Mohed Altrad signe un livre intelligent. Avec L'Hypothèse de Dieu, il interroge son pays d'accueil, la France, et questionne sa Syrie natale. Arabe en France et bédouin en Syrie, Mohed Altrad apporte un regard érudit et non dénué d'humour sur l'exil, les exils. L'enfance est un pays mouvant. On l'imagine toujours figé, immuable. Et quand on retourne vers son enfance, on ne mesure jamais assez les risques. Devenu adultes, nous ne sommes que des enfants plus âgés. Et Mehdi va découvrir à ses dépens que le passé se prolonge dans le présent. A moins que cela ne soit le contraire. Mohed Altrad, écrivain d'origine syrienne, avec un sens aigu de l'observation tente de trouver un équilibre entre l'Orient et l'Occident, tous les deux fantasmés. Son personnage, Mehdi, né dans une tribu bédouine aux confins du désert syrien, vit depuis plusieurs années en France, où il rencontre Jeanne. Toute ressemblance avec la vie de l'auteur ne serait pas fortuite. L'hypothèse de Dieu est un livre intemporel, sans frontières. Il parle des exils, de la dictature qui règne dans les pays du Sud, des déchirements, et du rapprochement des cultures. Avant d'être à la tête du groupe multinational Altrad et de faire fortune - son patrimoine est évalué à 72 millions d'euros -, Mohed Altrad, fils de bédouins, a connu la misère. Installé en France dès l'âge de 18 ans, Mehdi/Mohed se cherche. Il questionne son pays d'accueil, interroge son pays d'origine. D'abord le pays de Hugo. « Depuis son désert syrien, Mehdi s'était construit de la France une image extraordinaire. De la nation française, il s'était fait une idée composite où se mêlaient la grandeur d'âme et le raffinement empruntés aux personnages de Dumas, l'esprit aventurier et l'optimisme scientiste des romans de Jules Verne, la générosité du grand cœur de Hugo (...). Mehdi partait pour un pays qu'il aimait déjà sans en avoir encore foulé le sol, il rejoignait sa seconde. » Quelle belle déclaration d'amour son pays d'accueil. Et qu'y découvre-t-il ? « Ce qu'il avait trouvé s'était révélé fort différent de ce qu'il avait imaginé et le pire, en tout cela, avait été l'ignorance à laquelle il s'était trouvé confronté. Que ce soit l'image haineuse de l'Arabe ou celle, abstraitement bienveillante, du sous-développé... » Avec le temps, l'image idyllique qu'adolescent il s'était faite de la France s'était effritée, puis les doutes étaient nés. Qu'en est-il de la Syrie, son pays natal ? « Etre bédouin en Syrie est aussi difficile et méprisable qu'être arabe en France . » France/Syrie, ce n'est pas un match de football mais un voyage incessant pour un nécessaire équilibre. Et si la solution était dans l'addition des différences ? En venant en France, Mehdi s'est affranchi de la société traditionnelle, qui, il le sait pour en avoir été victime, peut être injuste. A présent, il la regrettait « A tout prendre, à choisir entre l'injustice et l'indifférence hostile, il avait fini par considérer que bien qu'aucune des deux ne fût enviable, il préférait tout de même l'injustice : elle pouvait être réparée, il y avait espoir qu'elle puisse l'être. » 1 L'Hypothèse de Dieu, Mohed Altrad, Actes Sud, 2006