. Crottes de chèvres et moutons toutes fraîches nous laissent deviner la présence pas si lointaine d'un troupeau : nous sommes à un détour et l'échange qu'aura « Dawla » avec le jeune berger laisse deviner l'immense popularité dont jouit ce dernier. « Nous échangeons des informations et cela permet de garder le lien. » Beaucoup de ces personnes ont bénéficié de dons du ministère de l'Agriculture dans le cadre du Fonds d'aide à l'agriculture (FNDA) et les chemins de pâturage sont renforcés par les travaux de gabionnage entrepris par les services des forêts. Fixation des berges sur une longueur de 20 ha, corrections torrentielles et aménagement de pistes sur 24 km associés à la réfection des banquettes sur 50 ha sont, entre autres, les tâches accomplies par une présence sur le terrain de techniciens des forêts qui mettent également en pratique les projets de proximité de développement rural. Hommes, cheptel et vergers sont leur priorité ! 720 familles sont recensées uniquement dans la région de la commune de Bou Arfa et chacun espère un retour en force de la vie en ces coins non pas reculés mais ignorés par la faute de tous.