Vendredi soir, à l'Ecole d'arts portant bien et beau son nom, Artissimo, à Alger, régnait un je ne sais quoi dans l'air… du temps. Et pour cause ! Une exposition collective montrant et démontrant le talent avéré de jeunes plasticiens, designers, graphistes et autres vidéastes y a été étrennée. Ils sont jeunes. Ils sont créatifs. Ils ont du talent à en revendre. Et ils représentent la nouvelle «sensation» artistique. Aussi, il faudra compter avec eux. Ils s'appellent Fatima Chafaâ, Seïf El Islem Azzouz, Djamel Agagna, Walid Aïdoud, Hicham Belhamiti, Adel Bentounsi, Zineddine Bessaï, Walid Bouchouchi, Assila Cherfi, Mehdi Djelil, Rafik Khacheba, Mourad Krinah et Sofiane Zouggar. Des Beaux-aristes excellant chacun dans son registre. Aussi, l'école Artissimo, qui est désormais aussi une galerie, s'est défaussée du carcan routinier, aseptisé et conventionnel. Et ce, en créant un univers pluridisciplinaire, juvénile, frais et inédit à la manière de la Factory, très chère à Andy Warhol, où se croisaient Basquiat, Lou Reed ou encore Debbie Harry du groupe Blondie. Là, lors de cette exposition intitulée «Picturie générale» — une contraction de picture (image) et épicerie —, on pouvait croiser les aînés des artistes exposants, comme Boucetta Mustapha, Arezki Larbi, Boudia, Nedjaï, Amar Bouras, ou encore le poète et journaliste Abderrahmane Djelfaoui. Venus encourager la relève. Du coup, on est transporté dans une ambiance «clubbin'» et cercle des poètes (retrouvé) ici, une live vidéo diffusant sur un écran géant des images régies par le bruit des visiteurs. C'est l'installation Noise de Sofiane Zouggar. Plus on fait du bruit, plus les images s'accélèrent. C'est l'art visuel interactif. «C'est un support artistique contemporain. C'est une live vidéo qui, à la base, était une installation sonore diffusant des images de Ghaza, Syrie, Libye… C'est le public qui gère la projection en émettant un son ou un bruit. Le thème Noise (bruit) est contre la propagande et manipulation des médias…», commentera Sofiane Zouggar. Noise a déjà été présenté à Nothingham (Royaume-Uni) lors du World Event Young Artists en septembre 2012. Contre l'intox des médias Là, Fatima Chafaâ exhibe, à même le parquet, 22 poupées-drapeaux des pays arabes, décrivant un cercle, avec au centre une balance : celle de la justice (ou injustice). «J'ai représenté chaque pays arabe par une poupée et son emblème, où chaque peuple revendique plus de justice…», expliquera-t-elle. Son autre travail porte sur la photo : «L'intitulé est l'Illusion. Une symbolique entre le croissant, l'étoile et des poupées confectionnées fixées en instantané. C'est le ou les printemps arabes par opposition à notre pays qui a vécu cela avant les autres». Là-bas, Seïf El Islem Azzouz décline un trait subtil, délicat et stylisé, car il a l'œil compas pour ne pas dire l'œil design. Il signe deux toiles de nus : Non voyeurisme I et II : « Mon trait basique est le bleu. J'ai voulu me démarquer du trait érotique. Donc, un trait atténué. Je me suis interrogé : est-ce qu'on peut voir le corps de la femme autrement loin d'un regard libidineux. Ici, les gens ont bien accueilli ces toiles. C'est la première fois que j'expose cela.» Non voyeurisme I s'est vu coller un sticker A. Cela veut dire qu'il est réservé (pour un achat). De bon augure ! Walid, graphiste, présente un «story-board» expressif et éloquent, ne laissant guère indifférent. Et ce, entre emballage plastique, clichés et étiquettes sur le fameux vert studio utilisé pour les effets spéciaux : «Mon installation est baptisée Prêt à voir et en filigrane, c'est le printemps arabe.» Dans la même trajectoire, Benhamiti Hichem dénonce à travers un tableau allégorique le profit de la manne pétrolière au détriment du peuple. Sarah El Hamed, directrice artistique et consultante auprès de l'Ecole Artissimo, indiquera à propos de l'exposition «Picturie générale» : «C'est un support d'autodérision portant sur la société de consommation, les nouveaux médias, les stéréotypes, le contexte socio-économique algérien. Un témoignage actuel. Et puis, nous avons là un vivier de jeunes artistes. On aimerait développer ce genre d'initiatives». Attention : l'abus de la consommation de l'art n'est pas nocif à la santé !