Evoquer la « Galerie Lafayette » est synonyme d'opulence, d'aisance, de gaieté ; couleurs chatoyantes, miroirs et glaces viendraient à l'esprit de nostalgiques de temps révolus ! A Blida, le marché arabe ou marché Lafayette évoquait toutes les senteurs de plantes cueillies au piémont et remplissant les étalages dès l'aube ; les fromages du terroir, les huiles, les fruits étaient recherchés par les ménagères européennes et « musulmanes » - ce dernier terme identifiait les rares femmes algériennes - ainsi que les restaurateurs améliorant sans cesse la gastronomie blidéenne. Aujourd'hui, le marché des frères Yacoub Terki - marché indigène du temps de la guerre de Libération - ne paie pas de mine. Victime d'un incendie sur son côté nord, les parties supérieures n'ont jamais fait l'objet d'une réparation. Bien de la commune de Blida, nombreux sont les visiteurs européens et algériens qui viennent en touristes et qui tentent de faire un marché qui ne leur rappelle plus cette chose pour laquelle ils sont venus. 300 m2 environ occupés par plus de 70 étals faits d'alimentation générale, de poissonnerie, de légumes frais, de boucherie ainsi que de marchands de chaussures et de vêtements : le quotidien n'est pas agréable à vivre avec l'absence d'hygiène et des commerces alentour venant jeter leurs cartons d'emballage « made in » et des enfants perdant leur temps à la recherche de quelques objets intéressants pour la revente. Des tas d'ordures qu'une benne ne supporte plus et qui deviennent le domaine de prédilection des chats et chiens errants. L'image du quart-monde est aussi là au cœur de la ville des Roses ! Situé dans le vieux Blida, à quelques mètres du quartier El Djoun et collé à Zenqet El Cadhi (rue du juge) et Zenqet El Guellaline (rue des pauvres), le marché aurait été d'un apport touristique certain dans une toute autre contrée mais ce patrimoine tombe en désuétude. Le toilettage, qui s'opérait deux fois dans la semaine dans un temps pas si lointain, ne se pratique plus que par la volonté des occupants qui paient pourtant un loyer à la commune. Trois gros robinets d'écoulement d'eau arrivant des sources de Sidi Kebir existaient et le mot « hygiène » n'était point un terme vain ou dénué de sens. Hadj Kettar, 78 ans, dont 60 années de présence sur les lieux, se rappelle : « J'ai commencé avec de petits étalages de radis, de figues, de plantes odorantes et une variété d'œufs que je posais à même le sol, au pied de platanes puis j'ai eu mon carreau à l'entrée là où je suis actuellement lorsqu'on a bâti les lieux. » Sur les changements opérés, ammi Rachid Kettar évoque « un état de siège nous a été imposé aux alentours et tout autour avec la création de divers marchés non contrôlés à Zenqet El Bey, Bab Rahba et Bab D'zaïer, d'où le manque d'affluence chez nous. » Même les étalages ont perdu de leur charme avec la construction de baraques se fermant avec de multiples cadenas alors que de simples toiles abritaient tous les étals. Fayçal, le poissonnier et Abdennour, le marchand de dattes écoutaient religieusement l'évocation de temps languissants pour un milieu citadin occupé dans les années 1950 par des vagues de montagnards venant écouler leurs marchandises ou la troquer contre ce qui se vendait sur place.