«Il ne s'agit pas d'être modeste, mais d'être le premier… »De Sechelles à l'instar de la majorité des puristes, Ali Benarbia ne s'était pas trompé en tablant, il y a quelques semaines, sur la énième consécration de Messi. En effet, et pour la quatrième fois consécutive, le prodige barcelonais s'est imposé sans coup férir, remportant de nouveau le Ballon d'or. Ainsi, il a ravi la vedette à ses éternels concurrents, Iniesta et Ronaldo. Mais ce résultat des suffrages était tout sauf une surprise. Sur le plateau de télévision et en sa qualité de consultant, Ali, l'ancien meneur de jeu du PSG et de l'équipe nationale, ne tarissait pas d'éloges à l'endroit du lauréat, tout ravi dans son costume à pois et son nœud papillon en recevant le trophée. En faisant un clin d'œil affectueux à son compère du Barça, Iniesta, mais pas à son rival de toujours, visiblement déçu. Les mots d'Ali s'égrènent comme des coups francs bien bottés qui font mouche. «Bien plus que Pelé, Cruyff et Maradona qui ont marqué leur époque, Messi est sans doute le meilleur footballeur de tous les temps. C'est un génie, un être exceptionnel qui sait tout faire avec un ballon, doué de surcroît d'une vision de jeu éclairée et limpide et de dribbles déroutants. Sans lui, le Barça serait une autre équipe et son rendement réduit de moitié», explique Benarbia qui sait de quoi il parle, pour avoir été lui aussi, sans comparaison fortuite, un talentueux meneur de jeu. Un jeune doué Messi s'identifie à Barcelone où il nous étonne à chaque instant du match, qu'on ne regarde pas seulement mais qu'on savoure. Sur le terrain, Messi est incontournable. Il ne reste jamais à la même place, il est présent sur toute l'attaque, se faufile au centre, parcourt les ailes, envahit la surface de réparation et revient en défense. Dès qu'il foule la pelouse, Messi s'endurcit physiquement, aucune tâche ne l'intimide, aucun marquage ne le freine et aucun défenseur central ne court plus vite que lui. Quand il touche la balle, Messi parle, jase, monologue. Il a aussi appris à dialoguer. C'est justement ce qui lui manquait - les longues passes - pour devenir le meilleur parmi les meilleurs. «Le coup de sifflet a pour lui des vertus médicinales. Messi troque alors son comportement autiste, pour porter une attention méticuleuse presque excessive au jeu. Il est branché sur ses coéquipiers, ses adversaires, et surtout il ne perd pas des yeux le ballon», commente le journal El Païs. Lionel Andres Messi est né à Rosario, en Argentine, le 24 juin 1987. A l'âge de 5 ans, sa grand-mère l'emmène passer des tests dans le club local Grandoli, où il ridiculise ses adversaires de 12 ans. Il se retrouve par la suite dans le prestigieux club des Newels Old Boys. A 10 ans, il ne mesure que 1,11 m ; un médecin décèle une maladie hormonale. Sa carrière professionnelle est compromise. «Sans hormones de croissance, Lionel aurait atteint au mieux 1,50 m à l'âge adulte», racontait son père, Jorge, au journal L'Equipe. A l'époque, aucun club argentin ne voulait s'engager à payer son traitement. La famille Messi ne pouvait s'acquitter des 750 euros mensuels. Mais la famille ne se résigne pas et le présente en test au FC Barcelone. Lors d'un ultime test au FC Barcelone en 2000, Carles Rexach, le responsable du centre de formation Blaugrana n'hésite pas et, selon la légende, fait signer le père de Messi sur une serviette en papier, un contrat «symbolique» en échange de la gratuité des soins médicaux. Après cet essai concluant, la Masia, le Centre de formation du FCB prend en charge les soins médicaux de l'Argentin, qui s'installe en Catalogne en 2000 avec sa famille. Mais des vents contraires vont secouer la carrière naissante de notre prodige. Lors de son deuxième match avec les jeunes du Barça, Messi se fracture le péroné et devient indisponible pendant 3 mois. En 2001, c'est un litige avec son ancien club qui l'éloigne des terrains de février à juin. Le jeune Messi se reprend et gravit les échelons pour évoluer en équipe première. A 17 ans, avec une taille désormais acceptable, il est convoqué pour la première fois avec l'équipe professionnelle. Contrat jusqu'en 2014 Il fait, le 17 octobre 2004, sa première apparition et participe par la suite à une série de bouts de matchs. Contre l'Albacete, Messi rentre dans l'histoire du club grâce à son premier but d'une balle piquée sur une combinaison avec Ronaldinho. A 17 ans et quelques mois, le petit numéro 30 devient alors le plus jeune buteur pour le Barça au cours d'un match de Liga. Messi devient peu à peu un sérieux concurrent de Giuly, alors titulaire sur le côté droit. A la fin de 2005, le Barça renouvelle son contrat jusqu'en… 2014, avec la même clause de départ que Ronaldinho (150 millions d'euros). Lors du huitième de finale de la Ligue des champions contre Chelsea en 2006, Messi est titularisé par Riijkard aux côtés de Eto'o et Ronaldinho. Encore méconnu du grand public, il réalise une grande performance qui le révèle au niveau mondial. Malheureusement, il est victime d'une grosse blessure lors du match retour au Camp Nou et il manque la fin de la saison pendant laquelle le Barça remporte la Liga et la Ligue des champions contre Arsenal (2-1). L'année 2007 est celle de la confirmation, où Messi relègue définitivement Giuly sur le banc. Le 18 avril 2007, lors de la demi-finale aller de la coupe d'Espagne face à Getafé, Messi marque un but exceptionnel. Partant de son propre camp, il élimine successivement tous les défenseurs adverses puis le gardien de but, avant de loger le ballon au fond des filets. Un but identique à celui légendaire, lors de la Coupe du monde 1986, inscrit par Diego Maradona contre l'équipe d'Angleterre. La comparaison fait frémir le jeune Lionel dont l'idole, on l'imagine, tient une bonne place dans son cœur. Maradona est fier de son jeune compatriote. «Messi me ressemble assez. C'est vraiment le meilleur joueur du monde. Il ne sera ni meilleur ni moins bon que moi. Il sera Messi et personne d'autre, parce qu'il a l'étoffe du champion qui sait prendre ses responsabilités. Je connais bien le nom de celui qui prendra ma place dans l'équipe d'Argentine. Son nom est Lionel Messi. C'est un talent à l'état pur. En tant qu'Argentin d'abord, puis en tant qu'amoureux du football. Peu importe qu'il ait seulement dix-sept ans, car le talent on l'a ou en ne l'a pas», confessait Maradona en 2006. Dans le même sillage, Raul, capitaine du Real Madrid, qu'on ne peut soupçonner de sympathie pour le rival catalan, va lui aussi de ses qualificatifs élogieux : «Ce que j'aime chez Messi, c'est sa tranquillité et sa façon de jouer. C'est le joueur le plus déséquilibrant du monde.» Quant à Fabio Capello, pourtant sévère dans ses jugements, il est subjugué : «Je vous avoue que pendant quelques instants, j'ai cru revoir Maradona sur la pelouse. Je n'ai jamais vu un joueur de son âge faire ce qu'il fait à pareille vitesse.» Son premier entraîneur, Dominguez, a révélé quelques-uns de ses souvenirs, en signalant qu'il a surtout été marqué par le physique fragile de l'Argentin. «Il mettait toujours son maillot dos à nous, face au mur. Je supposais qu'il y avait quelque chose, et un jour, sans le vouloir, j'ai vu sa poitrine et il n'avait pas de cage thoracique. Il avait la poitrine très enfoncée.» Un témoignage fort, suivi d'un message destiné au Barça qui a pris soins du petit Léo : «Grâce à Dieu, grâce au Barça et aux gens de Barcelone il est tombé dans ce club, il ne serait pas devenu ce qu'il est aujourd'hui sans eux.» Palmarès éloquent Depuis son éclosion, Messi qui a du talent, beaucoup de talent, a prouvé qu'il sait bien s'en servir. Le palmarès de celui qu'on surnomme «la puce» est éloquent. Jugez-en : deux Ligues des champions (2009-2011), quatre Ligas (2009, 2010, 2011 et 2012), meilleur buteur du championnat espagnol (2010). En 2012, il a, à son actif, 63 buts en 52 matches, toutes compétitions confondues. L'Argentin a inscrit 243 buts en 321 matches avec le Barça et est devenu le meilleur buteur de l'histoire des Blaugrana la saison dernière. Avec 9,3 dribbles par match et une réussite de 60%, Messi est devenu le roi incontesté dans ce domaine. Messi est aussi le joueur qui marque le plus en Ligue des champions. Avec 14 buts en 2012 (1,40 but match), l'Argentin a égalé l'Italo-Brésilien, José Amalfi, en 1962-1963 avec le Milan AC. Messi est toutefois moins efficace avec son équipe nationale, l'Albiceleste, avec laquelle il s'est contenté de 22 réalisations en 97 matches. Messi est aussi un des joueurs qui gagnent le plus d'argent. Selon France Football, Messi domine le classement mondial des revenus annuels avec 33 millions d'euros, devant David Bekham et Cristiano Ronaldo, 29,20 annuels (salaires, primes, contrats publicitaires). Messi touche un salaire de 10,5 millions (875 000 euros) par mois. Ronaldo, éternel second dans les sondages, peut se consoler. Il compte plus de fans sur Facebook que Messi ; 42 636 688 pour le Portugais, contre 34 490 728 pour l'Argentin . L'image de Ronaldo est plus vendable selon une étude de l'école de marketing espangole. Plus glamour, l'image de marque de Ronaldo est évaluée à 40 millions d'euros contre 37 pour Messi. Messi est-il le meilleur joueur du monde ? Peu en doutent. Arsene Wenger, l'entraîneur d'Arsenal, a dit de lui qu'il était un joueur de play-station. C'est aussi le joueur le plus efficace. Selon une étude menée il y a une année, si Messi était dans n'importe quelle équipe parmi les dix premiers de la Ligue, celle-ci deviendrait championne ! «Sur un terrain de foot, il se métamorphose et devient quelqu'un d'autre. L'exact contraire de ce qu'il est dans la vie quotidienne», révèle sa mère. Elle n'a pas tort. Le dédoublement de la personnalité est bien perceptible chez ce petit lutin de 1,69 m et 67 kg. «En étant aussi timide, lui demandait une amie d'enfance, comment peux-tu entrer sur le terrain et jouer devant cent mille types qui ne te lâchent pas du regard ?» Messi a alors souri et a fait cette remarque très significative : «Je ne sais pas. Je ne suis pas moi.»