Surpris par l'ampleur de la contestation, le président égyptien, Mohamed Morsi, a visiblement décidé de faire machine arrière en renonçant à une partie des pouvoirs supplémentaires qu'il s'était octroyés jeudi par le biais d'une déclaration constitutionnelle. C'est du moins ce que suggère son appel hier par la voix de son ministre de la Justice, Ahmed Mekki, en direction de l'opposition. Celui-ci a, en effet, proposé un compromis qui réduirait la portée du renforcement des pouvoirs présidentiels. M. Mekki a notamment suggéré l'introduction d'un «amendement» précisant que «les décisions irrévocables du Président concernent uniquement les questions relevant des pouvoirs souverains du président, et non pas les décisions administratives». Dans son décret, M. Morsi avait notamment décidé qu'aucune instance judiciaire ne pouvait dissoudre la commission chargée de rédiger la future Constitution. La sortie de M. Mekki faisait déjà suite à un communiqué publié dimanche par la présidence égyptienne dans lequel elle avait invité à un «dialogue démocratique» et rappelé que les pouvoirs élargis que le président Morsi s'est attribués par décret étaient «temporaires». «La présidence réaffirme la nature temporaire de ces mesures qui ne sont pas destinées à concentrer tous les pouvoirs, mais au contraire à les remettre à un Parlement démocratiquement élu», selon ce communiqué. La magistrature suprême égyptienne avait souligné, en outre, que l'élargissement de ses pouvoirs était nécessaire pour «éviter toute tentative de mettre en cause ou de faire disparaître deux institutions élues démocratiquement, la chambre haute du Parlement et l'Assemblée constituante». La rue ne décolère pas Décidé à briser les «velléités autoritaires» du nouveau raïs égyptien, le camp de l'opposition a opposé une fin de non-recevoir à Ahmed Mekki et continue globalement à considérer la déclaration constitutionnelle du président Morsi comme une menace pour la marche vers la démocratie. Non satisfait de l'offre proposée par M. Mekki, l'opposant égyptien Mohamed El Baradei a ainsi réclamé un «retrait pur et simple» de la déclaration constitutionnelle par laquelle M. Morsi a placé le 22 novembre ses décisions à l'abri de tout recours en justice. «Je ne serais pas étonné si l'armée descend à nouveau dans les rues pour empêcher le chaos et protéger la patrie», a observé M. El Baradei. La position exprimée par l'ancien responsable de l'Agence internationale à l'énergie atomique (AIEA) est largement partagée par la majorité de l'opposition au président Mohamed Morsi. Comme ils l'avaient promis de le faire, les juges d'Alexandrie ont, de leur côté, entamé dimanche une grève ouverte en protestation contre la décision de M. Morsi. L'assemblée générale extraordinaire du Syndicat des journalistes égyptiens a, pour sa part, réaffirmé la décision du retrait de ses représentants de l'Assemblée constituante, menaçant d'observer une grève générale et de suspendre la publication de la presse. Ce n'est pas tout : le chef adjoint du Conseil d'Etat a annoncé que le tribunal administratif d'Egypte doit examiner le 4 décembre une demande d'annulation de la «déclaration constitutionnelle» élargissant les prérogatives du président Mohamed Morsi. Abdel Meguid Al Moqannen a affirmé qu'une douzaine de plaintes avaient été déposées devant la justice – notamment par le chef du Club des juges Ahmed Al Zind –, a rapporté l'agence officielle Mena. Bien que les violents affrontements qui ont opposé manifestants et forces de l'ordre dans plusieurs quartiers de la capitale ont cessé, la protesta est tout de même loin de s'être calmée. Preuve en est les manifestations contre le successeur de Hosni Moubarak se sont poursuivies hier pour la quatrième journée consécutive sur la place Tahrir. Les manifestants ont dressé des dizaines de tentes et campent depuis vendredi en prévision de la grande manifestation prévue aujourd'hui. Un grand nombre de citoyens ont, en outre, participé aux funérailles d'un jeune homme tué dimanche dans des heurts devant le siège du mouvement des Frères musulmans au Caire. Depuis vendredi, quelque 500 personnes ont été blessées dans des manifestations de protestation contre celui qui est présenté comme le «nouveau pharaon». Parallèlement au grand rassemblement de l'opposition, les Frères musulmans ont aussi appelé à une manifestation massive dans le centre du Caire pour soutenir Mohamed Morsi. Comme le sang a déjà coulé, beaucoup d'observateurs politiques égyptiens craignent que ces manifestations finissent par dégénérer en affrontements sanglants.