Les Vacances de l'inspecteur Tahar à Mad In, Moussa Haddad est un réalisateur avant-gardiste qui a toujours su apporter de l'eau à son moulin et surprendre son public. Membre du jury récemment au Festival du film amazigh, qui s'est tenu du 15 au 20 mars, une occasion rare nous a été donnée pour aborder avec lui son parcours, évoquer la situation du cinéma en Algérie et parler de ses projets... L'Expression: Tout d'abord, on ne peut aborder votre carrière sans citer Les Vacances de l'inspecteur Tahar, un mot sur ce film culte qui a marqué des générations entières de cinéphiles et toute l'Algérie... Moussa Haddad: Il est certain que Hadj Abderrahmane alias l'inspecteur Tahar en tant que créateur du personnage était un garçon que je connaissais très bien. C'était un gars qui exerçait à la télévision en tant que directeur photo et cadreur, il a travaillé avec moi sur des films en tant que technicien et puis un beau jour il fait connaissance de «l'apprenti». Je ne sais pas comment s'est constitué ce duo. Quand Hadj Abderrahmane a décidé de faire un film pour la télévision, il a commencé par faire des sketchs avec son apprenti au théâtre. Alors, il s'est dit que ce serait bien de les proposer à la télévision. Car, le personnage, au bout d'un certain nombre de représentations avait marché. Cela remplissait les salles. Donc, le premier film de télé c'est moi qui l'ai réalisé. Nous étions très liés du fait qu'on travaillait ensemble. C'était un acteur créatif qui a bien su inventer et modeler son personnage. Donc, on a fait un premier film et deux courts métrages de 20 à 25 minutes. Et ça a marché. J'ai donc fait le premier film avec lui. Quand il s'est agit de faire un long métrage de 35 mm pour le cinéma, il est revenu vers moi enthousiaste et m'a proposé le sujet. On l'a aidé à écrire le scénario et il est venu me demander de réaliser le film. J'ai donc adapté le sujet selon la façon de voir les choses. Comment expliquez-vous le succès retentissant de ce film? Notre complicité faisait qu'on tournait en rigolant. On était de joyeux lurons, très copains. Effectivement, cela m'intéressait car c'était une aventure intéressante en 35 mm. Je voulais absolument réussir ce film sur le plan de la réalisation et donc je me suis donné à fond la caisse. La combinaison Hadj Abderrahamne et moi-même a bien donné. A ce moment-là, il n'était plus le technicien, il était l'acteur. Il y avait aussi une certaine liberté de ton que l'on ne trouve plus ailleurs.. Il y avait une complicité avec Hadj Abderrahmane qui a fait qu'on étaient très proches. Et on a pu faire ce long métrage avec une aisance extraordinaire. On se bagarrait parfois, je faisais même des rajouts dans certaines scènes. Cela a marché, car on était très copains. Il fallait qu'on se marre, nous deux. Croyez-vous qu'on puisse reproduire aujourd'hui une telle dynamique au cinéma? On pourrait, mais il faudrait trouver un comédien qui fasse rire. On pourrait reproduire ça, non pas en tant qu'inspecteur Tahar, mais quelque chose qui ressemble. Justement, dernièrement, il était question de faire un film long métrage avec Lakhdar Boukhors. Il y avait une proposition d'un producteur privé, qui n'a pas eu de suite. Le producteur m'avait proposé de faire un film dans la même veine que l'inspecteur Tahar mais avec Lakhdar Boukhors. C'était déjà gagné à 50% car il a acquis une certaine popularité auprès du public. Cela n'a pas marché. Il me semble que le producteur ne s'est pas bien entendu avec le comédien Boukhors. Donc c'est tombé à l'eau. Mais ça pourrait très bien se faire avec lui. Il faudrait trouver un producteur. Mad In a marqué un nouveau tournant dans votre parcours cinématographique, un film original auquel on ne s'y attendait pas.. Oui, c'était un peu un film moderne. C'était pour sortir de mon carcan de réalisateur qui n'invente pas, qui sait filmer. Je n'ai aucun problème pour entamer un long ou un court métrage. J'ai l'expérience. En ce qui concerne mon travail de création dans la fiction, j'aime apporter et opérer un changement dans ma façon de filmer. Faire un film comme L'Inspecteur Tahar ne me convient plus. Il faut que j'invente un style particulièrement moderne et qui pourrait me permettre d'aller vers des zones nouvelles, de création et de visualisation d'une histoire. Je suis intéressé par comment faire un type nouveau de film. Comme tous les artistes, qu'ils soient peintres, sculpteurs ou architectes, ils ont tendance à innover et à produire un style nouveau. Que pensez-vous alors de la situation du cinéma en Algérie? Ce qu'il y a lieu de retenir immédiatement, c'est qu'il n'y a pas, suffisamment de films. Il devrait y avoir une possibilité de produire plus de films par an. Un bon cinéma c'est quand il y a sur le plan quantitatif un nombre de films plus important. Or, nous, on est depuis longtemps dans l'impossibilité de tourner plus de deux ou trois films par an. Je ne crois pas, même quand on a un rythme de trois films par an. On produit pour la télé c'est clair. L'audiovisuel fonctionne très bien, mais on ne peut pas trop parler de cinéma algérien ou de cinématographie algérienne car il n'y a pas assez de films qui sont tournés. Il y a eu dernièrement une sorte de mouvance de nouveau film avec des réalisateurs type Lyes Salem ou Tariq Teguia, sans plus. Des cinéastes qui ont donné une idée de ce que pourrait être le cinéma d'aujourd'hui. Si on pouvait reproduire ce genre d'expériences avec d'autres cinéastes, à ce moment-là, on pourrait envisager un tournant dans le cinéma algérien et produire plus et mieux. Faire un film aujourd'hui, cela demande beaucoup de sous. On croit savoir que vous préparez un nouveau long métrage qui s'appelle Harraga Blues. Ce n'est plus Harraga Blues mais plutôt Algeria Blues. J'ai supprimé la notion de harga. Je prends deux jeunes qui ont envie de partir, mais qui ne partiront pas. Il n'ont pas le souci de partir car le scénario les emmène chercher l'eldorado ici. On découvrira l'Algérie à l'intérieur de leur quête du mieux-exister. Mon intérêt pour ce film, c'est qu'en fait je découvre l'Algérie à travers deux gars qui veulent partir. Je leur ferai visiter et vivre l'Algérie sous l'angle d'un film pour jeunes. En fait, c'est un détournement. Je les embarque dans une histoire au départ, mais pour pouvoir partir il leur faudra faire le tour du bled et le vivre avec intensité. Ce sera un détournement vers un nouvel espace qui ne sera pas la mer, et pas L'Europe. Ils vont évoluer dans l'espace Algérie. Ma présence ici au Festival du film amazigh de Tizi Ouzou m'a permis de rencontrer des gens qui ne sont pas tout à fait des acteurs, mais plutôt des chanteurs et autres qui m'ont plus. Il faut d'abord que je leur passe des tests. Un mot sur le Festival du film amazigh dont vous êtes l'hôte. C'est formidable! J'ai pu voir de nouveaux talents émergents, non professionnels. Pour la plupart, ce sont des amateurs qui font des films et qui sont en mesure de faire des films et devenir de très bons cinéastes. C'est rassurant. Ce festival fait un travail de prospection à travers tout le territoire. Il donne la possibilité à des jeunes qui sont amateurs, de produire des films pour être vus dans le festival et trouver peut-être un producteur qui pourrait les aider à entrer dans le cercle du cinéma. J'ai constaté à travers les films que j'ai vus qu'ils ne sont pas tous exceptionnels, mais il y a une forte poussée. Nous avons récompensé ceux qui nous ont semblé être les plus talentueux. C'est grâce à ce festival qu'on pourra découvrir la graine de cinéastes de demain.