Une manne d'environ 700 milliards de dinars, l'équivalent de plus de 7 milliards d'euros, circule en dehors des circuits bancaires, en un mot sur le marché parallèle, soutient cet ancien cadre de la Banque centrale. Ali Benouari (ancien cadre de la Banque centrale et ministre délégué au Trésor du gouvernement Ghozali), juge “excessives est injustifiées” les craintes exprimées par un certain nombre d'acteurs et d'économistes sur l'éventualité d'une convertibilité totale du dinar. Invité dans le cadre des petits déjeuners économiques qu'organise le Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care), il est convaincu que le temps lui “donnera raison”. L'économiste souligne, dès l'entame de la rencontre, que son intervention “n'est pas une réponse au Chef du gouvernement. Ni une ingérence dans les politiques menées par le gouvernement”. Le rendez-vous, comme le confirment les organisateurs, était prévu bien avant la conférence de presse de M. Ahmed Ouyahia. Voila pour le décor, mais pour le reste, la sortie du Chef du gouvernement n'a pas ébranlé les “convictions premières” de l'ancien délégué au Trésor du gouvernement Ghozali. Pour lui, “il ne saurait y avoir de tabou”, en plaidant, encore une fois, “en homme libre, non manipulé”, la convertibilité totale du dinar. M. Ali Benouari exprime une certitude quand il soutient que “seule une convertibilité totale du dinar pourrait endiguer le marché parallèle de change”. À contre-courant d'une opinion répandue, l'ancien cadre de la Banque centrale soutient que la convertibilité du dinar ne provoquera pas de fuite massive des capitaux. La visibilité et la transparence des mouvements de transferts (qui devront nécessairement passer par le système bancaire), explique-t-il, excluent qu'il puisse y avoir des transferts d'argent non déclaré. Bien au contraire, argue-t-il, “l'attrait d'un taux de change meilleur et d'une plus grande sécurité est susceptible de provoquer le rapatriement dans le circuit officiel des énormes liquidités qui prospèrent sur le marché informel, qui amenuisent les ressources budgétaires et engendrent la corruption à grande échelle”. M. Ali Benouari estime à 700 milliards de dinars (12% du produits intérieur brut) la masse monétaire qui échappe au circuit bancaire. “C'est un cancer qui ronge l'économie nationale et qui risque de métastaser, engendrant une corruption à grande échelle”, caricature-t-il. Un à trois milliards de dollars chaque année quittent “illégalement” le territoire algérien à travers des opérations de surfacturation de certaines importations. En décrétant la convertibilité total du dinar, plaide M. Ali Benouari, “on instaure une confiance dans l'économie algérienne pour les investisseurs étrangers qui auraient aujourd'hui quelques raisons d'hésiter à investir en Algérie. Mais au-delà, il y a aussi le retour de la confiance des Algériens en eux-mêmes, à travers leur monnaie”. L'assistance, composée des membres de l'association Care, de la presse et du chef de la délégation de la Commission européenne, ne partage pas les assurances de l'ancien ministre délégué au Trésor du gouvernement Ghozali. Pour certains intervenants, il est prématuré de parler de convertibilité du dinar, eu égard à l'état actuel de notre économie, une économie rentière est non créatrice de richesses et de valeur ajoutée. On se rappelle de la boutade de M. Abdelatif Benachenhou, alors ministre des Finances. “Parler de convertibilité du dinar est une plaisanterie de riches”, disait-t-il, étant donné le niveau des exportations hors hydrocarbures. Le chef de la délégation de la Commission européenne estime qu'“il serait suicidaire d'aller vers la convertibilité du dinar sans le parachèvement, préalable de la réforme bancaire et fiscale”. M. Ali Benouari ne partage pas ce point de vue. Il reconnaît que “le processus n'est pas simple”. Et de souligner : “Aucune réforme ne donnera pleine mesure si elle n'est pas accompagnée de convertibilité totale du dinar.” La libéralisation du régime de change est aujourd'hui, à son avis, l'élément le plus déterminant dans l'attractivité du marché algérien. Un argument, que beaucoup d'intervenants trouvent peu convaincant. “Le problème de l'économie algérienne ne se résume pas à la convertibilité du dinar”, relève M. Guerrato. Pour rappel, la convertibilité commerciale du dinar est en vigueur depuis quelques années en Algérie. Tout opérateur économique y a accès dès lors qu'il est immatriculé au registre du commerce et qu'il dispose en banque d'une somme en dinars algériens équivalente à la contre-valeur du montant en devises à transférer, et aussi sous réserve que les produits et marchandises importés ne font l'objet d'aucune prohibition ni restriction réglementaire. Certaines restrictions en matière d'accès aux devises, concernant le domaine des services, persistent. Meziane Rabhi