Sorte de caverne d'Ali Baba, le marché de gros de Semmar est le rendez-vous incontournable des commerçants. Considérée comme la Mecque du marché de gros, la ville de Semmar n'a pas volé sa réputation de «garde-manger de toute l'Algérie». Des centaines de camionneurs y transitent quotidiennement pour s'approvisionner en produits de large consommation et divers autres articles. Certains viennent de loin, à l'image de ce commerçant de Bordj Bou Arréridj qui, au volant de son véhicule, un camion de 10 tonnes, attend avec impatience son tour pour être servi. Pourquoi tout ce trajet alors qu'il aurait été plus simple de se rendre à Sétif, ville située à quelques encablures seulement d'El Bordj? «Je viens régulièrement à Semmar parce qu'on y trouve de tout et les prix sont très attractifs et plus bas que ceux affichés dans d'autres marchés», nous dit-il, le sourire aux lèvres. Sorte de caverne d'Ali Baba, le marché de gros de Semmar est le rendez-vous incontournable des commerçants. Dès qu'on arrive à proximité de la cité Haï Sabahi Chrif, on est frappé de stupeur à la vue de ces files ininterrompues de camions et de tous ces hangars transformés en points de vente, où clients et marchandises se disputent l'espace. Ceux spécialisés dans la vente de produits de première nécessité sont assaillis de toutes parts et les gérants ont moult difficultés à faire régner l'ordre. Comme dans une mercuriale, on a du mal à se faire entendre et le bruit de moteurs des camions complique davantage la tâche. Premier dépôt visité, un magasin où sont exposés essentiellement les bidons d'huile d'un et de cinq litres et quelques produits tels le café et la tomate en conserve. Les prix ne sont pas affichés. Pas besoin de le faire car les clients sont des habitués et les transactions se font souvent par téléphone. Lorsqu'ils arrivent, leur marchandise est déjà prête et c'est dans la discrétion la plus totale, à l'arrière-boutique, qu'ils s'acquittent de la facture. Point de chèque, la vente s'effectue au comptant. Aussi, lorsque nous nous présentons, le grossiste se montre d'abord méfiant, puis après nous avoir longuement dévisagé, a accepté de répondre à nos questions. Le prix du bidon d'huile? «Nous avons acheté la bonbonne d'huile de cinq litres auprès du dépositaire à 530 dinars et la revendons à 550 dinars, soit 110 dinars le litre». Selon les mesures arrêtées par le gouvernement, le litre d'huile est fixé officiellement à cent vingt dinars. Or la plupart des commerçants de gros l'auraient achetée au lendemain de la flambée des prix sur le marché à 120 dinars le litre. Est-ce l'Etat ou le dépositaire qui va supporter la différence? «J'ai en stock de l'huile que j'avais achetée à 125 dinars le litre. Le distributeur a recensé le stock en question et a promis de me reverser la différence que j'attends toujours», ajoute le même commerçant. Il n'est pas le seul. Bon nombre, comme lui, vivent le même problème et espèrent être bientôt dédommagés. «J'avais 1000 litres d'huile en dépôt que j'ai écoulés au tarif imposé par le gouvernement, je n'ai pas encore été régularisé». Un rapide calcul fait ressortir que ce grossiste aurait perdu 20.000 dinars! Une bagatelle lorsqu'on sait que ces nouveaux riches comme les appellent certains, brassent des milliards et les bénéfices qu'ils réalisent sont nettement plus importants et se chiffrent, parfois, à des centaines de millions de dinars mensuellement, particulièrement ceux qui possèdent plusieurs magasins. Il n'empêche que, si des commerçants ont accepté volontiers de nous ouvrir les portes de leurs commerces, quelques-uns ont refusé de parler arguant que le patron n'était pas là et qu'il fallait repasser un autre jour pour le rencontrer. La raison est pourtant toute simple, ces grossistes continuent d'écouler certains produits à des prix supérieurs à ceux imposés au lendemain de la flambée des prix du sucre et de l'huile sur le marché. Lorsque nous avons voulu savoir le pourquoi de ces fluctuations des prix, ils ont vite trouvé la parade: «Il y a plusieurs catégories d'huile, donc plusieurs qualités, c'est normal qu'il y ait plusieurs prix.» 750 dinars, c'est le prix auquel est vendu le bidon d'huile d'une marque qui a fait couler beaucoup d'encre ces dernières semaines. Le tout est de savoir, maintenant, à quel prix sera cédée la bobonne de cinq litres une fois sur le marché de détail? C'est le cas, aussi, de la boîte de tomate ½ kg qui avoisine les quatre-vingts dinars! Réponse du vendeur: «Cette marque est de qualité supérieure». Un leurre car ce produit est fabriqué dans nos usines et rien ne semble justifier cette hausse. Et le sucre dans tout cela? Il est disponible en vrac ou en morceaux, mais seul un grossiste a voulu nous entretenir sur le sujet. «Comme vous pouvez le constater, mon magasin vend essentiellement du sucre. Son prix? 76 dinars le kg». A la question de savoir s'il avait du sucre en stock et si oui, comment allait-il être remboursé, ce dernier nous dit qu'il est nouveau et qu'il n'est pas touché par ces mesures. Sur le marché, le kilogramme de sucre est proposé à 90 dinars, soit une différence de 14 dinars. Curieusement, ni les grossistes, ni les détaillants ne veulent donner le prix réel du kilogramme de sucre à l'achat. Les uns comme les autres se plaignent du fait qu'on ne leur aurait pas délivré de factures, du moins, concernant certains articles. Ce qui explique ces écarts de prix du sucre relevés au niveau de certains magasins de détail, qui le cèdent à 85 dinars le kg et parfois même à 80 dinars. Il demeure, bien entendu, que la facture ce sont toujours le consommateur et l'Etat qui la paient, au prix fort.