Les transporteurs de marchandises taillent dans les parts du transport ferroviaire. C'est un fait. Mais c'est aussi annonciateur d'un recul net du segment du transport de marchandises par voie ferrée. Quoi qu'il en soit, le marché de la logistique et du transport routier de marchandises évolue paradoxalement à deux vitesses ; l'exercice artisanal du métier évolue à pas de géant au détriment de la pratique professionnelle à laquelle s'adonnent quelques entreprises, dont Anderson Logistique. Son general manager, Hakim Aberkane, nous parle de ce marché traditionnellement méconnu, de ses facettes, mais aussi de son entreprise et du défi de faire sa mue face à cette espèce d'«atomisation» dans laquelle s'embourbait le marché. -Le marché du transport terrestre de marchandises évolue à pas de géant au détriment du transport par voie ferrée, dont les parts se sont rétrécies comme peau de chagrin. Vous qui êtes acteur du marché, quelle est votre appréciation ? Le transport routier de marchandises représente 90% du transport total de marchandises (domestique), les 10% restants correspondent au transport ferroviaire. Ce marché du transport est aujourd'hui carrément atomisé. Il est constitué d'une multitude d'artisans, voire des milliers, qui opèrent souvent dans l'informel. Par conséquent, ces derniers offrent leurs services à des prix défiant toute concurrence avec de très faibles niveaux d'assurance. Ainsi, l'abondance de cette offre «toxique» sous l'influence du nombre très élevé de transporteurs artisans opérant dans ce domaine rend quasiment impossible la révision des tarifs à la hausse pour améliorer les marges de gain. Du fait de son atomisation, ce marché est accaparé à plus de 70% par des artisans, tandis que 30% seulement des parts restantes sont détenues par quelques grandes entreprises. Le secteur privé capte actuellement plus de 80% des parts de marché, tandis que les 20% restants correspondent à l'opérateur public, Société nationale du transport routier (SNTR). C'est vous dire que, malheureusement, c'est l'anarchie qui prévaut. Et cela s'accentue encore avec l'arrivée continuelle de jeunes qui ne connaissent ni le métier ni les lois le régissant. -Comment agissez-vous face à l'évolution de cette «offre toxique» ? Notre ambition et notre stratégie consistent à fédérer et organiser ce marché en initiant ces artisans qui sont dans la nature à nos méthodes de travail, à nos normes et standards chez Anderson. Tout l'enjeu est là. Un enjeu qui s'impose à nous et à la profession aussi. Un exemple : nous menons actuellement des actions pour optimiser nos solutions de transport partout sur le territoire national et qui nous permettent d'exploiter toutes ces ressources (artisans). Nous œuvrons, en d'autres termes, pour le déploiement de systèmes d'information de types ERP, CRM, solutions call center et la création d'une véritable bourse Anderson de transport avec des professionnels des métiers de l'information. -Comment estimez-vous la demande nationale en logistique et en moyens de transport de marchandises ? Le transport pour compte d'autrui constitue à peine 50% du service global. Le reste, c'est-à-dire le transport pour compte propre, tourne autour de plus de 50%, couvert par plus de 65 000 opérateurs, dont une centaine du domaine public. Ces chiffres indiquent que, pour le moment, la logistique est faiblement externalisée par le secteur de la production. Beaucoup d'entreprises de transport continuent d'acquérir et d'utiliser leurs propres flottes. Cette tendance est due à un déficit en visibilité quant à la structure et au fonctionnement du secteur, aussi bien pour les investissements privés que publics. C'est dire que de vieilles croyances «commerciales» très ancrées laissent croire que l'entreprise doit tout gérer et tout contrôler, même si cela ne fait pas partie de son cœur de métier. L'évolution des pratiques managériales au niveau des entreprises développées suppose que l'on fasse appel à des professionnels de la logistique. Cette pratique permet à l'entreprise de se concentrer sur son métier et de gagner sur la maîtrise des coûts, la qualité de service, etc. Parlez-nous de votre entreprise, ses résultats et ce qu'elle fait dans ce domaine d'activité...Anderson National Express se veut un label du transport et de la logistique, avec des valeurs et une culture d'entreprise affichées chez l'ensemble de nos collaborateurs. C'est aussi une politique de proximité et d'écoute client. Bien que le chiffre d'affaires ne cesse d'augmenter avec, au compteur, un rythme de croissance à deux chiffres, notre rentabilité demeure très faible. Ainsi, l'ambition de se développer reste freinée par ce phénomène paradoxal. Les bénéfices générés ne permettent pas d'avoir une capacité d'autofinancement suffisante pour soutenir un développement en interne. Lorsqu'on connaît la faible implication des banques dans le financement de l'investissement, vous pouvez imaginer la suite de nos doléances. Nous sommes convaincus que les réflexions stratégiques conditionnent la réussite de l'entreprise. Pour nous, l'ambition de se positionner et d'évoluer sur un marché est conditionnée par une connaissance fine de son environnement, de ses principaux concurrents, des opportunités et des menaces auxquelles est confrontée l'entreprise. Cette démarche permet notamment de faire apparaître les insuffisances et dérives de l'organisation, mais aussi de mieux cerner les défis stratégiques qui peuvent contribuer à l'amélioration de la compétitivité.