La masse monétaire qui circule hors du circuit bancaire est évaluée à 700 milliards de dinars, soit l'équivalent de 12% du PIB national. » C'est ce qu'a révélé, hier, Ali Benouari, économiste et ancien ministre délégué au Trésor (sous le gouvernement de Sid Ahmed Ghozali), lors d'une rencontre-débat organisée à Alger, en partenariat avec la fondation Friedrich Naumann, par le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care). Cette information, que l'ancien ministre dit tenir de source officielle, a laissé pantois plus d'un parmi les participants à la rencontre, dont le thème a porté sur la question sensible de la convertibilité du dinar. L'invité du Care, dans son plaidoyer pour l'abolition totale du contrôle de change, a indiqué, à ce propos, que la non-convertibilité de la monnaie nationale est à l'origine de tout cet argent qui est hors du circuit bancaire et qui favorise, de surcroît, tous les phénomènes qui « gangrènent aujourd'hui l'économie nationale », à savoir « le marché parallèle de la devise, la fraude fiscale, la contrebande et la corruption à grande échelle ». Le débat sur la convertibilité de la monnaie nationale, doit-on rappeler, a évolué en polémique, notamment après la vigoureuse sortie médiatique du chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, la semaine dernière, le qualifiant d'« infondé » et de « malintentionné ». Interrogé à ce sujet, Ali Benouari a tenu à préciser : « Je n'ai personne derrière moi, personne ne m'a sonné et je n'ai agi que par jalousie pour mon pays. » L'homme, qui dit souhaiter voir cette question faire l'objet d'un « débat de société pour éclairer l'opinion publique », se défend, néanmoins, de vouloir « s'ingérer dans la politique du gouvernement ». « Je n'ai pas conspiré. Je suis un homme libre, j'ai écrit et je suis convaincu que le temps me donnera raison », lance-t-il, tout confiant. Il n'hésitera pas, à ce propos, à rappeler qu'il était, au début des années 1990, le premier à avoir défendu publiquement l'idée du rééchelonnement de la dette algérienne et le premier à avoir initié le débat autour de cette question. Selon lui, pour ce qui est de la convertibilité, « les craintes sont excessives et injustifiées », d'autant que la convertibilité commerciale est déjà en vigueur. Les conséquences d'une libéralisation totale du marché de change, soutient le conférencier, ne peuvent être que positives. Tout en écartant le lien entre la convertibilité et l'aisance financière que connaît le pays, puisque, selon Benouari, des pays pauvres ont opté pour la convertibilité, ce dernier affirme qu'un marché de change libéralisé induira « une plus grande compétitivité, une productivité plus importante, moins d'inflation et un plus grand investissement étranger ». Outre « l'effet psychologique positif » qu'elle aura sur les citoyens, la convertibilité du dinar « renforcera le solde global de la balance de paiement et n'affectera pas trop les réserves de change du pays », soutient encore Ali Benouari. A la question récurrente de savoir si cette convertibilité provoquerait réellement une évasion massive des capitaux, comme l'affirment les opposants à la levée du contrôle sur le marché de change, l'orateur a indiqué que « le marché parallèle de la devise permet aujourd'hui aux grosses fortunes de procéder à une telle évasion » et qu'en ce qui concerne les petits épargnants « la disponibilité du dinar leur est toujours nécessaire pour les achats courants ». C'est la raison pour laquelle Ali Benouari relativise ce risque et défend, mieux encore, le fait que « l'attrait d'un taux de change meilleur et d'une plus grande sécurité est susceptible de provoquer le rapatriement dans le circuit officiel des énormes liquidités qui prospèrent sur le marché informel ». A souligner, enfin, que le sujet est loin de faire l'unanimité entre les économistes eux-mêmes (lire entretien de Hocine Benissad dans le supplément El Watan Economie).