-Créé en 1986, le registre du cancer Sétif est le premier validé par le Centre international de recherche sur le cancer, sous l'égide de l'OMS. Quel est son rôle et son impact ? La disponibilité des données sur le cancer est un élément-clé pour la mise en place d'un programme de lutte contre cette maladie. Ces données ont une immense valeur non seulement pour Sétif, mais pour le pays tout entier. Car elles fournissent des indications fiables sur le profil du cancer, en indiquant les taux d'incidence, de tendance et de survie. Le registre du cancer de Sétif a permis, lors du premier Forum international sur le cancer en 2004, en collaboration avec l'Union internationale de lutte contre le cancer et le Centre international de recherche sur le cancer de l'OMS, de tirer la sonnette d'alarme. -La situation est-elle alarmante ? De 1986 à 2010, l'étude a montré une augmentation significative des cas de cancer. On peut estimer à 35 000 les nouveaux cas de cancer en Algérie en 2010. Malheureusement, le taux de survie à 5 ans est bas, ne dépassant pas 50% pour les principales tumeurs. -Comment expliquez-vous que le taux de survie soit si bas ? L'augmentation est liée à cette fin de transition épidémiologique, marquée par la modification démographique, l'augmentation de l'espérance de vie, la transformation de l'environnement, les changements de mode de vie, les changements d'habitudes alimentaires et en particulier l'augmentation du tabagisme. Quant au taux de survie, il est l'indicateur d'un système de santé déficient en matière de prise en charge du cancer. La question de l'accessibilité aux soins reste posée. -Que préconisez-vous ? Le développement des registres du cancer, qu'il faut institutionnaliser et connecter en réseau national. Nous avons travaillé sur un arrêté au ministère de la Santé pour institutionnaliser et développer les registres de wilaya. Cet arrêté est essentiel et on attend sa parution. C'est une urgence. La lutte contre le tabac, responsable du tiers des cancers, est l'autre priorité. Notre pays, qui a ratifié la convention-cadre de lutte contre le tabac de l'OMS, doit impérativement mettre en œuvre cette convention et un véritable programme gouvernemental de lutte contre le tabac. Un programme de dépistage, organisé et pérennisé accompagné d'une stratégie de détection précoce du cancer du sein et du col de l'utérus, est indispensable pour augmenter le taux de survie. Un tel volet doit être le cheval de bataille d'un véritable plan cancer associant tous les intervenants. -Vous êtes président de l'association Ennour d'aide aux malades du cancer et de lutte contre le tabac. Que pouvez-vous dire de la maison du patient (Dar Essabre), qui sera une première en Algérie ? Elle est le résultat d'une motivation personnelle parce que j'ai vécu ce drame familial, et je connais la souffrance des autres. Notre objectif est d'assurer une meilleure qualité de soins pendant et après le traitement du cancer. Ces malades et leurs familles ont besoin d'une aide sociale et psychologique. Sur une superficie de 2000 m2, située à côté du centre anti-cancer, la maison de 80 lits disposera de toutes les commodités. Réalisée grâce aux dons des bienfaiteurs et de l'implication des autorités locales de la wilaya de Sétif, cette maison, qui devrait ouvrir début 2013, est, par sa dimension humaine, qualifiée par l'Union internationale de lutte contre le cancer à Genève (UICC) comme une première et un véritable exemple de citoyenneté.