«Mali debout danse» est un collectif de danseurs créé pour répandre l'idée d'espoir, croire en l'avenir. Le Mali et ses déchirements étaient présents, dimanche soir, à la salle du Palais de la culture Moufdi Zakaria, à travers le spectacle du collectif «Mali debout danse», lors de la quatrième soirée du 4e Festival international culturel de la danse contemporaine d'Alger. La crise au nord du pays, qui a ouvert la grande porte du grenier aux démons, a motivé de jeunes danseurs de la compagnie Medina Art et Culture de Bamako de créer un collectif et d'élaborer un spectacle riche. Sur une scène nue, une danseuse tente d'exprimer ce désir de liberté. Au fond, des va-et-vient de danseurs. Des mouvements de colère. Des danseurs se rejoignent plus tard pour constituer un ensemble compact. La solidarité tant recherchée ? L'union ? L'un d'eux veut s'imposer, ramène une table et fait un discours seul, parle avec son ombre. Le pouvoir dans beaucoup de pays africains n'est-il pas de ce genre ? Des discours, des promesses, des annonces… puis, plus rien. Un danseur se dégage, essaie de résister, le groupe l'accompagne, puis le délaisse avant de rejoindre l'homme qui parle. La puissance attire les opportunistes et subjugue les plus faibles. C'est connu. En Afrique, c'est un véritable drame. Sinon, comment expliquer la succession des coups d'Etat militaires au Mali ou ailleurs ? «Nos indépendances», titre donné à ce spectacle, peut signifier que se débarrasser de puissances coloniales, il y a plus de cinquante ans, n'a pas pour autant libéré le continent. Les Africains subissent et continuent de subir d'autres diktats, d'autres formes d'oppression, d'autres embrigadements. La déprime, la douleur et la colère sont là, sur scène, exprimées par des gestuels de révolte, d'envie de tout envoyer en l'air. Le dégoût y est présent également. Il y aussi les désillusions qui donnent des spasmes. Ce n'est pas forcément le désespoir. C'est pour montrer tout le chemin qui reste à parcourir. Ce spectacle évoque aussi les épreuves de l'Afrique. Au sortir de ces épreuves que l'on devienne plus grand. Nous faisons partie d'une génération qui croit à l'Afrique. C'est pour cela que nous disons : «On est debout. Malgré la souffrance. Il faut être optimiste parce que nous n'avons pas le choix», nous a déclaré Lassana Igo Diarra, directeur de la compagnie Medina Art et culture et responsable régional ouest- africain du réseau culturel Arterial Network. Le Mali a, selon lui, besoin du voisin algérien pour sortir de sa crise actuelle. Le cercle de lumière L'homme cherche toujours une place au soleil. Pour cela, il est prêt à livrer bataille à son semblable. Il y a la liberté et il y aussi le vouloir exister. Le spectacle «0 + 0 = 0» de l'Irakien Talaât Samawi, présenté dimanche soir également, explore cette idée avec courage et sans concession. «C'est une équation de la numérologie à qui j'ai tenté de donner une dimension humaine», a souligné le chorégraphe. Pas besoin d'encombrement. C'est même mathématique : un seul tableau sur le concept du petit espace. Le zéro est symbolisé par le cercle de lumière au milieu d'une scène obscure. Les danseurs se disputent le lieu. Pour apparaître ? Vivre ? Devenir homme ? Avoir une identité ? Tout est possible dans ce monde, où le plus fort peut vaincre devant la démission des plus faibles. Le cercle de lumière se développe en plusieurs cercles plus petits, oranges. L'angoisse est plus grande. Là, chaque danseur veut sortir de l'obscurité, donner des traits à son visage, à sa forme humaine, à son être. Talaât Samawi reste fidèle à l'idée d'opposition entre noir et blanc. «Les couleurs ? Une illusion», a-t-il tranché. Habillé en noir intégral, les danseurs se sont «arrosés» de poudre blanche pour dire, sans doute, que les souillures de la vie collent au dos de chacun. Des expressions de danse urbaine côtoient celles de la danse moderne. «0 + 0 = 0», qui peut être inscrite au registre de la danse dramatique, est un spectacle de 25 minutes exécuté par des danseurs de Syrie, d'Irak, d'Algérie et de Suède. Le spectacle a été déjà présenté à Baghdad en avril 2012. L'ensemble Akito, que dirige Talaât Samawi à partir de la Suède, réalise plusieurs projets artistiques de théâtre et de danse contemporaine dans les pays arabes. Des projets destinés surtout aux jeunes. Talaât Samawi a regretté la difficulté de réunir à chaque fois les membres du groupe du projet «0 + 0 = 0». «Les seuls moments que nous avons pour l'entraînement et la remise à niveau sont les journées du Festival. Comme pour «Les faces de lune» à Béjaïa, il en a été de même pour ce spectacle», a-t-il noté. Au dernier Festival international de théâtre de Béjaïa, Talaât Samawi a présenté le spectacle «Les faces de lune» en clôture de la manifestation. Talaât Samawi préfère parler de danse dramatique au lieu de danse contemporaine. «Je n'aime pas limiter la création artistique dans le temps. C'est toujours compliqué de le faire. On parle de post-modernisme, de l'après-multiculturalisme…, mais, il n'y a pas d'écoles qui se dégagent. Des écoles comme celles apparues après les deux grandes guerres mondiales, le cubisme, le naturalisme et le surréalisme. A cette époque, c'était déjà des étapes importantes de la modernisation des arts. Ces trente dernières années, on ne cherche plus de nouveaux concepts. On tente seulement de s'adapter à l'époque. Le temps change, mais la méthode créative ne suit pas forcément le même itinéraire», a-t-il expliqué. Pour lui, l'expression corporelle dans la danse contemporaine diffère du Maghreb au Machreq. «Il y a un potentiel énorme en Algérie. Des jeunes de grande qualité. Il faut renforcer la coopération culturelle entre le Maghreb et le Machreq pour s'entendre sur des méthodes afin de développer l'art de scène. Un art actuel, là où l'expression corporelle accompagne l'image», a-t-il soutenu.