Nous les avons découverts dans les années 90, avons suivi leur itinéraire et cru en eux. On ne s'était pas trompé... En effet avec cet album enfin sorti sur le marché, après des années de concerts animés ici et là, à Alger dans l'Hexagone et même ailleurs, le groupe Index connaît enfin la consécration avec ce disque: Basma édité par la toute nouvelle maison d'édition Belda Diffusion. Une consécration somme toute relative, mais qui est de bon augure pour notre quintette de musiciens, à savoir Faïz Hamoutène au chant, clavier et percussions, Samson Salim au chant et guitare solo, Touabet Farès au chant et guitare rythmique, Hamza Fayçal au chant, basse et percussions et Dehili Azzedine à la batterie et aux percussions. Une bande de jeunes gens que leurs études respectives qui médecin, ingénieur en aéronautique ou encore en pharmacie destinaient à une tout autre carrière, mais la musique a été plus fort et cette envie de gratter une guitare plus prenante, plus envahissante jusqu'à en perdre la tête. Une passion qui, depuis, ne les a plus lâchés. Après s'être essayé chacun de leur côté dans des formations, les cinq garçons se rencontrent et le feeling passé, Index est constitué. Ils signent ainsi une nouvelle empreinte musicale dans leur destin...couronné par un CD contenant 11 textes différents et abordant divers thèmes. Un CD de qualité accompagné d'un livret avec photo et informations relatives au parcours du groupe. Un album qui se caractérise par un son très fouillé, une diversité au niveau des mélodies qui ne peut échapper à l'oreille du mélomane. Du rock algérien, gnawi, chaâbi, bédoui, staïfi et de l'oriental un peu dans les rythmes. Il y a de la recherche dans la musique. «On a mis du temps pour trouver une petite identité. Elle n'est pas encore développée. On espère le faire. On n'est qu'au début du parcours», souligne Faïz. En effet, cette multitude de tonalités colore cet album qui unit véritablement les genres aux modes. Il est le résultat de leurs multiples influences qui traduisent bien cette identité algérienne résolument ouverte sur le monde. Empreinte aussi d'une génération qui se cherche et se construit. Cet album qui a demandé plus d'un an de travail est l'aboutissement d'une 1re sortie studio dans le monde des professionnels de la musique qui allie la technique à l'artistique. C'est en effet au collectif 33 Tours en coproduction avec la radio algérienne que nous devons cet album. Basma, c'est le bébé de cinq mecs qui humainement, aiment se donner sur scène et faire plaisir à leur public. Dix de leurs compositions les plus réussies à ce jour figurent sur cet album. L'intro est une procession gnawi, intitulée Sahraoui. Un hommage aux femmes targuies et leurs chants envoûtants qui vous mettent en transe. De l'héritage traditionnel qui se cache derrière les étincelants riffs de la guitare. Un prélude qui sonne comme une ode à la grande dame Algérie et à la beauté de son Tassili. Salim chante le besoin impérieux de nous redécouvrir, de retrouver nos origines, afin de guérir de l'oubli, un travail d'introspection illustré par la force du karkabou. Galou, autre morceau-culte du groupe, un de nos coups de coeur pour son rythme d'abord très léger, combinant rythmes kabyles au son binaire. Un rock qui dénonce sur fond de satire le langage stérile qui n'apporte rien. Le tempo du bendir est là pour soutenir l'idée de laisser place aux jeunes pour faire leurs preuves. «Galou laârab galou, Ouakt Sah ma darou oualou», dit le refrain. «Chergui» ou le miroir aux alouettes chante avec cet accent de l'Est algérien les mésaventures d'un gars qui prétend à l'immigration. Un chemin chaotique dont le retour au bercail peut être le seul salut. Cet accent chatoyant insuffle à la chanson un goût particulier. Hassen! qui sonne, désormais comme un cri d'anthologie. Qui ne connaît pas ce titre, chanté à tue-tête par la majorité estudiantine qui assiste à chaque concert d'Index. Rappelez-vous le festival Bledstock de l'année dernière, beau souvenir...Très dansant car se déclinant sur un rythme berouali, un 6/8. Ce morceau qui révèle sur fond d'humour caustique la quête mystique d'un «fréro», au début des années 90. Un «égaré» qui profite de la réinsertion pour retourner tranquillement à sa vie de famille. Une satire donc qui remet en cause, et de façon intelligente, les maux qui rongent notre société actuelle. Bouskine, comme son nom l'indique, brosse la réalité incisive de la décennie noire, ravagée par l'esprit du mal. Un titre qui évoque aussi ces laissés-pour-compte qui n'ont pas échappé au vil dessein des destructeurs. Un tragique tableau que soutient une lourde orchestration, des guitares distos et une batterie dynamique pour souligner le drame. Dans un autre registre moins sordide, Sept heures moins le quart est une caricature des déboires au quotidien des jeunes étudiants notamment de Bab Ezzouar qui continuent à sourire à la vie malgré tout. Une histoire drôle qu'illustre cet air reggae supporté par ces solos de flûte. Changement de registre délibéré avec Ghoffrane. Le choix de l'esprit chaâbi est voulu. De la nostalgie dans l'air, teinté quelque peu de regret sur les choses qui se perdent. Une sorte d'incitation au retour vers les valeurs authentiques mariées tout en douceur à la saveur musicale d'aujourd'hui. On pense par moment, faut-il l'avouer, au groupe d'antan: El Bahara. 2e coup de coeur : Arabica. Véritable invitation à la transe. Le vertige ici atteint son paroxysme. Un mélange harmonieux entre l'Orient et l'Occident dans les textes chantés. Une partie en arabe et l'autre en anglais. Une fusion, un élixir de délivrance que suggèrent cette «batterie» de sons et cette guitare frénétique. Une échappée vers la paix et la tranquillité loin des idées reçues et obtues...Basma n'est autre qu'un diwan dans la même veine qu'un Karim Ziad, morceau qui respire les senteurs du bedjaoui. C'est un message de respect et d'amour d'Index pour le style gnawi qui l'a vu, faut-il le préciser, propulser davantage. Klem qui clôt l'album est un parfait instrumental qu'illustrent des phrasés complexes de rythmes et de sonorités entremêlés. Une incitation à la méditation sur l'avenir du groupe. «On ne peut pas dire que nous ayons trouvé notre son, parce qu'il est susceptible de changer dans les jours à venir. Ceci n'est qu'une ébauche. C'est comme un être humain. Il est d'abord adolescent avant d'être un adulte sûr de lui, avec sa propre personnalité, nous, on n'en est encore qu'à l'adolescence musicale. On est quelqu'un mais on n'est pas encore mûr. On sait vers quelle direction on va, on est en train de se perfectionner et de s'affirmer dans ce parcours. On veut aller à l'identité propre et à l'originalité sonore, on veut qu'on dise, à un moment, dès qu'on entendra une de nos chansons: ça c'est Index! On veut arriver à cela», confie Faïz. Un discours qui dénote déjà d'une grande maturité de l'artiste. Disponible enfin chez vos disquaires Basma est à écouter sans modération.