L'usage de l'argent sale semble devenu un moyen incontournable auquel recourent nos politiciens (pas tous heureusement) pour s'offrir une place au sein des assemblées élues. Le procédé fait désormais partie des constantes de la vie politique nationale, notamment lors des échéances électorales. Après la guéguerre et les alliances, parfois contre nature, ayant marqué l'installation des APC, voilà que le phénomène revient au-devant de la scène à l'occasion de la campagne pour le renouvellement partiel des membres du Sénat. Dans la wilaya de Boumerdès, certaines voix parlent, d'ores et déjà, d'importantes sommes d'argent versés à tout-va pour s'adjuger un siège à la Chambre haute du Parlement. La générosité des uns a pris le dessus sur l'éthique et les convictions politiques des autres. «Celui qui n'épouse pas cette nouvelle pratique érigée en règle n'a qu'à renoncer à ses idéaux», réagit un Sofiane, fonctionnaire dans une entreprise de bâtiment. Les cinq candidats au poste de sénateur – Djamel Slimani (RND), Sabaoui Sadek (FLN), Khaled Mokrani (FFS), Sid-Ali Blaïd (ANR), Medad Sadek (MCL) – se sont engagés dans une course contre la montre pour gagner la confiance des 585 élus de la wilaya. Si l'on se fie au nombre de sièges obtenus par leurs formations politiques lors des dernières élections, c'est le candidat du RND qui a le plus de chance d'être élu à la Chambre haute ; son parti s'est adjugé 142 élus lors du scrutin du 29 novembre dernier (12 à l'APW et 140 au sein des APC), suivi du FLN (126 sièges), du FFS (84), de l'ANR (17), alors que le MCL a raflé 4 sièges seulement. Mais le jeu de coulisses et les tractations risquent de tout chambouler. Pour le moment, personne ne sait qui remplacera M. Dramchini (RND) au Sénat, bien que les pronostics et les chiffres soient en faveur des trois premiers candidats cités plus haut. Une chose est sûre, la bataille se jouera entre ceux qui réussiront à rallier le plus grand nombre d'élus indépendants (35) et ceux des partis n'ayant pas présenté de candidat, à l'instar du MPA (45), du PT (18), du PLJ (18), du FM (13) ; le RCD, qui a eu 13 sièges, a opté pour le boycott. Et c'est là que l'argent aura son mot à dire, surtout lorsqu'on sait que les directives émises par les responsables de certaines formations politiques dans cette optique n'ont jamais été – ou peu – appliquées par la base, comme ce fut le cas lors de l'installation des nouveaux P/APC. Un membre du conseil national du RCD nous a confié qu'«un des candidats est allé jusqu'à me dire qu'il était prêt à payer les élus qui voteraient pour lui, bien que je lui aie expliqué que mon parti ne prendrait pas part au scrutin en question». Selon les échos qui nous sont parvenus, le coût de la voix d'un élu varie entre 100 et 600 millions de centimes sur le «marché des tractations». Mais il est utile de rappeler qu'il existe quand même des candidats intègres qui ne peuvent se permettre d'acheter la confiance des électeurs pour s'offrir une place au soleil. Certains observateurs pensent, par ailleurs, que même la législation n'est pas faite de sorte à éviter les pratiques qui minimisent de la crédibilité des compétitions électorales. Pour eux, le candidat aux sénatoriales doit être issu d'une formation qui a obtenu au moins 10% du nombre de sièges que compte la wilaya. Or, l'article 107 du code électoral stipule que «tout membre d'une Assemblée populaire communale ou de wilaya, remplissant les conditions légales, peut se porter candidat à l'élection au Conseil de la nation». Selon l'article 126 de la même loi, est déclaré élu sénateur «le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix en fonction du nombre de sièges à pourvoir. En cas d'égalité des suffrages obtenus, est déclaré élu le candidat le plus âgé».