L'urgence de mettre en place un plan cancer et l'amélioration de la prise en charge des malades cancéreux étaient les deux principaux thèmes des Journées scientifiques organisées depuis mercredi par la société algérienne d'oncologie thoracique, dont les travaux ont pris fin jeudi après-midi. Un plan qui nécessite, selon les participants à cette rencontre internationale consacrée au cancer bronchique, la mobilisation de tous les intervenants dans le secteur. L'apport des pouvoirs publics reste néanmoins déterminant. Initiateur de ce plan avec un groupe de praticiens, Ameur Soltane, président de la société algérienne d'oncologie thoracique, a souligné que la lutte contre la maladie cancéreuse doit reposer d'abord sur la prévention, le diagnostic précoce et la prise en charge des malades par des soins appropriés. « Cette rencontre scientifique devrait donner à réfléchir à toutes les personnes qui ont la prétention de doter le pays d'un plan national contre le cancer sans un véritable débat avec toutes les parties concernées, médecins, institutions, y compris les associations de malades et la société civile », a déclaré le docteur Ameur. Pour lui, l'implication de toutes les forces représente « le seul gage de réussite d'un plan national de lutte contre le cancer ». Et d'ajouter : « Dès le début du processus de mise en place du plan de lutte contre le cancer, il faut des actions consensuelles de tous les participants à la prise en charge du cancer, y compris ceux qui agissent en amont », a-t-il ajouté. Le manque de prévention de ces maladies cancéreuses est l'un des problèmes soulevés par les praticiens qui estiment que l'efficacité d'une prise en charge repose sur le soutien des politiques, des moyens financiers et des équipes de multidisciplinaires de médecins. Ils déplorent les vides juridiques en matière de prévention et le peu de textes existants ne sont pas appliqués. L'exemple de la lutte contre le tabac est édifiant. « Il continue à faire des ravages au sein de la population algérienne. Il a tendance à se féminiser, ce qui fait craindre une flambée du cancer des poumons chez la femme d'ici 10 à 15 ans », a signalé le professeur Berrabah Yahia du CHU d'Oran. Comme il a déploré l'absence de politique de dépistage des facteurs de risque du cancer. Selon lui, le malade arrive souvent chez le médecin à un stade avancé et il n'est pas toujours possible de le sauver, a-t-il regretté. Concernant les cancers professionnels, les congressistes déplorent le manque de statistiques et le mauvais diagnostic de ce type de cancers. Pour le professeur Omar Saïghi du secteur sanitaire de Blida, il existe un manque flagrant sur l'incidence des cancers professionnels en Algérie. Les registres recensant les malades atteints du cancer ne font pas ressortir la prévalence des cancers dans le milieu professionnel, a-t-il regretté. Cette caractéristique, estime-t-il, ne peut être mise à jour que par le médecin du travail par des visites régulières dans les usines et les chantiers de construction et les cimenteries. Parmi les facteurs de risque dans le milieu professionnel, l'amiante est le premier produit incriminé, selon ce praticien qui précise que dans son secteur sanitaire, il est recensé 96 cas de cancer à l'amiante entre 1998 et 2005. Pour le représentant de l'OMS à Alger, Noureddine Dekkar, « beaucoup de choses ont été faites » dans le cadre de la lutte contre le cancer en Algérie depuis 1980. Un premier travail épidémiologique a permis de connaître l'incidence des principaux cancers en Algérie, tels que, par ordre croissant, les cancers du sein, du col de l'utérus pour la femme et les cancers du poumon, de l'estomac et de la vessie pour les hommes. L'absence de plan national de lutte contre le cancer pénalise, selon lui, lourdement les efforts déployés depuis des décennies. « On n'a toujours pas réussi à diminuer le nombre de cancers, ni à guérir les malades du cancer et encore moins à traiter la douleur des malades au stade final », a indiqué M. Dekkar. Pour le représentant de l'OMS, en adoptant une véritable politique de prévention, il est très possible de réduire de 8000 à 9000 le nombre de cas des cancers en Algérie. Pour rappel, 30 000 nouveaux cas de cancers sont enregistrés chaque année dans notre pays. Le chiffre est appelé à connaître, selon les spécialistes, une forte progression dans les années à venir. Qu'attendent les pouvoirs publics pour décréter officiellement un plan national effectif de lutte contre le cancer et organiser des programmes sérieux de dépistages des différents cancers tels les cancer du sein, de la vessie et de la prostate ?