Les spécialistes de la santé publique mettent en garde contre l'utilisation abusive d'antibiotiques et l'automédication. L'usage abusif des antibiotiques nuit à la santé. Une surconsommation de ces médicaments a pour conséquence le développement de bactéries de plus en plus résistantes. Ce diagnostic a été établi par des spécialistes de la santé publique, lors de la 2e journée d'infectiologie organisée mercredi dernier au CHU Nedir Mohamed de Tizi Ouzou sous le thème «L'antibiothérapie en pratique courante». «Quand le premier antibiotique a été inventé, il pouvait traiter tout, et plus rapidement, les germes sont devenus résistants. Et à force d'utiliser à tort ou abusivement des antibiotiques, nous ne faisons que sélectionner les germes résistants alors nous tuons tous les gentils et nous sélectionnons les difficiles, ce qui fait qu'on peut aboutir à des infections qui seront plus sévères à l'avenir parce qu'on l'utilise mal», a indiqué Dr Touat du service des maladies infectieuses au CHU de Tizi Ouzou. Il a ajouté : «L'antibiothérapie a des règles de prescription. Tous les médecins prescrivent des antibiotiques mais normalement dans le respect des règles de prescription. Ces règles, nous les enseignons à la faculté peut-être insuffisamment mais nous les rappelons également dans des journées comme celle d'aujourd'hui. L'antibiothérapie, normalement ne devrait pas être sujet de l'automédication. Nous ne pouvons pas aller voir le médecin et lui dire : je fais une angine, donnez-moi un antibiotique. Le citoyen ne sait pas que dans 80% des cas son angine est virale et que l'antibiotique ne sert à rien. Quand il le prend, il va défigurer un peu toute flore bactérienne buccale et il va sélectionner des mutants résistants, ce qui est une mauvaise chose». Selon Dr Touat, l'antibiothérapie est censée être donnée sur ordonnance avec respect de la durée et respect, bien sur, du choix de l'antibiotique par rapport à l'infection avérée. «II ne faudrait pas qu'on les confonde car l'antibiotique n'est pas un antipyrétique. Chaque fois que quelqu'un a de la fièvre, il prend un antibiotique et il dira ensuite, pour moi, même avec l'antibiotique ça na ne va pas ! Alors non, car l'antibiotique agit sur des germes bien déterminés et dans des infections bien déterminées que seul le médecin peut reconnaitre». Pour ce spécialiste en infectiologie, l'antibiothérapie ne doit plus faire l'objet d'une automédication : «Il faudrait qu'elle soit délivrée sur ordonnance. Maintenant, avec le marketing et la modernité, il y a une pression. Nous avons énormément de délégués médicaux, mais nous, les infectiologues, notre souci est de préserver cette molécule pour qu'elle s'inscrive dans la durée, parce que, contrairement aux autres médicaments, un antibiotique mal utilisé devient inefficace assez rapidement. Si nous l'utilisons rationnellement, l'antibiotique peut rester sur le marché jusqu'à 20 où 30 ans plutôt que d'être inefficace au bout de quelques années», explique t-il. «Il y a une pression qui pousse les gens à utiliser l'antibiotique mais également le désir du patient d'être traité car il pense que c'est ce qu'il y a de mieux. Les gens pensent que comme la molécule est nouvelle, donc elle est efficace qu'autre chose, ce qui n'est pas vrai car les nouvelles molécules ne sont pas plus efficaces sur certains microbes et bactéries que d'anciennes molécules qui ont été préservées. Certains antibiotiques doivent être utilisés avec des règles de prescription et ne pas en abuser, ni penser que toute fièvre est une infection et même dans le cas où cette fièvre s'avère infectieuse, car une infection qui n'est pas bactérienne ne nécessite pas d'antibiotiques. Nous avons encore trois micro-organismes, les champignons, les parasites et les virus qui ne répondent pas à l'antibiothérapie. Donc, l'antibiotique est prescrit quand même plus souvent abusivement», conclut Dr Touat. Pour plus d'efficacité de l'antibiothérapie curative, les spécialistes recommandent de limiter l'antibiothérapie aux infections, dont l'origine bactérienne est documentée ou probable, et pour lesquelles d'autres mesures ne suffisent pas. Il s'agit aussi de respecter des posologies et des modalités d'administration adaptées aux antibiotiques et à la pathologie du patient de façon à assurer des concentrations appropriées au site de l'infection.