Le revenu annuel engrangé par un propriétaire louant en moyenne trois locaux est estimé ici à 500 millions de centimes. Samedi. Journée d'affluence à Semmar. Pour l'observateur, ce mouvement incessant de véhicules n'est pas occasionné par l'activité de la zone industrielle qui se meurt, mais par le commerce de gros qui devient de plus en plus prospère. Sans répit, les artères défoncées et détériorées menant vers des lotissements, offrant une apparence de pauvreté, sont sillonnées par des fourgons et des camions venus de différentes wilayas pour s'approvisionner auprès des grossistes spécialisés dans l'agroalimentaire. A Haï Ennour, comme à la cité Hayat, l'on est stupéfiés par le nombre effarant de véhicules stationnés au pied des habitations dégageant une image d'inachevé et dépourvues de style architectural. Le rez-de-chaussée abrite des réduits qui font office de locaux loués à raison de 150 000 dinars le mois. D'après M. Malek, enseignant à la retraite résidant dans la commune, il suffit de posséder une parcelle de terrain à Semmar pour faire partie du cercle des fortunés. «Ce sont les importateurs qui proposent le financement d'une construction. Le remboursement est calculé sur la base d'une défalcation retenue à partir du montant des locations mensuelles, étalées sur une échéance. Une année de location est suffisante pour couvrir les dettes contractées à la construction. En échange, ils se réservent moyennant une somme en guise de location, les remises aménagées au rez-de-chaussée pour y exercer leur activité. Le revenu annuel engrangé par un propriétaire louant en moyenne trois locaux est estimé ici à 500 millions de centimes. On a de quoi applaudir les initiateurs d'une politique sociale ayant prouvé les prouesses de certains représentants du gouvernement !», a-t-il indiqué, usant d'un ton plein d'ironie. Renseignement pris, un terrain nu, situé à Haï Ennour et qui venait d'être déblayé, a provoqué une surenchère dans le cercle des grossistes. «De toutes les manières, le détenteur de ce lot terrain qui vient d'être déblayé ne s'entendra qu'avec le plus offrant. Donc, ‘‘yekhroudj melgherka'' (il comptera parmi les riches)», a renchéri un commerçant en détail venu se ravitailler à Semmar. Malgré les panneaux interdisant l'accès aux véhicules lourds, l'afflux des camions n'a pas été altéré. Les diverses marchandises destinées à remplir le ventre des Algérois continuent d'être acheminées régulièrement vers les magasins des grossistes de Semmar. Dans un bruit assourdissant, des fourgons suivis de camionnettes bien chargées quittent en trombe l'aire de stationnement en soulevant un nuage de poussière. Juste après, trois autres véhicules arrivent et occupent la place libérée à quelques pas du portail métallique qui s'ouvre sur un local au plafond haut. Des rangées de cartons, contenant les divers produits, occupent une bonne partie de l'espace intérieur. Des sacs de légumes secs y sont aussi entassés. Un passage étroit se fraie entre les rangées et permet aux manutentionnaires de se déplacer. Le fond de la remise est occupé par le bureau du grossiste. Dans un froufrou, le compteur automatique de billets de banque est actionné sitôt le bon de commande remis au client. En 2005, le chiffre d'affaires relatif au commerce de gros a été estimé à 100 milliards par jour, apprend-on. «A Semmar, le commerce de gros est devenu florissant. Le chiffre d'affaires atteint facilement les 200 milliards par jour», a estimé un client, gérant une épicerie. Un manutentionnaire avec qui nous avons engagé une discussion s'est révélé prolixe. «Il faut se présenter le soir pour assister au déchargement des semi-remorques. Mais pour moi, une journée chargée me rapporte à peine 1000 dinars. Les autres jours, on arrive à peine à empocher les 700 dinars. C'est maigre pour un père de famille ayant trois enfants à sa charge. Les grossistes nous exploitent», a avoué ce magasinier. Les grossistes, eux, font entendre un autre son de cloche. «Les autorités ont tenté de nous transférer vers le marché de gros d'El Harrach qui dispose de 120 locaux. C'est peu pour le nombre de grossistes qui atteint les 1500 à Semmar. De plus, les locaux sont exigus et l'accès y est difficile. Ajoutons à cela le manque de sécurité. Cette opération a été manigancée par certains qui veulent en tirer profit. Un directeur des impôts a chargé ses rabatteurs pour proposer huit locaux situés au marché de gros d'El Harrach, et dont le prix est fixé à 2 milliards l'un», a révélé ce commerçant. *Titre emprunté à Emile Zola (Le ventre de Paris, ed Fasquelle).