Quelques transactions bancaires, des aides venues d'Europe, de maigres subsides fournis par l'Etat, le cinéma tunisien est réduit à vivre dans un contexte changeant et fragile. Et c'est un tour de force qui fait que, dans cette situation, des cinéastes continuent à tourner et à faire des films qui rencontrent leur public. Du moins au plan national, à cela près que le tout petit marché du pays ne rembourse par le budget d'un film. S'il y a eu, à une certaine période, une augmentation croissante de films produits en Tunisie, c'est donc grâce à l'apport d'argent de France ou d'Allemagne. Depuis des années, cinéastes et producteurs tunisiens essayent de convaincre les entreprises nationales, comme les grands complexes touristiques, que le cinéma a besoin de leurs investissements et de leurs sponsorings. Mais le libéralisme économique craint apparemment le 7e art. La rumeur dit que Tarek Ben Amar va financer le cinéma tunisien à travers ses studios de Hammamet. Mais le producteur (un peu mégalo) tient, en premier lieu, à servir les superproductions américaines tournées dans le désert tunisien. Au festival de Carthage (les JCC), vieille institution arabo-africaine, les films arrivent sans censure. Le public paraît friand, actif et fidèle aux films tunisiens, et ceux du Maghreb aussi. Mais dès la fin de la manifestation, retour au cinéma occidental de série B. Comme partout ailleurs. Un pouvoir autoritaire, voire despotique selon l'opposition, règle toute la vie tunisienne. Malgré tout, quelques cinéastes (phares) comme Nouri Bouzid, Moufida Tlatli, Abdelatif Ben Amar, Brahim Babaï, ont réussi à tendre un miroir à la société tunisienne et exprimer son malaise et sa joie, sa résistance et sa résignation. On pense à une œuvre fondatrice comme l'Homme de Cendres de Nouri Bouzid, à ce grand classique Sedjnane d'Abdelatif Ben Amar ou à l'éclatant talent de Moufida Tlatli qui a montré dans quel mépris étaient tenus les serviteurs du Bey dans les silences du Palais. Aujourd'hui, une nouvelle génération de cinéastes est arrivée en Tunisie, elle embrasse les nouvelles technologies de tournage. Comme Raja Amari qui a des repères dans le modèle « nouvelle vague » et qui a trouvé un public avec son premier long métrage Satin Rouge et compte explorer de nouveau paysages de fiction. Avec Allel Yahiaoui (directeur-photo), Nouri Bouzid achève son nouveau film intitulé Kamikaze. C'est, paraît-il, l'histoire morose d'un jeune qui se laisse bêtement endoctriner par un dangereux criminel (un barbu qui sort probablement des camps du Pakistan). Selma Naccar, qui a tourné des films d'une certaine valeur sociale, a un nouvel opus visible sur les écrans de Tunis consacré à la place de la femme dans la société. Elle a sûrement dit des choses importantes et essentielles sur la question qu'elle connaît à fond. Mais en ce moment, la cinéaste est engagée dans une polémique assez vive avec une critique du quotidien La Presse qui n'a pas aimé son film... Louhichi dans un état critique Le cinéaste tunisien Taïeb Louhichi a été grièvement blessé dans un accident de voiture, début mars, sur la route Al Aïn-Dubaï. Il était prévu qu'il préside le jury du Festival Emirats Films Compétition. Il a été transporté par avion spécial à Paris. Il est sorti du coma mais risque de rester tétraplégique. Le cinéma (tunisien et arabe) ressent durement son absence. C'est l'un des talents les plus créatifs de son pays. Il avait tourné une coproduction algéro-tunisienne à El Oued, Leïla, ma raison. La danse du vent, son dernier film, consacrait le retour de Mohamed Chouikh comme acteur.