Fini le temps où un tapis en peau de mouton constituait un signe d'aisance dans les familles algériennes. La récupération de la toison du mouton de l'Aïd El Adha, une tradition autrefois ancrée dans les familles algériennes, est en voie de disparition compte tenu des mutations qu'à connues la société, mais en raison aussi des conséquences nuisibles que la peau de mouton présente pour la santé. La toison du mouton de l'Aïd a toujours été utilisée comme un pouf ou tapis. Autrefois, avoir plusieurs toisons à la maison était un signe d'aisance de la famille qui en possédait, a confié Hadja Hadda (septuagénaire). Avouant qu'elle adore toujours s'asseoir sur la peau de mouton, notre interlocutrice se rappelle que dans le temps, les toisons étaient minutieusement séchées, lavées et conservées. «Elles étaient réservées aux invités de marque», dit-elle avec un brin de nostalgie, se rappelant qu'«après l'Aïd, les jeunes filles montaient à la terrasse pour laver les toisons avec du savon de Marseille. En plus de l'ambiance, il y avait une forte concurrence entre ces jeunes filles, lesquelles exhibaient, à la fin du lavage, chacune sa toison bien immaculée», ajoute-t-elle. A présent, les familles algériennes, notamment citadines, se «débarrassent» de ces toisons en raison des risques qu'elles présentent pour la santé, mais aussi pour le «travail» d'entretien qu'elles exigent. Abdellah (42 ans), père de famille, a indiqué qu'à chaque Aïd il offre sa toison à la personne qui égorge le mouton, car il n'en «fait rien». «Généralement, ceux qui égorgent le mouton refusent d'être payés, alors on leur offre la toison», a-t-il confié, ajoutant que sa femme qui est fonctionnaire «répugne de saler et d'étaler la toison». «La peau de mouton exige un grand entretien, car après l'avoir salée il faut l'étendre pour la sécher puis la laver à grande eau et la tapisser», a confié Nacéra, relevant que cette «entreprise» exige plusieurs jours d'entretien et d'efforts. En revanche, Mohand, un habitant du quartier de Bouzaréah, dit garder les toisons pour les prendre au bled, en Kabylie où il fait très froid, reconnaissant qu'il ne se lasse pas de s'allonger sur une toison autour d'un brasier entouré de sa famille, comme au bon vieux temps. «La toison fait partie de nos traditions. Ma mère en collectionnait et les utilisait notamment en hiver», ajoute Mohand, estimant qu'«il n'y a pas mieux que la laine pour un lit douillet et bien chauffé.» Abondant dans le même sens, Nora qui est cadre dans une entreprise nationale, se dit «jalouse» de «sa toison» qu'elle tond pour récupérer la laine et la mettre soigneusement dans les oreillers et traversins. Pour sa part, Hayet de Kouba, se dit plus «pragmatique» puisqu'elle récupère les toisons des voisins et cousins afin de les revendre à une personne qui travaille dans une tannerie. «Cela me permet de me faire un peu d'argent, car je vends les peaux de mouton à des prix variant entre 300 et 500 dinars», dit-elle.